La communauté noire de Mauritanie commémore cette année, le 31éme anniversaire des déportations et massacres génocidaires perpétrés en avril 1989 par le régime raciste arabo berbère  de Mauritanie

Ces déportations planifiées, aux relents du NAZISME, avaient des motivations sordides. Il s’agissait de profiter du » conflit » avec le Sénégal pour tenter de « dénégrifier » le pays, car le taux d’accroissement important des Négro-africains est devenu une hantise, au point que tous les résultats des recensements démographiques ( par ethnie) sont tenus secrets et ce depuis 1960 !
Il s’agissait aussi de saisir cette occasion pour faire passer enfin une réforme foncière qui rencontrait une forte résistance en milieu Négro-africain, pour servir des intérêts inavoués. La déportation justement, permit de redistribuer la terre, et les terres de ces réfugiés en exil forcé au Sénégal, comme s’ils ne devaient plus jamais revenir ! Il s’agissait enfin de frapper les esprits en sévissant durement et partout pour intimider afin de décourager à jamais toute velléité de résistance, en décapitant la seule force politique organisée à l´époque que sont les FLAM, de manière à neutraliser l’avant garde éclairée de la contestation du projet hégémonique.

Dans le feu des évènements allait surgir une quatrième raison: récupérer le bétail peulh (150. 000 bovins) pour compenser les pertes matérielles subies par les maures rapatriés du Sénégal. Pour se venger du Sénégal voisin, les autorités mauritaniennes allaient se rabattre sans remords, sur ses propres citoyens qu’elles spolièrent et dépossédèrent pour les chasser ensuite comme des « vulgaires étrangers ». Quelle ignominie !
Et dire que l’Afrique se tait devant ces actes barbares! Et qu’à côté, on garde un silence, à la limite de la complicité.

A cette triste occasion, Flam-mauritanie.org publie un dossier spécial consacré à ces événements. Nous  vous proposons  durant tout ce mois d’avril 2020 une série d ‘articles, d’analyses et de témoignages sur ces crimes commis contre notre peuple .

Comme chaque année, Nous souhaitons que ce mois d’avril 2020 soit pour tous les Noirs mauritaniens un mois de recueillement et de souvenir des souffrances de notre peuple opprimé.

Ce travail de mémoire que nous menons est une nécessité car nous exigeons que justice soit rendue aux nombreuses victimes noires de l’apartheid mauritanien. Il est également indispensable pour les générations futures  pour que ces crimes contre leurs parents et leur communauté ne soient à jamais oubliés.

NON A L’OUBLI

NON A L’IMPUNITÉ

NON A L’INJUSTICE

 


 

Avril 1989 : Nouakchott fait le grand ménage anti-noir

 

Alors que la majorité des réfugiés sénégalais ont pu regagner leur pays, les autorités expulsent maintenant des mauritaniens ayant obtenu la nationalité après 1966.

Des départs massifs qui risquent d’être dramatiques pour l’économie mauritanienne.

 

Nouakchott, envoyé spécial

 

Apres les violences physiques, les oukases administratifs. Alors que la majorité des réfugiés sénégalais ont pu regagner leur pays, les autorités mauritaniennes poursuivent le «travail » commencé dans la rue par une partie de la population en expulsant, non seulement les Sénégalais qui n’avaient pas l’intention de partir mais les Mauritaniens d’origine sénégalaise. Officiellement, on parle de nationaux ayant obtenu illégalement la nationalité mauritanienne, en réalité, il semble que l’on conduise dans les centres de regroupement puis les aéroports tous les Mauritaniens ayant obtenu la nationalité après 1966…Parmi eux, des wolofs mauritaniens mais aussi des Mauritaniens Toucouleurs, des Maliens, des Guinéens.

 

C’est le grand règlement de comptes entre Maures blancs, assistés de leurs anciens esclaves haratines, et Négro-africains. Illustration de ce qu’avaient dénoncé ces derniers lors de violentes manifestations de 1986 lorsqu’ils parlaient «d’apartheid entre Blancs et Noirs » en Mauritanie. La foire internationale qui se vidait ces derniers jours est à nouveau remplie. Entassés dans des tentes, ou accroupis en files en plein soleil, en attendant les camions qui les conduisent à l’aéroport, des hommes, des femmes et des enfants ont rejoint les réfugiés des premiers jours. Il y’ a ici beaucoup de sénégalais, mais aussi des Mauritaniens dont les policiers ont déchiré les Papiers.

 

Un jeune proteste : « je suis né ici, j’ai la nationalité mauritanienne, ils veulent que je m’en aille … Ce n’est plus la chasse aux sénégalais, c’est la chasse aux nègres. On dénonce ce qui se passe en Afrique du sud, mais c’est la même chose en Mauritanie… » Un infirmier mauritanien, représentant du croissant-rouge, s’approche : « ce qu’il dit est vrai. Ce qui se passe est un scandale. Ce n’est pas normal de faire attendre des femmes et des enfants en plein soleil pendant des heures. Les conditions d’hygiène dans ces camps sont déplorables. J’ai honte pour mon pays » Tout autour, le terrain est jonché d’habits, d’objet divers :

« les militaires voulaient nous les confisquer, alors on a tout détruit pour qu’ils ne s’en servent pas… »

 

Plusieurs chefs d’entreprises européens ont vu leurs collaborateurs sénégalais ou mauritaniens arriver affolés : « la police est à la maison, ils cassent tout, ils volent et ils me cherchent pour m’expulser » ils se sont rendus sur place, ont effectivement vu les policiers faire le ménage et ont dû abandonner ceux qui leur demandaient de l’aide. Cette vague de règlement de comptes touche, non seulement les ouvriers, les techniciens, les fonctionnaires, mais aussi des hauts responsables de l’administration mauritanienne. Ainsi le directeur de la sécurité sociale a été arrêté, expédié à Dakar. La maison du directeur d’Air Sénégal a été pillée, et il n’a dû son salut qu’a la présentation de ses papiers mauritaniens établis bien avant 1970…

 

Quelques centaines de fonctionnaires mauritaniens d’origine sénégalaise ont été conduits dans les locaux des nations unis où ils attendent un avion pour rejoindre le pays de leurs ancêtres. Ces départs massifs risquent d’être dramatiques pour la Mauritanie. En effet, tout le monde se demande comment vont fonctionner entreprises ou administrations dont les cadres étaient souvent d’origine sénégalaise.

 

Ces derniers ne faisaient pas simplement fonctionner le pays, ils le nourrissaient aussi.   Une visite au port de Nouakchott est éloquente. Finies les barques qui se bousculaient sur la plage, finie la foule grouillante qui se pressait autour des étals. Il ne reste plus que quelques pécheurs wolofs en ciré jaune qui, désespérés, tiennent de tristes conciliabules à deux pas de la mer. Un jeune Maure, annonce une catastrophe : « nous ne n’avons jamais été des pécheurs. Il n’y a qu’eux qui connaissaient les coins, qui savaient jeter les filets… Lorsqu’ils ont appris ce qui se passait en ville, ils ont tous pris la fuite. Maintenant le kilo de poisson qui valait 80 ouguiyas (la monnaie locale) en coûte 250 …Tout ceci  à cause de nos conneries.» Pour les légumes, c’est la même chose. Les commerçants sénégalais tenaient le marche et, depuis leur départ, le prix des pommes de terre et des tomates a quadruplé.

 

Certains Maures se montrent pourtant confiants : « cela va nous permettre d’être maîtres de notre destin. Nous allons apprendre les métiers que nous ne pratiquions pas. Nous allons devenir pécheurs, soudeurs, mécaniciens… » Le seul problème, comme le reconnaissent d’autres, c’est qu’il sera plus facile aux Sénégalais d’apprendre à tenir des épiceries – ce qui faisaient les Maures au Sénégal – qu’aux Mauritaniens à devenir ouvriers spécialisés, comptables ou mécaniciens…

 

Gilles MILLET

 

Libération, samedi 6 et dimanche 7 mai 1989.

 


MAURITANIE / SENEGAL
L’intolérable exode

 

Le gouvernement mauritanien a-t-il pour objectif l’expulsion de tous les Noirs pour s’emparer de leurs terres ?

« Toutes les  nuits, des dizaines et, parfois, des centaines de Négro-Mauritaniens traversent le fleuve Sénégal depuis Boghé, d’où ils sont chassés, spoliés de tous leurs biens. Les forces de sécurité mauritaniennes les rassemblent dans une grande salle où ils doivent se déshabiller avant d’être conduits au fleuve. J’ai vu des femmes à qui on avait carrément arraché leurs boucles d’oreilles. Certains des expulsés sont blessés ou portent des traces de coups. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est la collecte et la destruction systématique de leurs papiers d’identité, cartes
professionnelles et autres. C’est comme si on voulait les radier de tous les registres, à jamais effacer leur appartenance à la nation mauritanienne». Fin juin, l’agronome français Louis de Crisenoy a rapporté ce témoignage d’un séjour d’une semaine dans la vallée du fleuve Sénégal.
« Il faut que je me délivre de ce que j’ai vu », s’est-il expliqué en invoquant le «profond sentiment d’abandon des expulsés».

Selon les chiffres avancés par les organisations non-gouvernementales, quelque 45.000 Noirs mauritaniens campaient, à la mi-juin, sur la rive sénégalaise du fleuve. «Ils ont été arbitrairement expulsés, ils ont tout perdu et se trouvent sous des abris de branchages, alors que les premières pluies sont tombées le dimanche 11 juin ». Pourquoi le gouvernement sénégalais ne réagit-il pas ?. « Il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu », a-t-on affirmé à Dakar où entre-temps, le gouvernement semblait avoir relu le fameux décret du 8 décembre 1933, contrairement à ce qui avait été affirmé dans un premier temps, la délimitation de la frontière entre les deux colonies de part et d’autre du fleuve Sénégal ne fit pas mention de «la ligne des hautes eaux».

C’est pourtant sur cette disposition que Dakar avait cru bon de fonder le droit coutumier de ses ressortissants de cultiver la rive septentrionale du fleuve…
L’enjeu du conflit entre le Sénégal et la Mauritanie qui a fait des centaines de morts lors des tueries du mois d’avril, c’est bien cette vallée du fleuve Sénégal, désormais cultivable grâce aux barrages de Manantali, en amont, et de Diama, à l’embouchure.

Dans une prise de position sur «les origines du conflit sénégalo-mauritanien», le Khalife général de la confrérie musulmane des Tidianes. Serigne Abdoul Aziz Sy, l’affirme sans ambiguïté : «A l’époque coloniale, nous étions partout chez nous dans la vallée. Au moment des indépendances, il en était encore ainsi et jamais un Maure n’avait eu une motte de terre chez nous. Aujourd’hui, le gouvernement actuel de Mauritanie est sur le point de réaliser son objectif, à savoir l’expulsion de tous les Noirs de leur patrie pour s’emparer de leurs terres. »

Selon Louis de Crisenoy. Les récits de tous tes expulsés noirs de Mauritanie concordent sur ce point. Dans une déclaration qui lui a été remise par «les déportés mauritaniens» qui ont trouvé refuge à Thiés, à l’intérieur du Sénégal, il est même question d’un «plan machiavélique dont l’objectif inavoué est de vider la Mauritanie de sa composante negro africaine. Selon ces témoignages, des villages entiers ont été vidés et, parfois, incendiés, comme par exemple Diaw, Hamdalaye et Dar Salam dans le seul département de Boghé.

Selon un document détaillé, établi par des organismes d’aide intervenant dans le sud de la Mauritanie, sur 3.425 familles recensées dans 67 villages entre Rosso et Leqceibar, en face de la ville sénégalaise de Podor ; 1.269 on dû quitter le pays au cours du seul mois de mai, soit au moins 6.000 personnes. «Grâce à la Croix Rouge, l’église lutherie allemande et l’incroyable solidarité dans les villages sénégalais, ils ont été pourvus du nécessaire pour survivre», a rapporté Louis de Crisenoy, ajoutant : «Mais à présent, le problème a pris des proportions insurmontables à ce niveau-là».

A Dakar, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (H.C.R.) s’apprête à intervenir début juillet. 45.000 métrés carrés de bâche avaient déjà été commandés pour abriter les expulsés mauritaniens. Mais ceux-ci s’insurgeaient contre «le silence honteux» entourant leur sort et réclamaient «justice». Certains, passant de l’impuissance à un sentiment de révolte, devaient même commencer à demander « des armes plutôt que des secours ».

A Démet, le village sénégalais situé juste en face de Boghé, un jeune expulsé Dahir Thiam. avait confié : «Si on nous aide en armes, nous récupérerons nos biens ». De telles excursions nocturnes de «récupération» étaient déjà parties et plusieurs incidents violents s’étaient produits au mois de juin. Sans doute pour dissuader ces aventures, les garde-frontières mauritaniens avaient pris position de façon à être visibles depuis la rive sénégalaise.

A Dara Halaybé, un village sénégalais, ils auraient même abattu du bétail en tirant à travers le fleuve. «C’est un miracle qu’ils n’aient tué personne», a affirmé un habitant.

Entre-temps, l’armée sénégalaise rongeait son frein, d’autant que les galonnés sénégalais ont du vague à âme depuis le limogeage du général Joseph-Louis Tavares de Souza, en mars dernier.

Dans la vallée du fleuve, certains chefs religieux accusent le gouvernement de Dakar « d’attentisme depuis plus d’un an » en rappelant l’arrêté du préfet de Boghé qui, le 10 mai 1989, aurait d’un trait de plume « confisqué les terres de culture appartenant aux populations noires du Sénégal et de Mauritanie ». Certains laissaient même entendre que l’inertie du gouvernement expliquerait la colère populaire qui s’est déchargée en avril, contre les commerçants maures installés an Sénégal. Le Khalife général des Tidianes soulignait pour sa part que, « devant la passivité des autorités de leurs pays et une certaine indifférence à leurs problèmes. Les populations dans la vallée, du fleuve ont l’impression de n’être pas défendues, protégées contre un ennemi qui affiche au grand jour et de façon provocante ses intentions de dissocier la terre de ses légitimes propriétaires. » Et sa conclusion était sans appel : «Cela prouve que la coexistence sur cette base entre les Maures et les Noirs est impossible. Toute tentative de conciliation est vouée à l’échec, si elle ne tient pas compte de l’unité fondamentale de la vallée au plan  humain, culturel et économique et si elle ignore l’exigence d’égalité entre  partenaires de toutes races dans la nation mauritanienne. »

L’égalité entre les partenaires de toutes races semble, moins que jamais d’actualité à Nouakchott  Depuis les massacres d’avril, de part et d’autre du fleuve Sénégal, les «Nasseriens» – la frange la plus chauvine de la mouvance panarabe, alliée a la Libye tiennent le haut du pavé dans la capitale mauritanienne. A tel point que le seul dirigeant en liberté du mouvement baasiste De wali Ould Chein a tenu à rappeler, depuis les îles Canaries, que « la formation des Baasisies en Mauritanie a été décapitée par la répression en août dernier. Nos plus hauts responsables sont toujours en prison ». Une façon de se démarquer du rêve – hallucinant d’une «Mauritanie blanche» ou  au contraire, une offre de ralliement, à condition que les leaders baasistes soient libérés ? Contrairement à l’amalgame qui – à la place des Nassériens – a accablé de tous les maux les Baasistes de Mauritanie, ceux-ci se sont rapprochés, depuis un an, du mouvement démocratique. De là à trancher la question si, oui ou non, il s’agit d’une simple alliance tactique commandée par la détention de ses têtes pensantes, il y a qu’un pas.

Le fait est que, à la mi-juin, le cousin du président Ould Taya et directeur de la sûreté, Dedahi Ould Abdellahi, s’est rendu à Las Palmas pour approcher les «opposants susceptibles de renforcer le front intérieur»…

Fin juin, les rangs paraissaient pourtant déjà bien serrés. Dans la capitale Nouakchott, le couvre-feu restait en vigueur, permettant des arrestations nocturnes « sans que personne n’ait le temps d’intervenir ». Dans pratiquement toutes les entreprises nationales, dans l’administration, la télévision et la radio, des « commissions de liste » s’étaient créées pour recenser les Noirs dont la nationalité mauritanienne était, pour une raison ou une autre, mise en doute. Au ministère du Développement rural où le nombre de cadres Négro-mauritaniens est particulièrement élevé, une « antenne » de la police s’était carrément installée en permanence pour dresser ces listes noires – au propre et au figuré- . Pendant ce temps, une forte pression s’exerçait sur les notables de la communauté négro-africaine de prêter publiquement serment d’allégeance. L’un des premiers à être intervenu à la télévision nationale pour affirmer « qu’il n’y a pas de racisme en Mauritanie », Alassane N’Gaydé. s’est vu promu, deux jours plus tard, conseiller de presse à la présidence…

Stephen SMITH
Africa international n° 218 juillet – août 1989.


L’exil forcé des Noirs mauritaniens. 
Peu après son indépendance, la Mauritanie s’est lancée dans des politiques agressives d’« arabisation », assurant la suprématie raciale d’une petite élite arabo-berbère au détriment d’une population noire largement majoritaire, dont beaucoup ont été expulsés en 1989 (MEE/Amandla Thomas-Johnson)

Des centaines de Negro Mauritaniens sont expulsés chaque jour par les autorités de Nouakchott. Ils sont désormais 45000 à être réfugiés sur la rive sénégalaises du fleuve.

 

Toutes les nuits, des dizaines et parfois des centaines de Negro Mauritaniens traversent le fleuve Sénégal depuis Boghe d’où ils sont chassés , spoliés de tous leurs biens. Les forces de sécurité mauritaniennes les rassemblent dans une grande salle où ils doivent se déshabiller avant d’être conduits au fleuve. J’ai vu des femmes à qui on avait carrément arraché des boucles d’oreilles. certains des expulsés sont blessés ou portent des traces de coup. Mais ce qui m’a le plus frappé c’est la collecte et la destruction systématique de leurs papiers d’identité, cartes professionnels et autres. C’est comme si on voulait les radiés de tous les registres, à jamais effacer leur appartenance à la nation mauritanienne. »

L’agronome français  Louis de Crisenoy rapporte ce témoigne d’un séjour d’une semaine dans la vallée du fleuve Sénégal.

 

« Il faut que je me délivre de ce que j’ai vu » explique-t-il invoquant le « profond sentiment d’abandon des expulsés ». Selon les chiffres avancées par les organisations non gouvernementales quelques 45000 Noirs mauritaniens campent désormais sur la rive sénégalaise du fleuve. « ils ont été arbitrairement expulsés, ils ont tout perdu et se trouvent sous des abris de branchages, alors que les premières pluies sont tombées il y a une semaine. » Pourquoi le gouvernement sénégalais ne réagit-il pas ? « il ne faut jeter de l’huile sur le feu » affirme-t-on à Dakar où, entre-temps le gouvernement semble avoir relu le fameux décret du 8 décembre 1933. Contrairement à ce qui a été affirmé dans un premier temps, la délimitation entre les deux colonies françaises de part et d’autre du fleuve Sénégal ne fit pas mention de « la ligne des hauts eaux ». C’est pourtant sur cette disposition  que Dakar  avait cru bon de fonder son droit coutumier de cultiver  la rive septentrionale du fleuve…

 

l’enjeu du conflit entre le Sénégal et la Mauritanie qui a fait des centaines de morts lors des tueries du mois d’Avril, c’est bien la vallée du fleuve, désormais cultivable grâce aux barrages de Manantali, en amont et de Diama, l’embouchure. dans un document sur « les origines du conflit Senegalo-mauritanien », le khalife général de la confrérie musulmanes des Tijanes, Abdul Aziz Sy, l’affirme sans ambiguïté « A l’époque coloniale, nous étions partout chez nous dans la vallée. Au moment des indépendances, il en était encore ainsi et jamais un Maure n’avait eu une motte de terre chez nous. Aujourd’hui le pays est coupé en deux, déchiré dans sa chair et usurpé par les Maures. Le gouvernement actuel de la Mauritanie est sur le point de réaliser son objectif, à savoir l’expulsion  de tous les Noirs de leur patrie pour s’emparer de leurs terres. »

 

Selon Louis de Crisnoy, les récits de tous les expulsé noirs de Mauritanie concordent sur ce point. dans une déclaration qui lui a été remise par  « les déportés mauritaniens » qui ont trouvé refuge à Thies, à l’intérieur du Sénégal, il est même question d’un « plan machiavélique dont l’objectif inavoué est de vider la Mauritanie de sa composante negro africaine. » selon ces témoignages, des villages entiers ont été vidés et, parfois incendiés, comme par exemple Diaw,Hamdalaye, et Dar Salam dans le seul département de Boghé.

Selon un document détaillé, établi par des organismes d’aide intervenant dans le sud de la Mauritanie, sur 3425 familles recensées dans 6è villages entre Rosso et Leqceiba, en face de la ville sénégalaise de Podor, 1269 ont dû quitter le pays au cours du seul mois de mai soit au moins 6000 personnes. « grâce à la croix –rouge, à l’église luthérienne allemande et l’incroyable solidarité dans les village sénégalais, ils ont été pourvus du nécessaire pour survivre », rapporte louis de Crisnoy, ajoutant : « Mais à présent, le problème a pris des proportions insurmontables à ce niveau là. »

 

A Dakar, le haut commissariat des Nations unis pour les réfugiés (HCR) s’apprête à intervenir. 45000mètres carrés de bâche ont été commandés pour abriter les expulsés mauritaniens. Mais ceux-ci s’insurgent conte « le silence honteux sur leur sort et réclament « justice ». certains passant de l’impuissance à un sentiment de révolte, commencer à demander « des armes plutôt que des secours ». A Demet, juste en face de Boghe, un jeune expulsé, Dahir Thiam, a confié à l’envoyé spécial de l’AFP: « Si on nous aide à prendre des armes, nous récupérerons nos biens. »

 

De sources concordantes, on affirme que plusieurs incidents violents se sont déjà produits  au cours des dernières semaines. les gardes – frontières mauritaniens sont visibles depuis la rive sénégalaise. A Dara Halaybé, un village sénégalais, ils auraient abattu du bétail en tirant à travers le fleuve. « L’armée sénégalaise ronge son frein. »affirme une source militaire à Dakar. Depuis le limogeage du général Joseph-Louis Tavares da Souza ,en mars dernier les galonnés sénégalais ont du vague à âme …

 

Dans la vallée du fleuve , les chefs religieux accusent le gouvernement « d’attentisme depuis plus d’un an » en rappelant l’arrêté du préfet de Boghe qui, le 10 mai 1988, aurait d’un trait de plume « confisqué des terres de cultures appartenant aux populations noires du Sénégal et de la Mauritanie». Certains laissent même entendre que la passivité du gouvernement expliquerait la colère populaire qui s’est déchargée au mois d’avril , contre les commerçants maures installés au Sénégal. Le fait est que, depuis les massacres de part et d’autre du fleuve Sénégal, les « Nasserienss »-la frange la plus chauvine de la mouvance panarabe , alliée à la Libye- tiennent le haut du pavé à Nouakchott.

 

L’administration, l’armée et les grandes entreprises ont été « eparées » de cadres negro africains qui n’ont leurs postes saufs qu’à condition de prêter publiquement sermon  d’allégeance. l’un des premiers à etre intervenu à la television nationale pour affirmer « qu’il n’y a pas de racisme en Mauritanie », Alassane n’Gaide  a été promu , deux jours plus tard conseiller de presse à la présidence.

 

Stephen SMITH

 

Liberation, mercredi 21 juin 1989.

Après les affrontements ethniques entre le Sénégal  et la Mauritanie: Les témoignages des réfugies sont accablants pour Nouakchott

Thies ( Sénégal )

De notre envoyé spécial.

« je suis mauritanien : on’a pas le droit de me priver de mon pays, de mon mari et de mon enfant à cause de la couleur de ma peau… » à la porte du hangar surchauffé qui sert  d’abri provisoire à plusieurs centaines de réfugies, Djeinaba. H  exprime sa colère. Mais pour elle comme pour les milliers d’hommes et de femmes et d’enfants expulsés au Sénégal, le droit n’a pas changé grand chose à l’affaire.

Djeinaba à trente ans et la peau noire. Fonctionnaire à la banque centrale de Mauritanie, elle a été interpellée en juin dernier par la police à son bureau. « après un contrôle d’identité, j’ai été détenue trois dans un poste de police, avec une centaines de personnes. », affirme-t-elle.

Sa fille aînée  a pu lui apporter à boire et à manger. « on l’a expulsée avec moi. Mais on m’a empêchée de revoir mon mari et mon bébé de six mois…les policiers m’ont dit : nous le gardons, c’est un enfant de la nation. » Transportée par camion jusqu’au fleuve Sénégal Djeinaba  a été mise sur un bac  et déportée fin mai.

« Après les événements, les soldats sont venus chez moi, raconte Moussa H, chef d’exploitation dans une mine. Ils ont vérifié l’état civil de toute la famille, remontant jusqu’aux parents. J’avais des documents prouvant que nous sommes bien Mauritaniens ; mais à chaque fois ils disaient : ça ne suffit pas !ils ont donné l’ordre à toue la famille – neuf personnes avec mon père – de partir. Nous n’avons  presque rien pu emporter. J’ai fermé la maison et laissé la clé à un voisin. On nous a entassés avec une quarantaine de personnes dans un camion – poubelle, direction Nouakchott à 300 kilomètres. Les gens étaient inquiets, beaucoup pleuraient. Là, on vous embarque un avion militaire marocain à destination de Dakar. Le pilote s’est interposé en apprenant que nous étions Mauritaniens. J’ai l’ordre de n’évacuer que des Sénégalais, a-t-il dit. Mais les policiers ont répondu : nous, aussi on a des ordres ! Et ils nous forcés à embarquer. »

Aminata.D, infirmière, a été déportée avec cinq enfants.  Mais son mari, fonctionnaire, et trois autres enfants, ont été épargnés. Ses papiers d’identité ont été confisqués.

A l’aéroport, lorsqu’elle a vu les policiers « prendre tous les bijoux, chaînes, bagues et boucles d’oreilles », elle a mis les siens, avec sa carte professionnelle dans un sandwich que sa fille a fait semblant de grignoter …

« Jamais je n’avais imaginé cela ! je suis Mauritanien de père et de mère, et même marié à des Mauresques. Est ce à cause d’affaires de corruption que j’ai refusé de couvrir, malgré les pressions du gouvernement ? », l’inspecteur des impôts qui parle a été expulsé avec douze membres de sa famille ; d’autres sont restés en Mauritanie. Il ajoute : « nous avons été déportés en pleine nuit à travers le fleuve, avec une centaine de personnes. Tous leurs biens et animaux avaient été confisquées. Avant de traverser on nous a dépouillé de tout, y compris de nos chapelets de prière. »

 

Brutalités

 Ceux qui ont été expulsés par voie terrestre – la majorité – font état de brutalités,  de vols, et même de viols de la part des policiers, militaires et douaniers mauritaniens. On parle de village incendiés et de troupeaux confisqués dans le Sud.

On raconte de Houlimata.S, une étudiante en philosophie devenue  « moitié folle ». Pour lui faire avouer son appartenance supposée au mouvement d’opposition des FLAM (Forces de Libération Africaines de Mauritanie), les policiers, après lui avoir fait croire qu’ils avaient fait brûler ses parents, avaient menacé de l’arroser d’essence. Finalement, réunie avec ses parents; la jeune fille a été expulsée.

 

Apres une série d’entretiens avec les réfugiés, que le gouvernement sénégalais a installés à Thies, au nord de Dakar, certaines évidences s’imposent :

 

  • tous les expulsés sont des Negro africains ( pas de Berbero maures dans le lot ) ;
  • tous affirment être des citoyens mauritaniens et avoir été en possession de documents établissant clairement leur nationalité ;
  • les bannis représentent à peu près toutes les catégories socio – professionnelles, avec une part notable de fonctionnaires, de militaires et d’universitaires ;
  • contrairement aux affirmations mauritaniennes, faisant état de « départs volontaires »,tous affirment avoir été déportés manu militari, sans garantie d’aucune sorte et sans respect pour l’unité familiale ;
  • tous semblent avoir été, à divers degré, dépouillés de leurs biens.

 

Au-delà de ces constations, deux questions reviennent , obsédantes : pourquoi ces expulsions et jusqu’où iront-elles ? « les massacres d’avril » sont mis en avant pour expliquer la suite des événements. Mais les réfugiés font état de causes moins conjoncturelles. Toutes sortes de tensions et de contradictions : raciales, ethniques, politiques, culturelles, démographiques et économiques semblent s’être combinées pour former un mélange particulièrement explosif ( le Monde du 18 mai).

 

D’autant que l’héritage du passé esclavagiste, qui subsiste ça et là, pèse encore lourd. En effet, c’est seulement en 1980 que la Mauritanie, dernière de toutes les nations, aboli formellement l’esclavage. « il n’y a rien à faire c’est dans la nature du Maure : pour lui, le Noir, c’est avant tout l’esclave », remarquait un réfugié. Il ajoutait « Dès l’enfance, s’établit une ségrégation raciale de fait. »

 

Le gouvernement de Nouakchott a-t-il frappé de manière indiscriminée ?

Certains responsables nationaux et provinciaux ont-ils pris prétexte des violences d’Avril pour se débarrasser d’opposants et de citoyens à la nationalité douteuse ? serait-on en présence d’une volonté extrémiste, panarabe, de « denégrifiaction » ?

 

Ancien ministre sénégalais, Cheikh Hamidou Kane nous a déclaré : « Pour moi, tous les Noirs sont visés ; car ce qui se passe aujourd’hui  est l’aboutissement d’un processus amorcé depuis longtemps. Sous prétexte d’arabisation, les Noirs ont été progressivement des responsabilités, et des populations entières déplacées à la suite de la mise en valeur des terres du Sud. » Proche du président Diouf, se prononce pour une solution négociée. « Mais il faudra que les Maures s’engagent à régler la question nationale et qu’ils donnent aux Negro africains la place qui leur revient dans le gouvernement et l’administration de la Mauritanie.. »

 

Faute de quoi certains exilés n’écartent pas l’éventualité d’un recours à la lutte  armée pour reprendre pied dans leur pays.

 

Tous les Noirs (près d’un million de personnes) sont-ils visés ? pour le moment, certains groupes ethniques negro africains de Mauritanie  – ceux qui ont des liens avec les F.L .A.M – et le Sénégal – et certains villages des bords du fleuve semblent plus visées que d’autres ;

 

Force est de constater que les Haratines, esclaves affranchis qui constituent une bonne part du groupe noir, sont dans cette affaire, aux côtés de leurs de leurs anciens maîtres contre leurs « frères de race.»

 

Dernier point : ce délicat dossier fait ressortir, depuis plus d’un mois, l’embarras des gouvernements africains et la discrétion d’organisations telles que la commission africaines des droits de l’homme. Elle vient, pourtant, à la mi-juin, d’inaugurer en grande pompe son quartier général, en Gambie, pays voisin du Sénégal.

 

Rolland – pierre paringaux.

 

Le Monde 12 décembre 1989.


L’interminable exode

Tous les jours des Mauritaniens noirs continuent de se refugier au Sénégal, fuyant les exactions dont ils sont victimes dans leur pays.

Fanaye dieri (Sénégal)

De notre envoyé spécial

Pierre branche

Dhiam Cherif matricule 3859, 36 ans caporal chef les gardes mauritaniens. Fall Feno matricule 3661, 33ans, caporal dans la même unité tous deux depuis hier déserteurs, apatrides mais saints et saufs ce qui commence à devenir une performance pour les Mauritaniens non maures qui s’obstinent à espérer qu’un noir  d’origine négroïde a encore sa place, un avenir et une garantie de sécurité  pour lui et sa famille au nord du fleuve  Sénégal.

Dhiam chérif et feno Fall sont les deux  derniers en date des militaires mauritaniens ayant déserté. On estime qu’il y en a déjà une dizaine et que cela n’est pas fini. Ils ont passé le fleuve en pirogue l’autre nuit au niveau de Fanaye Dieri, un village de trois mille cinq cents âmes  entre Dagana et Podor.

Ils sont arrivés au petit matin. Et pendant que l’on alertait la Gendarmerie locale, ils se sont défaits de leurs uniformes et ont remis leurs fusils à Mamadou Dedior, responsable administratif. « Pour tous ceux qui ne sont pas Beydanes c’est à dire les Maures ; il n’y a

Plus de place dans l’armée » a dit Dhiam. « Moi, un gradé on m’a confisqué mes cartouches, alors qu’on les a laissées à mes 2e classes maures. Ils n’obéissent déjà plus à mes ordres. Bientôt ils m’auraient bouclé comme un traître, alors que mon seul péché, c’est d’être un nègre, un toucouleur. »

 

Solidarité africaine

Un crime que partagent avec lui les mille cent personnes arrivées ces derniers jours dans le seul village de Fanaye. car  si on ne parle plus de ces tueries affreuses commises par les Haratines, les serviteurs zélés , anciens esclaves des Beydanes en revanche l’exode sur le senegal des Mauritaniens de race noire se poursuit de Rosso à Bakel en passant par Kaedi et Matam.

Un exode forcé et à sens unique. Car quels que soient les brimades et les sévices auxquels ils ont été soumis eux et leurs familles, ces gens nés en Mauritanie n’en partent que la baïonnette dans les reins et dépouillés de leurs biens.

Par Saidou Sall quarante huit, né à Fanaye Niakwar, à quelques kilometres au nord du fleuve était encore hier un  notable agriculteur, commerçant, contrôleur rural et coordinateur des jeunes et subvenait aux besoins de ses trois épouses et de  des vingt trois personnes qui dépendaient de lui.

Il raconte «l’autre nuit à  2 heures, les soldats beydanes  et quelques Haratines ont fait  voler la porte en éclats. Ils ont tout pillé méthodiquement. Il y avait dans le magasin pour cinquante  millions de franc cfa (un million de franc français ) de marchandes (oignons, riz, mil etc.), ils ont aussi volé ma camionnette 404. ils ne m’ont même pas permis de prendre quelques vêtements. moi ils m’ont mis nu dans une pirogue qui nous a posés ici à Fanaye.  Et ce sont des gens d’ici qui m’ont donné des vêtements. »

A quelques détails près c’est la même tragédie qu’a vécue Yaya Ba, soixante et un ans deux épouses, vingt personnes à charge, maire adjoint de Medine Fanaye. Il précise seulement que ceux qui tentaient de résister ont  été frappés à coup de bâton ou de crosses de fusil et qu’on a même lancé des grenades offensives pour déloger ceux qui tentaient de se cacher.

Un autre, Mamadou Sy soixante-deux  ans, exploitant à Koleyla précise : « je les ai vus embarqué en rigolant mes trois motopompes, mes deux motoculteurs tout neufs et neuf cents sacs de riz. »

Pour d’autres, il y a même pas d’excuses  ou le prétexte de dépouillement. Exemple Mody Alioune, trente trois qui était employé à Nouakchott à été conduit manu militari à la frontière il y a dix jours, comme c’est un entêté et qu’il persistait à se considérer comme un citoyen mauritanien à part entière,  il est revenu dans son pays en fraude, d’où il a été à nouveau chassé l’autre soir pour échouer ici. Et même Moussa n’diaye  quarante-quatre ans qui se presente comme le maître d’hôtel du presisdent-colonel mauritanien Maouya Ould Taya n’a pas trouvé grâce pour autant. Dépouillé, brutalisé et expulsé.

Aujourd’hui à Fanaye Dieri, ils sont mille à beneficier de l’extraordinaire solidarité africaine qui fait que l’on partage sa misère avec plus malheureux que soi. Le long de la route des femmes des femmes s’activent autour de gros chaudrons fumants. On sait qu’il y a assez à manger pour aujourd’hui. Demain, on verra.

Familles dispersées.

Chaque jour, de nouveaux «ex mauritaniens » reniés par Nouakchott pour «délit de sale gueule » viennent grossir les rangs des réfugies. Les autorités sénégalaises ont entrepris avec l’aide de diverses associations de subvenir aux besoins les plus pressants. Ousmane Diagne, president de la croix rouge sensgalaise dit qu’il faut tout à la fois assister  tous les réfugies  et aussi chercher à reconstituer des familles qui ont été dispersées par la brutalité de cet exode forcé.

Mais si  Nouakchott persiste dans sa politique d’éviction raciste ce ne sera plus aux associations humanitaires  mais au haut commissariat aux réfugies  d’intervenir. Y a-t-il vraiment des risques de guerre, comme le laisse craindre Djibril Abdellahi, ministre de l’intérieur de Nouakchott ? Côté sénégalais cela paraît peu probable et même exclu. Tout le long de la rive sud du fleuve, le calme le plus complet règne. Ni camion, ni poste d’artillerie, ni blindé léger, ni concentration de troupes : on ne note aucun de ces signes  qui précèdent et qui révèlent de quelconques préparatifs. Vue de Rosso ou de Dagana, la rive mauritanienne paraît tout aussi tranquille.

En revanche, chaque jour qui passe rend plus épais le mûr d’incompréhension, de rancune et de haine  qui sépare les deux rives du fleuve. Et c’est sans doute pour longtemps que les douaniers et policiers des postes frontières de Rosso – le point de passage obligé du trafic hier florissant – entre Nouakchott et Dakar garderont leurs guichets fermés.

 

Pierre Branche

Figaro, 29 mai 1989


 

Sénégal / Mauritanie :

« Sans patrie, sans papiers, sans travail»

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL,
SENNEN ANDRIAMIRADO

 

Combien sont-ils ? Au moins 130000, et leur nombre augmente tous les Jours. Sénégalais expulsés ou  Noirs mauritaniens déportés, ils ont trouvé refuge sur la rive gauche du fleuve. Leur dénuement est total.
Il a 18 ans. Il ne rêve plus que de tuer, pour se venger. A l’arrière de sa tête, un énorme sparadrap cache à peine une blessure ouverte. Ses lèvres sont encore tuméfiées, quinze jours après les coups de matraque des policiers mauritaniens. «Les premiers  jours, dit le jeune Sow, de la Croix-Rouge sénégalaise, nous étions obligés de le nourrir comme un enfant. Il ne pouvait avaler que de la bouillie. »
Mauritanien, le voici aujourd’hui en terre sénégalaise, sans patrie, sans papiers, sans village. Chassé de son propre pays pour le seul crime d’être Noir. Au village de Fanaye, la Croix-Rouge  a recensé, à la mi-juin 1989, quelque deux mille Mauritaniens «déportés». Ils viennent tous de l’autre rive, des villages de Kilel, Niakouar et Sandé.

 

Un vieillard montre sa carte d’identité nationale mauritanienne et raconte : «Des soldats haratines commandés par des Beydanes sont venus nous réveiller à 2 heures du matin. Ils ont rassemblé tous habitants à la Maison communautaire. Les bijoux des femmes et de jeunes filles ont été arrachés. On nous a demandé nos papiers pour vérification d’identité, puis ils les ont déchirés, j’ai pu sauver les miens parce que c’est mon épouse qui les avait sur elle.

 

Tous les hommes ont été déshabillés complètement A 4 heures du matin, on nous a embarqués dans des camions jusqu’à environ 70 km de notre village. Là, on nous a fait monter dans des pirogues, pour nous faire traverser le fleuve à un endroit où il n’y avait pas, de l’autre côté, de village sénégalais. Les jeunes ont voulu résister, ils ont été tabassés, comme celui que vous voyez là. »

De Saint-Louis à Bakel, le long de la rive gauche du fleuve Sénégal, ils sont des dizaines de milliers de Sénégalais rapatriés de Mauritanie, de Sénégalais, « déguerpis » (installés depuis des générations sur la rive droite et chassés par les troupes mauritaniennes) et de Négro-Mauritaniens «déportés» par leurs anciens compatriotes. Les statistiques publiées par les Sénégalais rendent mal compte de l’ampleur du phénomène. A la mi-juin, le Comité interministériel de crise, mis en place pour l’accueil de ces populations  déplacées,   dénombrait 43 743 adultes à réinsérer. Il faut multiplier ce chiffre par trois, au moins, pour avoir une évaluation approximative de cette masse, adultes et enfants confondus, qui a envahi, bon gré mal gré, la rive gauche du fleuve. Le Sénégal hérite littéralement, de plus de 130 000 personnes sans abris, sans emploi.

Mais le chiffre est déjà dépassé. Tous les soirs, des centaines de nouveaux arrivants, cette fois exclusivement des Négro-Mauritaniens « déportés », débarquent dans les villages sénégalais des départements de Dagana Podor, Matam ou Bakel. Certains ont franchi le fleuve en pirogue, d’autres à gué ou à la nage.

Mais l’hivernage a commencé et plus personne ne peut traverser à pied. Les premières pluies sont tombées sur Podor ce dimanche 11 juin. Les eaux ont immédiatement monté. Le village de Démet, face à la ville mauritanienne de Bogue, est redevenu un îlot, coupé du reste du Sénégal. Auparavant, les villageois (sénégalais) allaient s’approvisionner à Bogué. Désormais ni eux, ni encore moins les 4000 Négro-Mauritaniens auxquels ils ont donné refuge, ne peuvent espérer se rendre de l’autre côté.

La montée des eaux a incité les autorités sénégalaises à évacuer rapidement les déportés vers Ndioum, à 45 km de Démet, à proximité de la route nationale 2. L’approvisionnement sera ainsi facilité. Plus loin, vers l’est, dans le département de Matam, le village de Gourel Oumar Ly, face à Kaédi (une sous-préfecture mauritanienne) , est également redevenu une île. Isolé de tout, peuplé de va-nu-pieds mauritaniens condamnés désormais à ne compter que sur la compassion de leurs hôtes sénégalais.

Mais la compassion ne nourrit pas. «Avant, explique un villageois sénégalais de Kadione, je faisais cuire deux kilos de riz par jour pour toute ma famille. Maintenant, je nourris aussi une famille de Mauritaniens. Mais nous n’avons toujours que deux kilos de riz pour tout le monde.»

Comme toute administration, celle du Sénégal a mis du temps à s’adapter à cette situation de crise. Alors que presque tous les dirigeants de l’opposition avaient déjà fait leur tournée d’inspection le long du fleuve, il a fallu que le président Abdou Diouf se fâche, en Conseil des ministres le 6 juin, pour que son ministre du Développement social. N’Dioro N’Diaye, se décide à s’y rendre.

Tout le monde avait cru, à tort, en la voyant à la télévision ou dans la presse recevoir les dons, en argent, en vivres ou en matériel, qu’elle avait déjà rencontré les destinataires de ces dons.

Il  y a eu pagaille. Le conseiller technique français d’un ministre sénégalais regrette : « Une organisation non gouvernementale avait fait don de soixante-sept tentes pour abriter les réfugiés et les déportés. Seules, sept d’entre elles sont parvenues dans la région du fleuve. »
A Fanaye, la Croix-Rouge était censée recevoir un lot de médicaments de la part d’une ONG britannique, l’Oxfam. Les cartons sont bien arrivés. Ils ont été livrés au chef du poste médical, M. Mall, qui nous a indiqué, preuves l’appui : « J’ai réceptionné les médicaments et je les ai remis au Comité rural de Fanaye pour qu’il les livre à la Croix-Rouge. Mais, depuis quinze jours, la Croix-Rouge n’a rien reçu.

 

Les médicaments ont donc disparu – détournés ? C’est possible. Perdus par les bureaucrates dakarois, c’est plus vraisemblable. Et pourtant, les épidémies menacent : en période d’hivernage, le paludisme fait des ravages, mais la nivaquinisation ne suffit pas. Les Négro-Mauritaniens, contrairement aux Sénégalais habitués à ne boire que l’eau des puits, se ravitaillent encore dans le fleuve et la dysenterie risque de les décimer. En outre, certains déportés sont morts à la suite de terribles diarrhées et de vomissements, ce qui atteste une épidémie de choléra. Des adultes n’ayant jamais été vaccinés de leur vie sont atteints de rougeole ; Avec la chaleur de l’hivernage, la fièvre jaune est toujours à craindre.

Autant de nouveaux fléaux importés au Sénégal par la horde de ces pauvres gens que le Sénégal ne peut évidemment pas rejeter dans le fleuve. Autant de moyens à inventer, à déployer. Il est, en tout cas, apparu très vite que l’administration sénégalaise, si bien organisée soit- elle avait du mal à faire face à la situation en raison de sa « lourdeur ». Une situation de crise ne se gère pas avec des bordereaux d’envoi, des accusés de réception, des ordonnancements visés par  une demi-douzaine de personnes…

Abdou Diouf s’est donc résolu à faire « doubler» ses ministres par un Haut Commissariat dont il a confié la direction un officier supérieur de l’année, le lieutenant-colonel Mody Amady Diallo. L’année sénégalaise a été également chargée d’aménager immédiatement vingt mille hectares de terres dans la vallée du fleuve pour l’installation des quelque cent mille (et plus) réfugiés.

Car avec le début de l’hivernage, le travail de la terre a commencé. Les autochtones n’ont plus ni le temps ni les moyens de prendre en charge les nouveaux arrivants. Et ces derniers, dépossédés de leurs terres, chassés de leur pays, sont totalement à la charge des Sénégalais. Ils ne peuvent s’installer, ni travailler, nulle part. Les vivres et les abris de fortune procurés, tant bien que mal, par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou les organisations non gouvernementales ne suffiront pas. Surtout, les villageois sénégalais, fussent-ils parents de réfugiés risquent à terme de voir en eux des privilégiés.

Secrétaire général de la Fédération des associations villageoises du Fouta, Thierno Kane prédit: «II ne faut pas que les arrivants soient traités différemment des autres. S’ils apparaissent comme des réfugiés, à la longue, les villageois vont les considérer, eux aussi, comme tels : Privilégiés, corps étrangers. » Il est donc urgent de les installer. Les terres existent, elles ne sont pas aménagées ou appartiennent au domaine public interdit. « Près de Fanaye, proteste un responsable de l’association villageoise Ndorro, il y a une forêt classée de sept mille hectares. En fait de forêt, il n’y a là que quelques arbres dont personne ne s’occupe. Le gouvernement pourrait déclasser cette zone et laisser les gens s’y installer.  Les «gens» veulent-ils s’installer ? Rien n’est moins sûr.
«Je suis mauritanien, dit un jeune officier, pourquoi resterais-je au Sénégal ? Je n’ai qu’une idée en tête : rentrer au pays. »

«Nous sommes mauritaniens, nous n’avons rien à faire ici. Nous voulons rentrer chez nous, récupérer nos terres, nos troupeaux. » Telle est la volonté de tous les Négro-mauritaniens que j’ai rencontrés dans une dizaine de campements le long du fleuve.

Déjà, avant les pluies, des commandos de jeunes Peuls mauritaniens, réfugiés à Démet ou à Gourel Oumar Ly, retraversaient le fleuve tous les soirs pour ramener sur la rive gauche les troupeaux confisqués par les nouveaux occupants de leurs villages. Des incidents ont eu lieu. Dans la seule première semaine de juin, ces « cow-boys » des temps modernes ont tué une demi-douzaine de Beydanes de l’autre côté du fleuve.
Dans ce village de pêcheurs, au non du village de Gaé, un vieillard sénégalais et son fils ont été «canardés» par des soldats mauritaniens depuis la rive droite. « II était 7 heures du matin, raconte le fils. Mon père et moi étions en  train de pêcher, comme d’habitude, au milieu du fleuve. J’ai entendu des coups de feu. Mon père a été atteint le premier. J’ai regardé de l’autre côté : trois hommes nous tiraient dessus. J’ai reçu la dernière balle et j’ai entraîné mon père dans l’eau. Nous avons nagé jusqu’à la rive. »

Mais le jeune homme à eu le temps de voir les tireurs, de même d’ailleurs que les villageois accourus à leur secours, dès les premiers coups de feu : « Ils étaient trois. L’un, un Maure blanc, portait un grand boubou. Les deux autres, des Noirs, étaient en uniforme mauritanien. » Réfugiés et déportés ne font plus la différence entre les tireurs : « Les balles tirées par les Noirs leur ont été données par le gouvernement de Nouakchott, ils nous tirent dessus sur les ordres du gouvernement. » Les déportés partagent d’ailleurs la même conviction : «Les Beydanes ont promis aux Noirs haratines de leur donner nos terres, à condition qu’ils nous chassent. »

Lieutenant de l’armée mauritanienne, Yacouba Diop, 33 ans, vient de terminer le stage qui lui permettra d’accéder au grade de capitaine. En rejoignant son unité d’affectation à Nouakchott, il a été immédiatement mis aux arrêts. Motif : il était soupçonné d’avoir des relations avec le FLAM (Front de libération des Africains de Mauritanie). « Je n’ai jamais rencontré ces gens-là, affirme-t-il. J’en ai entendu parler, comme tout le monde, mais je ne connais aucun membre du FLAM. On m’a retiré mes armes, mon uniforme. J’ai reçu l’ordre de quitter la Mauritanie. » Le calme de ce jeune officier est impressionnant, menaçant : «Je suis mauritanien, je n’ai rien à faire au Sénégal Je n’ai qu’une chose en tête : rentrer dans mon pays. Et je reviendrai dans mon pays. »

Directeur technique de la Compagnie d’habillement de Nouakchott, Amadou Fall, un Négro mauritanien de 32 ans, partage la même détermination. Lui aussi a été accusé d’entretenir des relations avec les FLAM. Il n’a pas été chassé, parce qu’il était utile au fonctionnement de son entreprise. Mais sa femme et ses enfants ont disparu, un jour. Enlevés par les troupes mauritaniennes, reconduits à la frontière, sommés de se rendre au Sénégal. Le directeur général de la Compagnie, Fadal  Mohamed Mahmoud, a tenté une médiation. Il  s’est efforcé de calmer Amadou Fall. Mais ce dernier a préféré partir. Du moins pour le moment. « Moi, je reviendrai chez moi », affirme cet ingénieur, de surcroît karatéka, formé en Chine et dans les deux Corées.

Cette détermination générale, panacée par les pêcheurs, les éleveurs, les cultivateurs, les cadres, les officiers peuls, toucouleurs, soninkés, wotofs et autres Mauritaniens noirs, constitue aussi un lourd héritage pour le Sénégal. Tous veulent rentrer chez eux, en Mauritanie, récupérer leurs biens, recouvrer leurs droits. Ils s’y emploient. A leur manière.
D’une manière cette fois raisonnée – et donc plus dangereuse -, ils proclament avec calme : « Avec ou sans l’aide du Sénégal, nous rentrerons chez nous. » Les militants de l’ombre que sont les membres des FLAM l’ont compris. Jusqu’ici, ils étaient tolérés au Sénégal, quasiment assignés à résidence à Dakar, avec cette consigne gouvernementale : «Vous êtes là, on vous surveille.

Le Sénégal n’acceptera jamais que vous utilisiez son territoire pour perpétuer quoi que ce soit contre la Mauritanie. » Désormais, ils ont l’espoir de faire reconnaître « le droit des Noirs de Mauritanie». Jusqu’alors considères par leurs congénères comme des utopistes et des activistes minoritaires, leurs  stratèges ont retrouvé l’espoir. Parmi les cent mille personnes déplacées sur la rive gauche du fleuve, ils peuvent recruter une véritable armée.

« Nous voulons reconquérir notre pays disent-ils- Nous ne demandons pas au Sénégal de faire la guerre à notre place. Qu’on nous aide seulement à nous armer. Nous ferons le reste. »
Le conflit entre Mauritaniens et Sénégalais n’est pas terminé, hélas. Il a révélé l’existence d’un conflit intérieur de la Mauritanie qui a abouti à la déportation en masse des Négro-Mauritaniens. Il a généré un conflit intérieur au Sénégal : cent mille réfugiés et déportés sont difficiles à intégrer. D’autant qu’ils n’ont pas l’intention de rester inactifs. Personne ne veut la guerre. Mais il faut craindre le déclenchement d’une guérilla, qui risque d’être longue.

SENNEN ANDRIAMIRADO
Jeune Afrique n°1487, juillet 1989.


 

Le calvaire des déportés mauritaniens réfugiés au Sénégal, par Abda Wone.

 

 

Dix ans après les événements Sénégalo-mauritaniens de 1989, les Négro-mauritaniens déportés sont quasiment oubliés dans leurs camps de fortune le long de la vallée du fleuve Sénégal.

 

Sans assistance du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Hcr) depuis décembre 1995, et livrés à eux mêmes, leur onzième hivernage au Sénégal est comme les autres, un véritable calvaire. La lutte contre la précarité des conditions d’existence et le paludisme est loin d’être gagnée par ces personnes déplacées.

 

Dans ce poste de santé situé au centre du camp des déportés de Ndioum, surnommé  » Base « , un enfant de 11 ans est couché à même le sol dans la cour envahie très tôt le matin par des patients. Malade, il tremble de tout son corps. Sa mère, le visage gonflé, les yeux au fond des orbites, la mine triste, cherche vainement à le maintenir assis. Impossible. Le paludisme l’a vaincu. Soudain, il se lève et comme étranglé, se dirige vers un coin pour vomir. Les yeux grands ouverts on aurait cru que son estomac allait sortir par sa bouche. Mais seul un liquide jaunâtre est rejeté par l’enfant. Tourmentée, sa mère lui donne de l’eau pour se rincer la bouche.

 

Dans la cour une trentaine de personnes attendent. Venant du camp de Ndioum pour certains et des campements environnant situés sur le chemin du Ferlo, par le biais des calèches, pour les autres, les malades n’ont pas tous la possibilité de s’acheter des médicaments.
Hamidou Diouldé Bâ, âgé de 42 ans, un ancien riche éleveur à Boyngel Thilé (prés de Boghé en Mauritanie) avant les déportations, témoigne :  » Des fois, nous tombons malades et nous n’avons même pas les moyens de nous soigner et de nous acheter des médicaments. En cette période hivernale, nos enfants tombent souvent malades du fait des moustiques. La situation est devenue plus précaire en 1995 quand le Hcr a suspendu son aide. Depuis, nous nous livrons à des travaux qui couvrent à peine les repas. « 

 

Abondant dans le même sens, l’infirmier et responsable du poste de santé, Amadou Tidjane Diallo surnommé par les réfugiés « Doktor Diallo », déporté lui même, ancien agent à l’hôpital Koweïtien de Tikjikja où il exerçait confie :  » dès fois nous consultons des malades qui n’ont pas du tout les moyens de s’acheter des médicaments pour se soigner. Surtout en cette période hivernale où nous consultons jusqu’à plus de 50 malades par jour. La plupart des malades souffrent de paludisme du fait de l’abondance des moustiques dans ce Fouta en période hivernale. Une fois la nuit tombée nous ne dormons plus. Les moustiques et autres insectes nous envahissent « .

A Bokidiawé, dans le département de Matam, dans un camp situé derrière le marché du village le scénario est le même. Des moustiques qui attendent la

 

tombée de la nuit pour se ruer sur hommes et bêtes provoquant ainsi le paludisme chez certains. Le jour c’est la faim qui fait sa loi. Sans ressources certains ne sont pas sûrs de manger à leur faim. Ils ne sont pas sûr d’assurer le repas à leur famille. C’est le cas de D. S qui se confie :  » hier je n’avais pas de quoi nourrir ma famille. J’ai passé toute la journée à chercher de l’argent impossible. J’ai proposé mes services à un propriétaire terrien, mais il n’avait pas de travail pour moi et sans un sou j’ai regagné chez moi. « 

Dans ce camp appelé « Bokidiawé1″ l’une des difficultés rencontrées par les déportés est l’accès à l’eau. Le robinet situé à 250 mètres du site n’offre qu’un faible débit. Une des femmes se lamente :  » Pour remplir un seau il faut beaucoup de temps. S’il y a beaucoup de femmes pour puiser de l’eau au robinet, les dernières à venir peuvent rester toute la journée sans avoir une goutte. « 

Dans ces camps, on se souvient encore du malheureux événement de 1989 comme si c’était hier.

Les femmes et les plus âgés, passent leurs journées à se remémorer le film de leur déportation. Comme Sidiki Ciré Bâ, âgé de 77 ans, précédemment chef de village en Mauritanie et aujourd’hui chef de site de Bokidiawé 1, déroule le film de sa déportation :

 » le 9 Mai 1989, des véhicules militaires sont entrés dans notre village. A leurs bords, le commandant de la Brigade de gendarmerie, accompagné d’un Capitaine Militaire à la tête d’une armée. Dés leur descente, le Commandant donna l’ordre d’encercler notre village, ordonna aux militaires de se mettre 3 par maison. Le Commandant, en ma qualité de chef de village me demanda de faire venir tous les villageois. Regroupés au centre du village on nous informa que nous sommes des Sénégalais et que nous devons être déportés au Sénégal. « 

Comme s’il allait pleurer, le chef du site, borgne, s’arrête un moment avant d’ajouter :  » ainsi nous fûmes déshabillés et fouillés avant d’être embarqués manu-militari dans des véhicules qui nous transportèrent à Kaëdi où nous fûmes déportés avec sous des injures au Sénégal. « .
En attendant leur retour en Mauritanie, les déportés luttent pour leur survie.

 

Abdarrahmane WONE

Envoyé spécial du Sud Quotidien (Senegal)


 

À Dakar, sans espoir de retour : paroles de réfugié·es mauritanien
Réfugiés mauritaniens en grève de la faim devant les locaux du HCR, Dakar Photo : © Sara Prestianni, 2012.

En juin 2012, à Dakar (Sénégal), une trentaine de réfugié·es mauritanien·nes se sont mis en grève de la faim. Ils·elles demandaient au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et à l’État sénégalais d’engager les démarches pour qu’ils·elles puissent enfin se « réinstaller » dans un pays tiers où ils·elles pourraient s’intégrer. Alors que leur santé se dégradait, et que la situation semblait bloquée, une rencontre organisée en septembre 2012 avait suscité un certain espoir. Mais au cours de cette « réunion d’information », le HCR voulait simplement savoir si la grève allait continuer ou pas… Les récits de ces réfugié·es, principalement des femmes, font apparaître des blessures encore bien vives, plus de vingt-trois ans après les événements qui les ont poussé à chercher refuge.

Leur histoire commence le 9 avril 1989, dans la région du fleuve Sénégal, en Mauritanie, où des affrontements éclatent entre bergers peuls mauritaniens et paysans soninkés. Ces heurts dégénèrent, les victimes se comptent par dizaines de milliers. Par ailleurs, entre 1989 et 1991, l’armée mauritanienne va expulser vers le Sénégal et le Mali plusieurs centaines de milliers de Négro-africains (en majorité des Soninkés, mais aussi des Bambaras, des Wolofs et des Peuls) dont il refusent de reconnaître l’appartenance à l’entité nationale mauritanienne. 122 villages au moins seront ainsi effacés de la carte de la Mauritanie.

Lorsqu’ils·elles arrivent au Sénégal, ces Mauritanien·nes sont d’abord accueilli·es et logé·es dans des hangars, puis regroupé·es par le HCR dans des camps de réfugié·es. Depuis vingt-trois ans, ils y vivent dans un état de très grande précarité, renforcé par la quasi-impossibilité de travailler.

 

Dans les quartiers périphériques les plus pauvres de Dakar, ils·elles louent de petits logements, qu’ils·elles payent environ 15 000 francs CFA par mois (25 euros). Les entreprises sénégalaises répugnent à les employer, ce qui les contraint à des petits boulots non déclarés — et sous-payés : domestiques pour les femmes, et gardiens pour les hommes. Ils·elles refusent aussi, bien que la possibilité leur soit ouverte, de devenir citoyen·nes sénégalais·es, afin de ne pas donner raison à ceux qui les ont expulsés il y a deux décennies sous le prétexte qu’ils n’étaient pas de « vrais » Mauritanien·nes…

En 2008, le HCR a initié un projet pour rapatrier ces derniers réfugié·es vers la Mauritanie. Mais ils·elles restent méfiant·es, constatant que tous ceux qui ont accepté de revenir ces dernières années n’ont toujours récupéré ni leurs biens, ni leurs maisons… et sont encore loin des conditions de vie qu’on leur avait alors promis. L’accord-cadre prévoyait en outre que, au bout de trois mois, ils·elles auraient des papiers. Quatre ans plus tard, ils·elles ne les avaient toujours pas reçus.

Photo : © Sara Prestianni, 2012.

 

Face à cette impasse, les réfugié·es mauritanien·nes se sont regroupé·es devant le siège du HCR à Dakar en juin 2012, pour entamer une grève de la faim et exiger leur réinstallation dans un pays tiers où leurs droits pourraient être respectés.

Voici quelques extraits des témoignages recueillis pendant l’été 2012.

Un des porte paroles des réfugiés :

Nous, les réfugié·es mauritanien·nes au Sénégal, nous avons un problème de survie, il est difficile d’avoir des activités génératrices de revenus. Nous avons des problèmes de logement et de santé. Vivre tous ensemble dans la même pièce n’est pas dans notre culture, et en plus, nous habitons dans un quartier de Dakar qui est très souvent inondé. Et nous n’avons pas d’argent pour nous soigner ou aller à l’école. Lorsque nous avons été déporté·es, nous avons tout perdu : nos papiers et notre identité. Nous sommes arrivé·es avec les habits que nous portions sur nous ce jour-là. C’est tout. Dans ces conditions, c’est difficile de recommencer… »

Guedade :

J’avais 14 ans en 1989, les militaires sont venus dans la nuit. J’ai entendu des bagarres, des tirs, il y a eu des morts. Mon père était douanier. Arrivé·es au Sénégal, on a passé deux mois à Thiès, dans un hangar avec pleins d’autres réfugié·es. Puis on a été transféré·es dans un campement de bâches avec plein d’autres réfugié·es. On y a passé quinze ans… Mon père est mort dans ce camp. J’étais à l’école mais je n’ai pas pu continuer car je n’avais pas assez d’argent. Je me suis mariée avec un autre réfugié mauritanien, avec qui j’ai eu une fille, mais maintenant je vis seule. Je travaille parfois comme domestique, on me paye entre 20 000 et 25 000 francs CFA par mois. J’habite dans une maison souvent inondée dans la banlieue de Dakar ; malgré cela, je paye ma chambre 15 000 francs CFA. C’est cher… Ce sont des chambres qui n’ont même pas de porte, et où l’on vit à plusieurs. Il ne nous reste pas beaucoup pour vivre. Quand les patrons voient qu’on a des papiers de réfugié·es, ils ne veulent pas nous embaucher. Du coup, nous sommes obligé·es de travailler comme domestiques. La plupart des femmes sont veuves, célibataires ou ont été abandonnées par leurs maris. C’est dur de faire la grève de la faim, je souffre de maux de tête. »

Hadjara :

En 1989, ils sont venus à l’aube pour nous déporter. Ça a été très violent. On a dû abandonner toutes nos affaires et tous nos biens. Arrivé·es au Sénégal, on a vécu dans une école, on travaillait dans les champs, on partageait un peu de terre avec d’autres réfugié·es. J’ai cinq enfants, trois garçons et deux filles. Je suis divorcée et j’ai dû les élever toute seule. C’est très difficile pour mes enfants de vivre ici. Depuis que j’ai commencé la grève de la faim, on m’a amenée à l’hôpital car j’étais trop faible. Je suis asthmatique, j’ai des vertiges. »

Aissatou :

Quand j’étais en Mauritanie, j’étais femme au foyer et mon mari travaillait dans le commerce. Nous avions beaucoup de biens, nous avons absolument tout perdu. Ils sont d’abord venus chercher mon mari, moi-même et notre enfant. Nous avons été tabassés, il y a eu beaucoup de violences. Nous sommes arrivés au Sénégal le lendemain matin. Mon mari n’a pas supporté de vivre tout ça, il est parti, il nous a abandonnés avec mon fils, qui est maintenant devenu un adulte de 27 ans. Nous avons de grandes difficultés pour l’alimentation, l’éducation, le logement. On est obligés de dormir dans la même chambre. Ce n’est pas bien qu’on vive et qu’on dorme dans la même pièce, mais nous n’avons pas d’autre solution. Mon fils me pose des questions sur la Mauritanie, il ne connaît pas son pays, il avait quatre ans quand on a été déporté·es. »

Malagui :

J’avais 13 ans en 1989… Je suis venue ici avec ma famille. Je me rappelle bien que les policiers sont venus le matin à la maison, ils nous ont dit qu’il y avait un problème avec notre nationalité, que nous étions des Sénégalais. Ils nous ont déshabillé·es et nous ont tout pris. On a ainsi dû traverser la frontière. Je n’ai pas pu retourner à l’école. Je me suis mariée avec un autre réfugié mauritanien. J’ai eu sept enfants. Au début je vivais dans la vallée du fleuve, dans les tentes que le HCR avait installées, puis on est venu à Dakar. Mon mari est malade, c’est moi qui travaille pour soutenir la famille. »

Fatimata :

Lorsque les événements de 1989 ont éclaté, je vivais à Nouâdibhou. Les militaires m’ont demandé des documents sur ma nationalité, puis ils m’ont dit qu’ils étaient faux. Ils ont alors mis mon mari en prison. Je n’ai depuis aucune nouvelle de lui. Apparemment, il est mort après avoir été torturé. On m’a expulsée vers le Sénégal. J’étais seule et enceinte. Mes trois enfants sont encore restés pendant une année, puis, grâce à la Croix-Rouge, j’ai pu les faire venir ici. C’était dur, dur, dur, dur… En Mauritanie j’étais sage-femme, et ici, j’ai dû me mettre à travailler la terre pour donner à manger aux enfants. Un de mes fils a décidé de tenter sa chance en Europe. Il est parti pour le Mali, dans l’espoir d’atteindre l’Europe via l’Algérie. Il a été arrêté au Mali ; il a passé un an en prison, où il a eu un problème aux yeux. Il est finalement rentré au Sénégal. C’est difficile tenir le coup. »

  1. B. :

J’étais gendarme en Mauritanie. Quand je suis arrivée au Sénégal après les événements de 1989, les Sénégalais ne me faisaient pas confiance, ils croyaient que j’étais membre des services secrets mauritaniens. Maintenant, je fais la grève de la faim, les gens du HCR nous regardent mourir de faim sous leurs yeux sans rien faire. De 1989 à 1995, 18 000 enfants de réfugié·es mauritanien·nes sont né·es au Sénégal. Nous savons que celles et ceux qui sont rentré·es ont eu des problèmes, ils ne peuvent pas retourner dans leurs villages d’origine, ou dans leurs maisons. Ils habitent à quelques kilomètres de chez eux, exactement comme des réfugiés. Celles et ceux qui ont essayé de récupérer leurs biens ont été frappé·es. »

Fama :

J’avais 25 ans en 1989. Quand les militaires sont venus nous chercher j’étais avec mes enfants, mon mari était au travail. Ils sont allés le chercher, et ils nous ont expulsé·es par avion vers le Sénégal. Quand ils sont venus nous chercher, ils ont fait n’importe quoi… Des gestes déplacés… Nous avons vécu dans la vallée du fleuve Sénégal jusqu’en 2011, date à laquelle je suis venue à Dakar car j’étais malade. Je devais faire des analyses, mais ça coûtait trop cher. J’ai demandé au HCR, qui m’a répondu n’avoir pas de fonds pour le moment. J’ai finalement trouvé de l’argent à gauche à droite, et j’ai fait des analyses qui m’ont coûté 50 000 francs CFA (soit 80 euros), et j’ai découvert que j’avais un cancer. Quand j’ai apporté ces résultats au HCR, on m’a répondu qu’on pourrait trouver des fonds pour me soigner. Je fais la grève de la faim pour mes enfants. L’un d’eux l’a fait d’ailleurs aussi. J’ai divorcé il y a 16 ans, notre vie au Sénégal était trop dure, mon mari était devenu comme fou… »

Haby :

J’avais 7 ans en 1989. Mon père est mort dans les combats, et ma mère peu après. Je me suis retrouvée toute seule dans le camp de réfugiés. Quand j’ai eu 14 ans, je suis venue à Dakar pour travailler. Le fait de ne pas avoir de carte d’identité m’a empêché de trouver un vrai travail. Je lave donc le linge, je fais du nettoyage. J’ai mal au ventre avec la grève de la faim, j’ai des problèmes d’ulcère. Mais je n’ai pas d’autre choix. »

Photo : © Sara Prestianni, 2012.
Photo : © Sara Prestianni, 2012.
Photo : © Sara Prestianni, 2012.
Photo : © Sara Prestianni, 2012.
Photo : © Sara Prestianni, 2012.

Source: visionscarto.net
par Sara Prestianni est photographe et spécialiste des politiques d’immigration dans l’espace méditerranéen. Membre du réseau Migreurop.


 

TÉMOIGNAGE SUR LES DÉPORTATIONS EN MAURITANIE 1989; CAS DU TAGANT.

 

 

La déportation est l’action  d’obliger quelqu’un, le plus souvent un groupe de  personnes, de quitter son  habitat, son territoire  ou son pays.

 

Dans le droit français, la déportation occupe la troisième place après la  peine de mort et  les travaux forcés à perpétuité pour sanctionner ceux qui ont commis des crimes  contre la sûreté de l’état ; dan…s certains cas, la déportation a pour objectif  la destruction physique  notamment  dans le génocide des Arméniens, des Juifs et des Tsiganes.

C’est cette destruction physique que visaient les déportations en Mauritanie dont les victimes ne sont coupables d’aucun crimes ; sinon d’être nés noirs et de vouloir le rester.

 

Le prétexte que prirent les autorités mauritaniennes fut un banal incident entre éleveurs mauritaniens et paysans sénégalais qui malheureusement dégénéra  occasionnant  des conséquences incalculables, dont   les journées macabres à Dakar puis à Nouakchott qui resteront  à jamais inoubliables :

 

Des massacres et pillages biens eurent lieu des deux côtés. Les  sénégalais en Mauritanie furent l’objet de rapatriement chez eux.

La communauté internationale découvrit avec surprise et stupeur que la Mauritanie, lors du rapatriement des rescapés sénégalais déportait en même temps plusieurs dizaines de milliers  de ses citoyens noirs au Sénégal et au Mali (Peuls, Wolofs, Bamana et Soninko)

 

Les différents  recensements du HCR  à leur sujet  avancent des chiffres  oscillant  entre  65 000 et 70  000 au Sénégal, et 10 000 et 15 000 au Mali.

 

Dans des villes comme Nouakchott Nouadhibou des fonctionnaires, des ouvriers furent arrêtés dans leur lieu de travail, certains furent détenus arbitrairement avant d’être déportés, d’autres le furent directement, laissant derrière eux leurs  familles entières (conjoint-e, enfants, pères, mères, etc.).

 

A l’intérieur du pays,  un autre mode opératoire minutieusement  planifié fut  exécuté par des gouverneurs qui rivalisèrent de zèle, de brutalité et de haine contre de paisibles citoyens.

 

Des militaires, des gendarmes et autres milices armées encerclent les  villages. Les hommes sont triés et conduits  très loin  hors du village, où ils seront  torturés et humiliés avant d’être conduits au fleuve (la frontière) pour se retrouver au Sénégal.

 

Les femmes et les enfants séquestrés un ou deux jours durant, à la merci de leurs bourreaux, subissent viols et violence avant de connaître le même sort que les hommes.

 

Dans un article écrit par feu Sennen  ANDRIAMIRADO  paru dans Jeune Afrique n° 1487, juillet 1989  on  peut lire : « un vieillard montrer sa carte d’identité  nationale  mauritanienne  et raconte. Des soldats haratines  commandés par des Beydanes  sont venus nous réveiller à 2 heures du matin. Ils ont rassemblé tous les habitants  à la maison communautaire. Les bijoux des femmes et des jeunes filles  ont été arrachés ; on nous a demandé nos papiers pour vérification d’identité, puis ils les ont déchirés. Tous les hommes ont été déshabillés complètement .A 4heures du  matin  on nous a embarqués dans des camions jusqu’à environ 70 km de notre village. Là on nous a fait  monter dans des pirogues  pour nous faire traverser le fleuve, à un endroit où il n’y avait pas, de l’autre côté  des villages sénégalais. Les jeunes ont voulu résister, ils ont été tabassés. »

 

Il écrit plus loin , «  tous les soirs  des centaines de nouveaux arrivants , cette  fois exclusivement des Négro-mauritaniens « déportés » débarquent  dans les villages sénégalais  des départements de  Dagana, Podor, Matam et Bakel ;certains ont franchi le fleuve en pirogues, d’autres  à gué ou à la nage. ».

 

Dans la région de Tagant, le gouverneur a procédé autrement, ce que  nous expliquerons  à travers notre  témoignage qui  est aussi celui de nos  compagnons  d’infortune.

 

Tous  les fonctionnaires noirs qui servaient au Tagant  en 1989 furent déportés au Sénégal.

 

Après l’expulsion des  sénégalais,  nous,   noirs  non haratines fûmes convoqués et  parqués deux jours durant  à l’escadron de la garde nationale à Tidjikja pour  vérifier notre nationalité par une commission  composée :

 

•   du gouverneur de la région

•   du directeur de  sûreté régionale

•   du  commandant de la région militaire

•   du  chef de brigade de la gendarmerie

•   du chef de  brigade de la garde régionale.

Devant cette commission, il fallait   présenter tous nos papiers d’état civil :

•   Acte de naissance

•   Carte d’identité nationale

•   Certificat de nationalité

•   Diplômes

Ensuite  répondre à une série de questions dont :

 

Quelle est votre position par rapport au conflit qui oppose la Mauritanie au Sénégal ?

Est-ce que vous avez de la famille au Sénégal ?

Est-ce que dans le passé vous avez eu à faire des séjours au Sénégal ?

Qu’est ce que vous connaissez des FLAM,

Connaissez-vous les officiers putschistes de 1987 ?

 

Nous fûmes tous  libérés  mais  nos papiers  confisqués. Notre répit fut de  très courte durée.

Le directeur régional  de la sureté et son adjoint tous noirs (peuls) furent arrêtés et  envoyés  à Nouakchott.

Alors,  les arrestations  et  détentions  de tous les fonctionnaires  noirs  reprirent.

A la date du 25 mai 1989,  tous les négro-mauritaniens étaient détenus et ramenés à Tidjikja au commissariat de police et en prison où nous sommes restés pendant 4 jours avant le grand rassemblement des familles qui annonçait la déportation.

 

Dans la nuit  du 28 mai  1989, des camions bennes furent envoyés à nos domiciles pour embarquer nos familles, ne leur laissant  rien  prendre (comme les hommes), sauf les vêtements qu’elles portaient.

Au petit matin, lorsqu’on  nous sortit  de nos cellules c’est pour les rejoindre  pour une destination inconnue.

 

Au sortir de Tidjikja,  notre convoi fit une halte dans une cuvette où nous attendaient  toutes les autorités de la région,  le gouverneur  à  leur  tête.

 

Avec une brutalité bestiale, les gardes nous firent descendre pour une fouille systématique et humiliante ; ils nous reprirent tout, jusqu’à  nos bagues.

 

Lorsque  notre convoi  reprit la route,  les militaires, gendarmes  et gardes lourdement armés pour nous escorter  étaient plus nombreux que nous.

 

Entassés comme du bétail, nous  endurâmes les difficultés du voyage ( on était des cibles des villages que nous traversions ; insultes, jets de pierres) jusqu’au lendemain à midi, pour arriver à Boghé où nous fûmes accueillis par des gardes et des policiers, plus hargneux, plus zélés.

 

Furieux et déçus  de n’avoir rien trouvé sur  nous  à reprendre après une dernière fouille, ils  obligèrent certains   à  échanger leurs habits encore en bon état  contre  des haillons repris de ceux qui nous ont précédés..

 

Des armes braquées  sur nous, sans chaussures alors que la  température dépassait  les  50 degrés   à l’ombre  nous fûmes conduits comme du bétail  au fleuve.

De la rive sénégalaise, des piroguiers nous voyant arriver, nous apportèrent  des pirogues  pour nous faire traverser le fleuve. Nous avons marché les pieds nus sur le sable chaud d’un soleil de mai de la rive au village de Demeth.

 

Les habitants du village sénégalais nous accueillirent spontanément  et chaleureusement, nous faisant oublier le calvaire que venions de vivre.

C’était le 30 mai 1989 à 13heures.

 

Ce sera pour certains  d’entre nous un aller sans retour .Ils seront  nombreux  à succomber  aux  maladies, à la misère, au chagrin de cet exil forcé, emportant dans leur tombe l’espoir d’un retour dans leur patrie parce que c’était à l’espoir que caressaient tous  les déportés

Au vu de ce qui s’est passé, nous exigeons aux autorités

mauritaniennes que ceux qui sont rentrés au pays soient indemnisés à la hauteur du préjudice subi( moral et matériel) et qu’ils retrouvent leur travail en tenant compte des réalités en place. Ce n’est point 2 millions d’ouguiyas qui effaceront la souffrance subie.

 

Nous voudrions   terminer  en vous  invitant  ici ,  maintenant et pour  toujours,  d’ avoir pour eux une pensée pieuse,  une prière pour que reposent en paix leurs  âmes en   terres  étrangères.

 

 

NIANG Amadou Boubou et DIA Ibrahima Aly dit Yaaya Maabel

Anciens enseignants et déportés Mauritaniens au Sénégal.

Membres de la section des FLAM-Europe de l´ouest.

Décembre 2013

 


Sénégal – Mauritanie : Retour sur les évènements de 1989

Ancien policier sous le régime de Mawouya Sidi Ahmed Ould Taya, Abdoulaye Diop atteint de glaucome a perdu la vue. C’est blé président des réfugiés mauritaniens de Saint-Louis. Au micro de Momar Alice Niang, il revient sur la tragédie de 1989 et sur leur situation actuelle.

 

Source: itv


 

 Mauritanie : Avril 1989, les chiffres de la déportation

 

 

Après les massacres d’avril dernier, la Mauritanie déporte maintenant en secret ses agriculteurs noirs et s’empare de leurs terres. Une razzia moderne «justifiée» a priori par les expertises des économistes de la Banque mondiale…

Le vent de sable n’était autrefois ici que l’exception. Il souffle maintenant presque en continuité. Isolant parfois Nouakchott dans un brouillard doré de particules de silices qui obligent même en plein jour à rouler phares allumés. C’est le vent de la désertification, conséquence des années de sécheresse que vient de connaître, avec l’Afrique du Sahel, la Mauritanie. Mais, si les silhouettes des Négro-africains se courbent, rasant les murs de ce Nouakchott – champignon. Passé de quinze mille à Plus de cinq cent mille habitants en vingt-cinq ans, c’est moins pour éviter les poignards des particules de désert cinglant les visages que par crainte de nouvelles vengeances…

Le vent de folie des chasses au Noirs d’origine sénégalaise, qu’a connu la capitale de la Mauritanie en avril dernier, ne s’est pas apaisé. Il y a quelques jours encore des policiers casqués et armés pourchassaient des écoliers de dix à quatorze ans dans les rues de Nouakchott. « Mini-événement » qui, même s’il n’y a eu ni blessés ni morts, en dit long sur la crise traversée par la société mauritanienne et les stigmates laissés par les scènes du printemps.

Comment, en dépit des bonnes intentions de conciliation que semblent afficher les représentants de la Mauritanie et du Sénégal,  réunis à Bamako, pourrait-il d’ailleurs en être autrement? Comment infléchir un état d’esprit quand sont encore présents dans les mémoires les centaines de morts qui ont endeuillé les deux pays, quand, sur chaque rive du fleuve Sénégal, cent mille personnes au minimum vivent maintenant dans l’exil des camps de réfugiés ? Si les pogroms ont cessé, l’expulsion des Toucouleurs, des Soninkés, des Peuls – toutes ethnies d’origine négro-africaine n’en continue pas moins sur la rive mauritanienne du fleuve. Et, au vent de folie a succédé une planification froide : celle de l’expulsion organisée, systématisée des cultivateurs noirs qui vivaient depuis des siècles le long du fleuve. Une véritable déportation de masse. Silence à Nouakchott sur ce qui se passe là-bas, au sud du pays. Désintérêt ? Plutôt peur, y compris chez les Beydanes, les Maures blancs. Racistes, ils sont loin de l’être d’emblée. Certains se sont même opposés aux Haratines, les Maures noirs, exécuteurs des basses besognes pendant les événements. On en a vu sauver des amis Sénégalais, et ils ont failli y laisser leur peau. Alors maintenant, ils se taisent.« Vous êtes au courant de ce qui se passe sur le fleuve ? » Pas de réponse du correspondant. Juste quelques syllabes :« Excusez-moi, je dois couper la communication. » II raccroche.

Troupeaux volés. Pourtant à Nouakchott, où l’on attend sous peu une commission d’enquête diligentée par la fédération internationale de la Ligue des droits de l’homme, on commence à parler. Des documents circulent, des  témoignages se recoupent prouvant qu’au sud, rien n’est terminé.

«D’abord, ils ont expulsé les deux imams noirs de la mosquée de Rosso. Quand il n ‘y a plus eu d’autorités religieuses ou morales pour protéger les populations. la police est alors entrée en jeu ; la police, et aussi les douaniers, les gendarmes, dirigés par le directeur de la sûreté du Trarza, et le commandant des douanes en personne. » Silence,  puis : » »Surtout, tu ne dis pas mon nom ! Tu ne me cites pas ‘.Tu me le jures ! » Je promets. Il reprend : « Les chefs de famille de tous les villages ont été convoqués dans la région de Rosso. Celle de Tekane, de Leqceiba et aussi de Koundi. A Rosso, ils se sont retrouvés dans le bâtiment de la Sécurité pour attendre des heures. » Injures, humiliations. Parfois, on les menace avec des armes, pour leur faire peur et les inciter à partir, à quitter cette rive de la vallée. Le lendemain, s’ils sont toujours là. ré convocation. Ceux qui n’ont pas craqué se retrouvent de plus en plus seuls. Il n’y a plus alors qu’à les cueillir, eux et leur famille, la nuit.

Embarqués dans des camions, ils sont acheminés vers le fleuve.. Fin du voyage sur l’autre rive. sans rien, démunis de tout. Le lendemain matin, les camions retournent dans leurs fermes. Meubles, biens divers : les militaires mettent la main sur tout ce qui reste. Les meubles, à Rosso par exemple, sont entassés dans l’entrepôt des Travaux publics, tout à côté du camp de réfugiés mauritaniens sénégalais où entre parenthèses sont passées quelque cinquante-deux délégations depuis son ouverture… « Quant aux troupeaux, ils sont carrément volés. On retrouve le bétail parfaitement identifiable, grâce au marquage fait au fer, dans la région de M’Bout. avec des chameliers armés qui veillent sur eux. »

CENSURE. Il est bien évidemment impossible de faire la moindre photo dans ces zones. Les déplacements sont soumis à la seule autorisation du ministère mauritanien de l’intérieur. Quant à amener films ou vidéo, c’est tout simplement strictement interdit. Il n’empêche que l’information, malgré ces contrôles ou ceux des policiers mauritaniens,  lisant même le courrier personnel qu’ont sur eux les voyageurs, à l’aéroport de Nouakchott, passe quand même. La mise à jour du tableau (lire page suivante) date du 2 juin. Les chiffres présentés ont certainement évolué depuis. Dans le sens que l’on devine. Aux organisations humanitaires de les compléter. Ils montrent en attendant que sur 3420 familles recensées dans la partie sud du fleuve (voir la carte). 1 469 ont déjà été déportées soit. à raison d’une moyenne de cinq personnes par famille, un total avoisinant les 7 500 individus..

RAZZIAS. Exode forcé, immédiatement suivi par la venue de nouveaux arrivants. Chaque jour des camions les amènent de Nouakchott. Ce sont des Noirs Harratines, anciens esclaves des Beydanes, des Maures blancs, expédiés en masse pour prendre la relève des ethnies chassées de la rive droite du fleuve Sénégal. Chassé-croisé qui  n’a  rien d’improvisé et qui. Selon les observateurs. est certainement programmé de longue date. Bien avant le vent de sable, le vent de folie, c’est d’abord le souffle de l’arabisation qui a parcouru la Mauritanie.

Dès 1966, l’imposition dans les écoles de la langue arabe va entraîner des grèves des élèves noirs de Nouakchott. La nouvelle politique linguistique écarte de fait Toucouleurs. Soninkés et Peuls ; ethnies noires qui outre leurs langues

 

Embarqués la nuit
dans les camions
en direction du fleuve

 

maternelles comme le ouolof, parlent le français. Conséquence : une génération plus tard. L’administration’’ mauritanienne se retrouve à une majorité écrasante entre les mains des arabophones. Influence accentuée dès 1977 par l’adoption de la Charia. la loi islamique Rejetée implicitement, une partie de la communauté noire d’origine entre dans la clandestinité, formant le mouvement des Forces de libération africaines de Mauritanie (les FLAM ).

Le conflit Africains/Mauritano-Arabes n’est pas pour autant strictement racial ou religieux. Les Toucouleurs sont entrés dans l’orbe islamique dès le XI eme siècle. Quant aux Maures, s’ils constituent 60% de la population, la moitié d’entre eux sont des Harratines, tout à fait noirs de peau. Le conflit semble dépendre d’abord des racines culturelles propres à chaque groupe et des conceptions économiques qu’elles sous-tendent; de l’opposition entre gens du désert – Maures – et cultivateurs du fleuve – Noirs- .

 

La tradition des razzias a contribué à établir chez les premiers le goût des profits immédiats, des rentabilités  record. Il se perpétue encore dans les fortunes que continuent à faire les Maures liés au commerce des diamants au Zaïre ou en Sierra Leone, et qu’ils investissent dans les casinos de Las Palmas aux Canaries et de Dakar. Ils ignoraient jusqu’ici la terre, ses gestes, la patience du cultivateur des deux rives du fleuve Sénégal. Mépris de l’homme du désert, de l’étendue, pour le Noir dont l’attention se borne à la culture de parcelles de terre. L’intérêt nouveau porté par les Maures aux terres agricoles du fleuve repose sur les perspectives ouvertes par l’achèvement des deux barrages de Manantalli, au Mali et de Diama qui sept cents kilomètres en aval va empêcher la montée des eaux salées, le premier assurant la régularité de l’irrigation de la « vallée du fleuve ».

Grâce à ces ouvrages, ce sont, pour la seule Mauritanie, cent mille hectares nouveaux qui s’ouvrent à l’agriculture avec l’hypothèse, selon les experts de la Banque mondiale qui soutiennent ces projets, de voir le pays assurer son auto alimentation, alors qu’il doit pour l’instant se fournir en riz, entre autres denrées, en Thaïlande.

COMMERCE. Seulement voilà, ces terres nouvelles reviennent cher : « il faut compter deux millions d’ouguiyas – environ quinze mille francs – par hectare pour l’achat des pompes, les travaux de terrassement des canaux d’irrigation, préalables à la mise en culture », selon un homme d’affaires mauritanien rencontré à Paris. A dix-huit kilomètres à l’est de Rosso, il vient d’acquérir trois cents hectares.

 

Nombre de Maures sont ainsi en train de s’installer sur la rive du fleuve, à la place des Noirs. Explication très simple : la loi foncière de 1981 a substitué le droit écrit au droit coutumier et n’a pas permis aux populations de faire reconnaître leurs droits sur les terres. Quant aux avis administratifs invitant les propriétaires à le faire, ils s’adressaient à une population analphabète à 80%. Et pour « financer les nouvelles terres », les agriculteurs noirs de la rive mauritanienne «n’avaient pas l’argent » ! Tout simplement.

Par quel miracle la société maure de Mauritanie dispose-t-elle des fonds considérables que va nécessiter l’exploitation de ces terres ? La question se pose quand, avec deux millions d’habitants, un PIB de 600 000 millions de dollars, la Mauritanie figure, avec un endettement de trois milliards et demi de dollars en tête des pays proportionnellement les plus endettés du monde.

Etude de la relance des mines de fer de Zoueratt, aménagement du fleuve Sénégal, création du « port de l’amitié » par les Chinois à Nouakchott, plans de restructuration des Postes et Télécommunications, de la Société nationale d’électricité, du développement rural, de l’Education… pour tous ces projets, la Mauritanie aura reçu quelque neuf cent cinquante millions de dollars en trois ans, bénéficiant en même temps d’un rééchelonnement de sa dette sur quinze ans. Principaux donateurs et prêteurs : l’Agence de coopération internationale du Canada, son homologue allemand le KFW, l’Arabie Saoudite, le Koweit et surtout la Banque mondiale.

La restructuration de l’administration mauritanienne de son économie, de son agriculture est le fait des experts de cette succursale du FMI.

RENTABILISATION. Selon ceux-ci. « La seule façon pour la Mauritanie de redresser son économie est d’exploiter « industriellement  » (c’est-à-dire une agriculture sur le modèle européen) les bords du fleuve qui offrent maintenant avec les barrages, toutes garanties ». Exploitation « contradictoire », est-il bien précisé, « avec l’existence de petits périmètres d’agriculture   communautaire traditionnelle». Une « industrialisation » exemplaire de la désinvolture manifestée. Une fois de plus, par les experts internationaux à l’égard des tissus sociaux ou des modes de production existants.

Le parachutage de cette nouvelle politique économique trouve évidemment  l’assentiment  des Maures de Nouakchott. Economie de la razzia et du parachutage technocratique s’entendent comme larrons en foire. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que les Maures se prêtent au jeu de la démocratie qu’exigent d’eux leurs interlocuteurs de la Banque mondiale. Organiser des élections municipales – une première en Mauritanie -. Ça ne mange pas beaucoup de… pouvoir. et ça paye quand, en retour, rentrées de devises et de subventions suivent. Sous couvert de rentabilisation de l’espace, de modernisation de l’agriculture, la mise à l’écart des ethnies noires du sud du pays est ainsi justifiée.

CONVOIS HUMAIMS. La réalité même d’un point de vue chiffré est tout autre. Quand les exploitations traditionnelles réalisaient six tonnes à l’hectare, il s’avère que les techniques modernes ne dépassent pas les deux tonnes et demie. De plus, la terre argileuse nécessite le repiquage du riz à la main. D’où la nécessité de faire venir massivement de nouveaux arrivants, les Harratines qui deviennent les ouvriers agricoles des nouveaux propriétaires Beydanes. Une façon de réactualiser les relations de maître à esclave qu’entretenaient autrefois les deux communautés. L’explosion de violence d’avril dernier prend ainsi un tout autre sens qu’un affrontement racial. Dès octobre 1988, l’hebdomadaire Sud-Hebdo jugeant déjà ainsi que d’autres titres de la presse sénégalaise. « La situation alarmante », incriminait » le problème foncier, les disparités entre moyens d’aménagement » et reprochait à la Banque mondiale d’avoir proposé ici « des projets pour des Etats d’une tout autre dimension ».

Pierre d’achoppement des intérêts les plus divers, la Mauritanie a officiellement retrouvé le calme. Officieusement, les témoignages concordants n’en affluent pas moins, racontant comment la nuit, des  convois humains sont acheminés vers le fleuve. Depuis des siècles, ils avaient pris l’habitude  de le franchir dans un sens; dans l’autre, sans interruptions. Justifiées par les stratèges la Banque mondiale, les autorités de Nouakchott ont décidé que ce dernier voyage serait sans retour.

Pierre-Bernard Soulier.


Quand la Mauritanie expulsait ses ressortissants noirs

En 1989, des dizaines de milliers de Négro-Mauritaniens ont été expulsés vers le Sénégal et le Mali, suite à un incident entre Peulhs et Soninkés. Trente ans plus tard, Aldiouma Cissokho et d’autres continuent de réclamer leur droit à rentrer chez eux.

Écouter l’audio 12:29

Cette semaine nous allons feuilleter une page d’histoire d’Afrique de l’ouest assez méconnue. Une histoire très contemporaine, pourtant, puisqu’elle nous ramène seulement trente ans en arrière.

En 1989, la Mauritanie décide d’expulser des noirs pourtant ressortissants mauritaniens vers le Sénégal.
Depuis 30 ans, ces réfugiés qui se considèrent « déportés »  se battent pour la reconnaissance de leurs droits, notamment celui de rentrer chez eux.

Au départ, un incident assez bénin

Tout a commencé en avril 1989 par un accrochage entre des paysans sénégalais soninké et des bergers peulhs mauritaniens, à Bakel, dans l’Est du Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie et le Mali

L’armée mauritanienne intervient, deux Sénégalais sont tués, une douzaine d’autres sont arrêtés par l’armée mauritanienne et c’est là que les choses dérapent.
Au Sénégal, des manifestations sont organisées en solidarité avec les compatriotes qu’on estime « pris en otage » en Mauritanie.
Des manifestations qui virent rapidement à l’émeute.
Des boutiques tenues par des Mauritaniens sont pillées, à Bakel, et, entre le 21 et le 24 avril, à Dakar.
Ceci provoque en retour des représailles, en Mauritanie, contre des commerçants sénégalais victimes aussi de pillages.

« C’étaient des images insoutenables » (S. Gassama Amnesty Sénégal)

Fin avril, entre 150 et 200 noirs sont tués ou mutilés dans ces violences, à Nouakchott et d’autres villes.
Côté mauritanien, une soixantaine de victimes sont recensées, mais des milliers de personnes sont obligées de fuir.
Le président sénégalais, Abdou Diouf, décrète l’état d’urgence et le couvre-feu à Dakar. Il charge aussi l’armée de protéger les ressortissants mauritaniens.
Un pont aérien est mis en place, avec l’aide de l’Algérie, de l’Espagne, du Maroc, et de la France, pour rapatrier les Sénégalais de Mauritanie. Les ressortissants mauritaniens doivent eux aussi quitter le Sénégal pour rentrer dans leur pays d’origine.

Expulsions de masses

Mais le régime mauritanien  en profite pour expulser environ 60 000 noirs mauritaniens vers le Sénégal et le Mali.
Le Sénégal et la Mauritanie n’auront plus de relations diplomatiques entre le 21 août 1989 et avril 1992, trois ans plus tard.

Source : dw.com


 

Chronologie des événements

 

 

La chronologie présentée ci-après est réalisée date par date afin d’endonner une vision plus claire. Les événements seront assortis d’un commentaire lorsque cela sera nécessaire pour en donner une vision plus précise. Nous avons ajouté à cette chronologie certaines réactions internationales.

 

9 avril 1989 : Les habitants du village de Diawara (Sénégal) décident de ramener en Mauritanie un cheptel de bovins et de dromadaires mauritaniens venus paître dans leurs champs. Leur arrivée à Dounde Khoré (Mauritanie) ne se fait pas sans heurts, les Mauritaniens réagissent immédiatement. Bilan : 2 morts et plusieurs blessés du côté des Sénégalais. Plusieurs Sénégalais seront retenus par les forces de l’ordre mauritaniennes pour des interrogatoires. Cet événement sera le détonateur du conflit ouvert.

10 avril 1989 : Pillage de boutiques de commerçants maures à Bakel et Matam (Sénégal).

12 avril : Pillage de boutiques de Mauritaniens à Bakel (Sénégal).

13 avril : Pillage de boutiques de Mauritaniens et chasse à l’homme dans la ville sainte de Touba (Sénégal). La chasse à l’homme ne s’arrête que lorsque le calife général de la confrérie des Mourides annonce que tous les Mauritaniens de la ville sont sous sa protection.

16 avril : 20h30, édition principale du journal télévisé : « la barbarie du geste (18)  a amené les populations de Bakel pour un instant à déroger à leur hospitalité traditionnelle pour saccager les boutiques des mauritaniens présents dans la ville. » (19)

22 – 23 avril 1989 : Attaque et pillage de boutiques de milliers de commerçants mauritaniens. Début de la fièvre « anti nar ( 20) ». Dans les jours qui suivent, les attaques et pillages s’étendent sur tout le pays : Mbour, Diourbel, Louga, Tambacounda, Kolda, Ziguinchor.

Selon Sally N’Dongo, Président de l’Union des Travailleurs Sénégalais en France :« contrairement à ce que les gens croient à l’extérieur, ces pillages étaient l’œuvre de bandits organisés… Ce sont des bandits que certains hommes politiques de l’opposition ont déjà utilisés l’année dernière [1988] pour lancer des émeutes. Ce sont eux qui ont déclenché le pillage des boutiques de jeunes mauritaniens. » (21)

24 – 25 avril : Déchaînement de violences à Nouakchott et à Nouadhibou.

26 avril : Journée de calme à Nouakchott et à Dakar. Hassan II dépêche à Nouakchott une mission de conciliation composée de M Moulay Driss Alaoui M’Dghari, secrétaire d’Etatmarocain aux affaires étrangères chargé des affaires de l’Union du Maghreb Arabe, des Ambassadeurs d’Algérie, de Lybie, du Maroc et de Tunisie.

27 avril : Retour des premiers Sénégalais blessés, racontant les pogroms qui viennent de s’y dérouler.

28 avril : Déclaration d’Abdou Diouf après une visite au Centre de Traumatologie de Dakar : « Je ne pensais pas qu’on pouvait, en cette fin du deuxième millénaire, réserver à des êtres humains, à des semblables, un traitement aussi inhumain et dégradant. (…) Je comprends donc parfaitement la peine et la colère que ressent le peuple sénégalais car, je

l’avoue, le chef de l’Etat a été excédé et indigné, l’homme tout court blessé dans sa chair par ce qu’il a entendu. » Ces paroles, associées aux témoignages des rapatriés, ont engendré colère et vengeance : aux pillages c’est ajouté l’acharnement physique contre les Mauritaniens

et cela jusqu’au 2 mai, bien que le Président ait ajouté : « Ces sentiments ne doivent pas nous conduire à des comportements jusqu’ici inconnus chez nous. En particulier une attitude de vendetta surprendrait chez notre peuple dont les traditions et les croyances religieuses invitent au respect de la personne humaine. » (22) Cette journée est qualifiée de « Vendredi de l’horreur » par le journal Le Monde et de « vendredi fou » par Le Point.

Dernière semaine d’avril : Mise en place d’un pont aérien par l’Algérie, l’Espagne, laFrance et le Maroc pour procéder au rapatriement par avion de dizaine de milliers de réfugiés de chaque pays.

3 mai : La Mauritanie décide d’expulser tous les Sénégalais, mais également les Mauritaniens d’origine sénégalaise dont les papiers d’identité ont été établis postérieurement à 1966. Philippe MARCHESIN se demande si ce n’est pas là « une référence cynique aux troubles ethniques de cette année-là ? ».(23)

5 mai : Le Sénégal lance à son tour un processus d’expulsion des Mauritaniens.

5 mai : «Le Parti socialiste français (PS) a accusé samedi le gouvernement mauritanien d’agir d’une façon qui « s’apparente à une répression organisée de caractère raciste ». » (24)

7 mai : Jean-Christophe Mitterrand, conseiller aux affaires africaines de l’Elysée est reçu par le président mauritanien, pendant que Gilles Vidal, conseiller diplomatique à l’Elysée est reçu par le président sénégalais.

7 mai : Le président mauritanien Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya lance un « appel à l’unité nationale et à la concorde » lors d’une allocution télévisée en français, traduite en arabe par un interprète. Ce geste est sans équivoque à destination des Négro-mauritaniens francophones.

12 mai : Le président malien, Moussa Traoré, également président de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), annonce à Dakar que des mesures d’apaisement seront prises immédiatement par les autorités sénégalaises et mauritaniennes.

22 mai : L’Ambassadeur mauritanien au Sénégal, Mohamed Mokatar Ould Zanel, est rappelé par son gouvernement.

24 – 26 mai : La Mauritanie est absente du sommet de la francophonie à Dakar.

 

25 mai : Visite de M. Dumas rend visite au colonel Ould Sid’Ahmed Taya, chef de l’Etat mauritanien.

31 mai : « les élèves, en majorité « beydanes » (blancs) [ont] fait irruption dans une salle de classe où d’autres élèves assistaient à un cours de français. (…) Cet incident (…) intervient au moment où de nombreuses menaces ont été proférées contre la communauté française à

Nouakchott, accusée d’avoir pris parti en faveur des Sénégalais et des Négro-Africains mauritaniens dans le cadre du conflit qui oppose le Sénégal et la Mauritanie. » (25)

18 juin : Le ministère de l’intérieur mauritanien suspend officiellement les expulsions par « mesure d’apaisement ». En réalité, ils ne seront que ralentis.

18 juin : Les ministères de l’intérieur mauritanien et sénégalais ont symboliquement échangé quelques têtes de bétail pour réaffirmer le « droit à la libre circulation ». En réalité, la frontière reste fermée.

 

21 Août : Rupture complète des relations diplomatiques entre le Sénégal et la Mauritanie. Fermeture de la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie et de toute communication – terrestre, aérienne et même téléphonique – entre les deux pays.

 

(18) A propos des événements de Diawara du 9 avril.

 (19) A Propos retranscrit dans le Livre blanc sur le différend avec le Sénégal.

 

(20) « nar » est le terme qui désigne les Mauritaniens au Sénégal.

(21)  Jeune Afrique, n°1483, 7 juin 1989.

(22) « Des comportements jusqu’ici inconnus chez nous », ANDRIAMIRADO, S., Jeune Afrique, n° 1479.

 

(23)  Année de parution du Manifeste des 19 du militantisme noir dénonçant l’accaparement du pouvoir économique et politique par la composante beydane, et du conflit ethnique lié à la généralisation de la langue arabe (l’enseignement de la langue arabe est rendu obligatoire en janvier 1965).

 

(25) Le Soleil, mardi 9 mai 1989

(25) Le Monde, 4 – 5 juin 1989.

 

Extrait de « Les événements de 89 » ou Le conflit Mauritanie – Sénégal

Mlle GOUSSEAU Véronique

Master 2 Européen de Développement Culturel : « La France en perspective »

Histoire contemporaine

Dossier réalisé dans le cadre du cours de Mme Florence TAMAGNE

Université Lille 3 Charles De Gaulle Année universitaire 2006 – 2007

 


 

L’APARTHEID EST-IL MAURE ?

Ne  pouvant satisfaire les nombreuses demandes d’achat du numéro 206 {juin 1988} dont la cover était  consacrée à l’article «L’apartheid est-il maure » de Stephen Smith – ce numéro étant épuisé – nous publions les principaux passages  de ce reportage. Les lecteurs pourront ainsi juger s’ il s’agit d’un exemple de «colportage de rumeurs et de calomnies contre la Mauritanie», ainsi que vient de l’affirmer M. Mohamed Ould Hâv,  directeur des relations extérieures du Ministère de l’Information à Nouakchott.

 

Rien  ne semble davantage démentir l’idée d’une quelconque discrimination raciale en Mauritanie que les scènes de rue  qui s’offrent au regard de l’étranger, de passage dans la capitale Nouakchott. Noyé dans ce melting-pot de toutes tes graduations entre Noir et Blanc, on a fait vite d’oublier l’opposition, pourtant invoquée à tout bout de champ, entre Maures blancs ou Beydanes d’un côté et les Noirs, de l’autre. Si celle distinction fournit à la limite, des «idéal-types » chers à la sociologie weberienne, elle ne donne, en revanche pas de repères utiles pour la société réelle. D’autant que «la» société mauritanienne se complique à l’infini : du côté des Beydanes, par la  rivalité des tribus et le fossé qui sépare par exemple le Maure du fleuve,  héritiers de l’émirat du Trarza, du nomade des grandes tentes, fils du vent. Du côté des Noirs aussi, par l’éventail des « Négro africains » d’origine  Peul, Wolof ou soninké. Sans même parler des Haratines, les esclaves affranchis. Ces derniers sont arabophones tout comme leurs anciens maîtres auxquels d’un point de vue culturel, ils ressemblent à telle enseigne qu’on les nomme aussi  couramment  les «Maures noirs».

«Et si tu tombais amoureux d’une fille beydane, tu essayerais de vivre avec elle, malgré tout .». Las de chercher la société mauritanienne dans un miroir brisé, on en revient à des questions simples. «Jamais !».La réponse est tout aussi simple et ne fait l’ombre d’un doute pour une dizaine d’étudiants mauritaniens réunis, au hasard des contacts dans une chambre d’hôtel à Dakar. Pas forcement très politisés, ils sont tous « negro-africains» et décrivent exemples à l’appui, des formes insidieuses de discrimination raciale,  telle qu’elle affleure dans  la vie quotidienne : Les chauffeurs de taxis en maraude qui s’arrangent pour ne prendre des passagers que d’une seule communauté – la leur – ; les sorties d’école où la même ségrégation de fait s’établit tout aussi «naturellement» entre enfants beydanes et noirs qui au propre comme au figuré, serrent les rangs chacun de son côte.
Aux uns et aux autres, c’est évidemment le croque-mitaine «Noir» qui fait peur, tandis que le parler-vrai s’accompagne de l’exclamation : «Parole de Maure » – comme si les autres mentaient. Puis, les insultes, le mépris aux guichets et dans les files d’attente.

Enfin, selon ces étudiants noirs, les dés son pipés dans les divers concours de recrutement, dans la fonction publique, les entreprises privées et l’armée où la tête du client importe infiniment plus que son contenu. «Faux», s’insurge un dignitaire du régime, «le seul critère pour le recrutement, c’est la compétence des candidats, Ou voulez-vous qu’on distribue désormais les postes de responsabilité comme des prébendes sur la base de quotas raciaux ? ».

Certainement pas, même si, à autant de bonne conscience, on peut rappeler que le boycottage, en 1979 de la séance inaugurale du Conseil national constitutif par les 17 Nègro-africains désignés à siéger à côté de leurs 87 collègues maures, ne s’explique sans doute pas exclusivement par «l’ambition débridée» que l’on prêle si volontiers aux contestataires noirs. De même ; plus près de nous, on peut se demander pourquoi, en 1988, l’accès à la formation des officiers se fait à peu près dans des proportions égales entre Maures blancs et Négro-mauritaniens, alors que les années précédentes, les Beydanes représentaient 80 % des candidats. Chez les Noirs, la faculté pour le métier des armes se serait-elle révélée subitement, par mutation génétique ? ou n’est-ce pas parce que le Colonel Minnih, l’actuel chef de l’armée et ancien ministre des Affaires étrangères, est l’un des rares à joindre le geste la parole, «il existe un problème de cohabitation entre les communautés en Mauritanie. Le nier serait ridicule. Et il est également vrai que des injustices ont été commises dans le passé. Mais, tout cela est révolu ou en train  d’être surmonté, alors que les agitateurs des FLAM veulent mettre le pays à feu et à sang. Depuis son arrivée au pouvoir en décembre 1984, Ould Taya a beaucoup fait pour l’unité nationale, mais il faut lui laisser le temps de redresser la situation. Avec la démocratie comme perspective, il y parviendra ». L’homme du sérail qui défend ainsi l’action du quatrième chef militaire que la Mauritanie a connu depuis le renversement du régime civil en 1979, plaide inlassablement pour le dialogue intercommunautaire.

Cependant, il doit reconnaître que «les vrais démocrates se trouvent plus que jamais entre le marteau et l’enclume». Ils risquent, à tout moment, d’être écrasés dans un nouvel affrontement «chauvins arabes»» et «nationalistes étroits du Flam ». Or, aujourd’hui comme hier, le plus grand danger pour la Mauritanie émane des milieux «chauvins»» au sein même du pouvoir.

Pour les extrémistes Baasistes et Nassériens, la moindre concession à la communauté noire constitue une « insulte à l’arabité » qu’il dut laver à tout prix. A force de persister dans l’erreur, elle risque d’être lavée au prix du sang.

« Existe-t-il oui ou non du racisme en Mauritanie ? » Personne n’échappe, à un moment ou un autre, à cette question. Or, comment ne pas y répondre par l’affirmative tant il est vrai que dans des situations-clé de la vie sociale en Mauritanie, la couleur de la peau fait pencher la balance….

Pour le meilleur ou pour le pire, la Mauritanie n’aura pas le temps de surmonter son passé par l’oubli. Dans les années à venir, la « ruée vers l’or vert» va décupler les tensions intercommunautaires. Apres l’achèvement des barrages, les terres désormais irrigables dans la vallée du fleuve Sénégal représentent un enjeu stratégique dans un pays d’ores et déjà recouvert à 85 % du paysage lunaire fait de schiste argileux et de sable blanc, comme neige. L’octroi des crédits agricoles et la distribution des périmètres aménagés reproduiront-ils «l’hégémonie beydane» sur les terres ancestrales historiques ?

Peut-on ignorer que dans la cosmogonie d’Afrique Noire, la terre représente autant une valeur spirituelle qu’économique ? La «mise en valeur» du fleuve Sénégal risque d’aboutir à un dramatique malentendu, dans la mesure où l’attribution des terres à «ceux qui ont les moyens de les exploiter» est certes. parfaitement légitime d’un point de vue économique, mais heurte de front les populations noires autochtones. Issus de cette terre, les «Négro-Mauritaniens » considèrent la vallée du fleuve Sénégal comme le berceau de leur civilisation, menacée par les Maures blancs. Des terrains dûment enregistrés au cadastre avant d’être vendus et délimités se voient ainsi débomés par des villageois en colère.*

Tous les éléments sont désormais réunis pour exacerber un discours racial qui oppose des «Négro-mauritaniens» aux «Maures blancs», des «autochtones» aux «allogènes». «L’espace vital » à la «terre natale»… dans un pays où se sont succédées les vagues d’envahisseurs et où se sont brassées les cultures depuis des siècles et des siècles. Boudée par l’histoire aussi, coloniale et mise à mal par la nature, la Mauritanie, pays complexe s’il en est, risque de se perdre, corps et âme, dans la simplification raciale.

 

Stephen SMITH

 

AFRICA INTERNATIONAL N, 218 – JUILLET/AOUT 1989

 

29 ans après leur déportation au Sénégal : Les réfugiés mauritaniens réclament leur droit à la reconnaissance

 

«La Mauritanie est un pays bizarre par rapport au fait que toute politique qui est faite là-bas est basée sur la discrimination et le racisme», a lancé hier Aldiouma Sissoko lors de la remémoration du conflit de 1989 ; cet évènement qui a bouleversé à jamais la vie de ces réfugiés avec la perte de leur nationalité.

Le coordonnateur des réfugiés mauritaniens au Sénégal de déplorer leur situation précaire : «Notre statut de réfugiés apatrides au Sénégal depuis décembre 2016 dépasse tout entendement. Cela nous inquiète et hypothèque toute ambition de développement et de recherche de solutions durables.» Au fait, au Sénégal, le nombre de réfugiés serait estimé à près de 35 mille. Parmi eux, il y a 302 veuves dont les maris furent exécutés.
D’ailleurs, le point culminant de ce conflit fut la déportation de 1989 qualifiée de «génocide». M. Touré, membre des Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam), a rappelé que cette branche, créée en 1983, entendait lutter contre le système «beydan» (maure).
Les Flam avaient également produit le manifeste des Négro-mauritaniens qui décrit toutes les formes de discrimination. Il y avait des statistiques sur l’exclusion des Noirs sous-représentés dans les instances de décision dans un pays où ils sont majoritaires. De plus, les Flam dénonçaient «la politique d’arabisation forcenée du pays et de la négation de la communauté négro-africaine et de sa culture».
Dans la communauté dite beydan, il se pose le problème des Négro-africains, esclaves affranchis. Celle-ci réclame son appartenance à cette communauté, mène en revanche une lutte acharnée contre l’esclavage en Mauritanie. Toutefois, la lutte contre la servitude y est très timide. A en croire les réfugiés, «le système avait un programme d’épuration ethnique qui a occasionné l’arrestation de près de 3 mille soldats négro-mauritaniens dont 500 emprisonnés et torturés de façon arbitraire».
Pis, déplorent-ils, une loi d’amnistie a été votée en 1983 à l’Assemblée nationale mauritanienne. Cela passe, aux yeux des victimes, comme «une sorte de reconnaissance des faits et l’aveu d’impunité de tous les crimes perpétrés». Les réfugiés ont, au finish, lancé un appel à la Communauté internationale pour le règlement de ce dossier.

Stagiaire

source :lequotidien.sn

 

Avril 1989, début de campagne de terreur en Mauritanie, rapport de Human Right Watch

 

Le 9 avril 1989, à Diawara, un village situé sur une île du fleuve Sénégal, un conflit entre des bergers mauritaniens et des paysans sénégalais entraîna la mort de deux de ces derniers. Cet incident– pour lequel le Sénégal a tenu les autorités mauritaniennes responsables, malgré les démentis répétés de celles-ci –va engendrer une série d’événements qui mena la Mauritanie et le Sénégal au bord d’un conflit. L’hostilité entre les deux pays provoqua une vague de violences ethniques et de tueries qui se solda rapidement par l’expulsion de dizaines de milliers de Noirs de Mauritanie, expulsions accompagnées de nombreuses exécutions sommaires, d’arrestations arbitraires, de tortures, de viols et de confiscations de biens.

 

L’un des facteurs sous-jacents de ce conflit et des expulsions qui suivirent est la tendance qu’ont les Beydanes à considérer les Négro-africains comme étant des Sénégalais, la nationalité mauritanienne comptant moins que l’identité raciale. Il semblait par conséquent logique pour les Beydanes de s’en prendre aux Négro-mauritaniens en représailles des attaques perpétrées par les Sénégalais contre les Mauritaniens blancs.

Aucune preuve n’a été établie indiquant que ces expulsions faisaient partie d’un « plan global » prémédité par les autorités mauritaniennes visant à l’élimination de la population noire. Il semble plutôt que ces dernières aient profité de cette occasion pour accélérer leurs efforts d’arabisation du pays et se venger sur les groupes ethniques noirs des attaques dont firent l’objet les Maures mauritaniens au Sénégal. Il est clair que ces expulsions avaient aussi pour objectif de terroriser la population noire.

Les expulsions doivent être analysées dans le contexte de la structure sociale traditionnelle qui prévaut dans la vallée du fleuve Sénégal. Pendant des siècles, le fleuve était une artère de communication et de commerce, le centre de la société, en somme, l’antithèse d’une frontière. Le fleuve était, comme l’a décrit un Mauritanien, « comme une rue du village »: les familles vivaient et cultivaient fréquemment des deux côtés; les pirogues ou les canoës allaient et venaient et le commerce se faisait librement entre les deux rives. La notion de fleuve en tant que frontière administrative et politique était totalement contraire aux coutumes et traditions locales.

Pendant la période coloniale, le territoire qui comprend actuellement le Sénégal et la Mauritanie était administré à partir de Saint-Louis au Sénégal. Malgré la création de deux pays distincts en 1960 (11), la vie le long de la vallée du fleuve Sénégal resta pratiquement inchangée pour la majorité de la population. Les habitants de la vallée n’avaient pas vraiment l’utilité de papiers officiels tels que des cartes d’identité, sauf s’ils envisageaient de poursuivre des études supérieures ou de postuler à certains postes; la plupart des Noirs de la vallée ne possédaient donc pas de papiers établissant leur nationalité. La plupart d’entre eux étudiaient à Saint-Louis ou à Dakar, où se trouvaient les établissements d’éducation supérieure, ou s’y rendaient à la recherche d’un emploi; mais ils revenaient plus tard vivre en Mauritanie. En outre, les bergers peuhls, dont la vie nomadique était basée sur des déplacements libres et illimités, considéraient les pâturages des deux rives du fleuve comme leur domaine naturel.

La capitale administrative coloniale, Saint-Louis, fut sise à l’indépendance dans le territoire sénégalais, impliquant ainsi que les fonctionnaires mauritaniens de l’ère coloniale vécurent et travaillèrent dans ce qui devint le Sénégal; leurs enfants y naquirent. Ceux qui, parmi ceux-ci, s’installèrent plus tard à Nouakchott ou rentrèrent en Mauritanie pour prendre leur retraite, furent accusés en 1989 d’être originaires du Sénégale. Beaucoup furent expulsés. Cela est particulièrement vrai pour leurs enfants.

Etant donné sa mobilité, la population de cette région vécut les événements de 1989-90 comme un choc violent. Du jour au lendemain, la rive mauritanienne du fleuve se transforma en zone militaire sous haute surveillance et un couvre-feu fut imposé. Bien que non déclarées officiellement, ces mesures avaient les effets d’un état d’urgence. Le fleuve lui-même devint un « no man’s land » où n’osaient plus s’aventurer les riverains. Familles et villages furent séparés et la communication devint presque impossible.

Bien que les expulsions massives aient pris fin en 1990, des cas isolés d’expulsions, d’arrestations et d’assassinats furent rapportés jusqu’en 1993. La vallée du fleuve Sénégal est placée sous une sorte d’occupation militaire, de nombreuses bases militaires assurant le maintien d’une atmosphère de répression générale.

LES EMEUTES DE DAKAR ET DE NOUAKCHOTT

A la suite du conflit frontalier de Diawara, qui entraîna la mort de deux Sénégalais, de violentes émeutes anti-Mauritaniens éclatèrent à Bakel, Dakar et dans d’autres villes du Sénégal. Les Mauritaniens possédant la majorité du commerce de détail au Sénégal, nombreuses de leurs boutiques furent pillées. Mark Doyle, un journaliste britannique basé à Dakar, fit la description suivante des violences:

Presque immédiatement après que la nouvelle du meurtre de deux Sénégalais à la frontière s’est répandue –tués, selon les médias sénégalais, par des Mauritaniens– le pillage des boutiques des Mauritaniens a commencé dans la ville voisine de Bakel. La police sénégalaise a dû prendre les Mauritaniens sous sa protection pour éviter que les villageois mécontents ne les attaquent. Ce scénario s’est répété à travers tout le Sénégal…[d]ans la banlieue de [Dakar], le pillage systématique des boutiques appartenant aux Mauritaniens semble être devenu un sport national (12).

Les attaques des boutiques mauritaniennes commencèrent véritablement à Dakar les 22 et 23 avril. La plupart des destructions semblent avoir été le fait de bandes de jeunes chômeurs, ce qui amena nombre d’observateurs à lier les évènements de Dakar à un sentiment croissant de frustration engendré par la situation économique et politique du pays. La police parvint finalement à restaurer l’ordre dans la nuit du dimanche 23 avril.

Les violences de Dakar déclenchèrent des émeutes à Nouakchott. La tension s’accrut à Nouakchott et à Nouadhibou le 24 avril alors que les nouvelles des pillages perpétrés au Sénégal se répandaient. La campagne de terreur contre les Négro-mauritaniens commença les 24 et 25 avril. Dans la soirée du lundi et pendant tout la journée du mardi qui suivit, des Haratines armés furent amenés en camion dans les quartiers sénégalais de la ville (13). Les Négro-mauritaniens, les Sénégalais, ainsi que les autres Noirs africains furent brutalement attaqués, soumis à toutes sortes de sévices et certains furent battus à mort. Bien qu’aucun chiffre précis ne soit disponible, on estime qu’au moins 150 à 200 Noirs furent tués. Le gouvernement mauritanien décréta l’état d’urgence à Nouakchott et à Nouadhibou le mardi 25 avril.

Un expatrié, qui travaillait à Nouakchott pour une organisation humanitaire au moment des émeutes, décrivit de la manière suivante les actes de brutalité dont il fut témoin:

Une foule a surgi dans la rue et, arrivée au niveau de l’intersection, s’est dirigée vers une maison, que rien ne distinguait des autres maisons du quartier, sinon qu’elle était supposée appartenir à un Sénégalais. Les jeunes ont commencé à jeter des pierres et des bouts des bois sur le mur de la maison. Les vitres se sont brisées et ils se sont dirigés vers la porte. C’était triste de regarder la scène sans pouvoir rien faire. D’autres personnes se joignirent ensuite à la foule qui essayait de pénétrer en masse dans la maison. Ils commencèrent ensuite à sortir avec des livres qu’ils jetèrent en l’air et dont ils déchirèrent les pages; deux hommes prirent un réfrigérateur; plusieurs autres partirent en courant emmenant des chaises et des lits sur leur tête. Les passants s’arrêtaient, observaient la scène pendant un instant, puis continuaient leur chemin…La maison…appartenait à un Mauritanien noir dont le nom de famille se trouvait être Senghor, comme le nom du premier président du Sénégal. C’était également un diplomate mauritanien (14).

Ce témoin rapporta qu’après les pillages de Nouakchott, la population noire resta longtemps terrifiée.

L’horreur des événements d’il y a deux nuits était encore présente sur les visages apeurés des personnes dans la rue. Ce qui avait commencé comme des représailles contre les Sénégalais se termina par le massacre de tous les Négro-africains. Les personnes tuées étaient dans leur majorité sénégalaises, mais des Maliens, des Guinéens et des Mauritaniens — des Pulaars, des Wolofs et des Soninkés – faisaient aussi partie des victimes. Ironie du sort, la majorité de ces foules était constituée de Maures noirs, qui ont fait preuve d’un esprit de vengeance terrifiant: ils battirent, tuèrent, volèrent les Négro-africains. Tout devint gratuit pour tout le monde. D’abord, on s’attaqua aux boutiques des Sénégalais, ensuite à leur personne, puis on s’en prit à tous les magasins et à toutes les maisons des Noirs, pour enfin finir par leur prendre la vie. A l’hôpital, il y a des tas de cadavres, que personne ne réclame. Les autorités ne laissent pas les gens identifier les corps. Beaucoup de personnes à Nouakchott ne savent pas si leurs proches ou amis sont morts, blessés ou s’ils sont encore en vie.

Toutes les boutiques des Négro-africains appartiennent désormais au passé. Toutes les machines des tailleurs ont été brisées ou volées. Les vendeurs de tissus ont été battus, leurs magasins défoncés et la marchandise volée. Les magasins de musique ont été pillés et démolis. Tous les studios de photo en ville appartenaient aux Négro-africains; leur matériel a été volé. La plupart des restaurants étaient gérés par des Noirs; leurs réfrigérateurs ont été pillés, les tables ont été brisées et les poêles, casseroles et ustensiles volés.

Dans un premier temps, l’ampleur des massacres de Nouakchott n’a pas été connue au Sénégal. Les sources officielles et les reportages de la presse parlaient d’une vingtaine de personnes tuées, alors qu’en réalité les chiffres étaient de loin supérieurs. A la fin de la semaine, lorsque les gens eurent une idée plus précise de ce qui s’était passé, les violences éclatèrent à nouveau dans les villes sénégalaises, y compris à Dakar. Doyle écrivit:

En guise de représailles aux meurtres commis en Mauritanie, les foules se sont emparées principalement des Maures blancs qui n’avaient pas encore trouvé de refuge et les ont tués sauvagement. La plupart des tueries ont eu lieu à Dakar. J’ai personnellement compté 38 corps de Mauritaniens à la morgue centrale, y compris ceux de deux enfants en bas-âge dont les têtes avaient été écrasées. Alors qu’au moins 38 Maures ont été tués à Dakar, de source policière on apprenait que 12 autres avaient été tués à Touba, dans le centre du pays, et quatre dans la ville toute proche de Djiorbel. Avec tous les autres incidents rapportés, le chiffre global donné était de 50 à 60 victimes, mais là encore ces chiffres n’étaient pas définitifs (15).

Sous une forte pression internationale visant à prévenir d’autres bains de sang, le Sénégal et la Mauritanie se mirent d’accord pour rapatrier leurs citoyens respectifs. Un pont aérien international fut mis en place. La France, l’Espagne, l’Algérie et le Maroc fournirent les avions nécessaires au programme de rapatriement. On estime que furent rapatriés 100.000 Mauritaniens et 85.000 Sénégalais.

La grande différence entre les violences commises au Sénégal et celles perpétrées en Mauritanie résida dans l’attitude des autorités locales. En Mauritanie, le gouvernement et les forces de sécurité furent directement impliqués dans les attaques contre les Noirs. On vit des Haratines utiliser des camions militaires et les forces de police ne firent rien pour arrêter la violence. La police séné

galaise, quant à elle, fut certes coupable de négligence et d’inefficacité, mais n’a pas semblé pas avoir été directement impliquée dans les attaques contre les Mauritaniens. ..

A suivre…

Source : HUMAN RIGHT WATCH)

 

Les ethnies négro africaines de Mauritanie : Briser le silence

Les affrontements d’avril 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie ont fait des centaines de victimes et des centaines de milliers d’expulsés réciproques. Les médias internationaux n’en ont retenu que l’image d’un conflit entre deux pays. Tous ont fait silence sur la raison profonde qui reste, depuis toujours, pour aujourd’hui et demain, un problème intérieur à la Mauritanie.

On lira, par ailleurs, la difficulté de ce pays charnière à faire cohabiter des populations maures (arabo-berberes) traditionnellement installées au Nord et Negro-Africaines ( Wolofs, Peuls, Soninkés, Bambaras) agriculteurs et éleveurs sédentaires du Sud, essentiellement rassemblés dans la vallée du fleuve Sénégal.

Des l’origine (1960), une politique de ségrégation s’installe. Le pouvoir politique est détenu les Maures, le pouvoir économique également et malgré un meilleur niveau de formation des cadres noirs, des quotas ethniques de recrutement sont institués, favorisés dès 1966 par l’arabisation de l’enseignement, handicap majeur pour les étudiants noirs, totalement étrangers à cette langue.

Sous le double effet, d’une part de la sécheresse de 1972 à 1985, poussant vers le Sud (Nouakchott et le fleuve Sénégal) les nomades maures, et  d’autre part, l’aménagement du cours du Sénégal par deux barrages rendant possible l’irrigation et donc l’enrichissement des terres riveraines, la vallée du fleuve Sénégal devient l’axe de survie majeur de la Mauritanie.

On comprend dès lors l’enjeu économique et culturel de cette région du fleuve que le pouvoir politique maure va vouloir asservir aux dépens des populations noires implantées.
Il va donc se mette en place, de mouvement une politique d’acquisition foncière, de mouvements de populations destinée à affaiblir leur présence économique et culturelle.

Le conflit Sénégal –  Mauritanie va venir à point nommé, s’il n’a pas été provoqué pour cela.
La chasse aux Noirs va pouvoir commencer.

Expulsions arbitraires, confiscations de biens et de troupeaux, quelquefois départs volontaires sous la terreur , assassinats (souvent exécutés par des Noirs eux – mêmes anciens esclaves toujours asservis, à leurs maîtres maures, l’esclavage n’ayant été officiellement  supprimé qu’en 1980) et installation au nom  de la solidarité nationale dans les biens laissés ainsi vacants, des populations maures expulsés du Sénégal.

En contradiction avec les explications officielles, les rares témoins sur place, et surtout les témoignages convergents des correspondants de la trentaines de jumelages coopération des villes et de villages mauritaniens avec des villes françaises, font tous état d’une aggravation de la ségrégation raciale et de la déportation de Mauritaniens noirs baptisés sénégalais pour la circonstances.

La prudence interdit la publication de faits et des noms qui sont autant de cas flagrants de violations des droits de l’homme et d’actes racistes. Il s’agit de protéger ces hommes et ces femmes, leurs familles, leurs villages des représailles du gouvernement

.
Les jumelages coopération se voulaient porteurs de démocratie locale. ils sont aujourd’hui  témoins de ce que certains appellent déjà un début de  génocide.

Il s’agit de briser le silence et l’indifférence. aux misères du sous développement s’ajoutent celles de la spoliation et de la déportation . nous travaillons sur les premiers, amis sommes impuissants devant les seconds.
Le gouvernement français lui ne l’est pas.
Nous lui demandons d’user de son influence sur la région  pour que le devoir de non ingérence ne soit pas une faute de non assistance.

Les F.L.A.M. Section Europe

Paris

Octobre 1989.

LES DÉPORTÉS MAURITANIENS (1989)

Ces « réfugiés mauritaniens aujourd’hui (120.000 au Sénégal et Mali) n’ont pas fui leur pays comme le laisse entendre le Gouvernement mauritanien : Ils ont été encerclés de quitter le sol national pour le Sénégal ou le Mali, sous la menace des armes.

Beaucoup de pillages, de viols et d’assassinats ont accompagné ces déportations. Ces déportés dont le calvaire dure depuis huit longues années, sont abandonnés aujourd’hui à eux-mêmes. Ils ne bénéficient même plus de l’assistance du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). Des menaces de famine réelle pèsent sur les femmes et les enfants.

 

Ils souhaitent rentrer en Mauritanie, organisés, sous l’égide du HCR, avec la garantie qu’on leur restituerait leurs pièces d’état Civil (détruits par l’Armée), leurs terres confisquées, leurs villages, leurs animaux, leurs emplois, à défaut (pour ces deux dernières revendications) qu’on les indemnise.

 

La Mauritanie, elle voudrait qu’ils rentrent, sans témoin, clandestinement, sans rien réclamer, ni biens, ni papiers, ni sécurité, ni rien de tout. Conditions inacceptables, d’autant que présentement l’insécurité règne de nouveau dans la Vallée. Dans le Guidimakha, le Brakna, l’Armée s’est redéployée assiégeant des villages (Bolol – Dogo), emprisonnant des femmes révoltées (Darel Barka), arrêtant et torturant à tour des bras (Olologo, Daara).

 

Conditions d’accueil infamantes pour, les quelques déportés de retour en Mauritanie (entre 8.000 à 15.ooo personnes), qui n’ont pu obtenir la restitution, ni de leurs pièces d’état Civil, ni de leurs emplois, ni de leurs terres redistribuées, ni de leurs biens et quelques fois jusqu’à leurs villages réoccupés s’ils n’ont pas été détruits. Beaucoup sont placés dans des « cantonnements » choisis par l’administration (Axe Rosso pour le Trarza, Selibaly Ould Yengé pour le Guidimakha) Il arrive qu’on permette quelquefois de regagner le village d’origine dans ces cas là, le Gouvernement impose désormais une mixité obligatoire doublée d’une colonie de peuplement encouragée depuis les événements , pour modifier l’équilibre démographique de la vallée (Dar-Salam, Salndé, Senokouna pour le Brakna) La Mauritanie est revenue dernièrement même sur ces retours clandestins!

 

Il n’est pas besoin de souligner que la présence prolongée de ces réfugiés constitue, á terme, une source d’instabilité sous-regionale.

LES F.L.AM.

Dakar

Mai 1997.