Nous avons été, à l’instar de l’opinion nationale, informés des conflits fonciers qui opposent, en ce moment, dans la vallée du fleuve, d’une part des Haratines notamment du village de Saboualla, et d’autre part des propriétaires de terres ancestrales appartenant aux habitants des localités de Hayre Mbara, Hayre Gollera et Seno Boussobe . Ces conflits ne témoignent rien de nouveau. Il est récurent que des ressortissants de la vallée s’insurgent contre l’accaparement de leurs terres agricoles par des tiers, qu’il s’agisse de l’état mauritanien ou d’individus exploitant ces terres au profit de tiers personne . Ainsi, la population haratine servile sert le plus souvent de faire-valoir. Aussi , pour éviter des heurts entre les protagonistes et pour faire face à l’escalade des tensions et à la répression des manifestations pacifiques des propriétaires coutumiers des terres en litige, dans ces dites localités, il est rapporté que les autorités administratives, en l’occurrence le préfet, ont demandé, compte tenu de certaines situations, d’arrêter tous les travaux sur les terres qui font l’objet d’exploitation. Selon les informations dont nous disposons, par ailleurs, le litige foncier qui oppose, à Seno Boussobe le propriétaire d’un champ du nom de Moussa Mbaye et de son protagoniste haratine Hamed Simou, a été porté au mois de décembre 2024 devant le procureur régional résident à Aleg. Par ailleurs, le préfet de Hayre Mbara aurait allégué qu’il ne saurait retirer la terre à des haratines qui la cultivent depuis 34 ans. Faut-il croire qu’en vertu de la circulaire spéciale 020/ min du 29 juillet 1985, nous nous trouvions dans un cas où des haratines auraient eu l’autorisation d’exploiter à titre précaire et révocable des terres appartenant à d’anciens déportés mauritaniens au Sénégal, qui une fois de retour dans leur localité demandent à ce que leur soient restituées leurs terres de culture. Une demande qui visiblement est restée vaine et sans réponse, tant de la part des occupants haratines que de l’administration locale. À cet égard, force sera de constater encore que la question foncière reste toujours problématique en Mauritanie. Pour cause : depuis la réforme foncière de 1983, les populations de la vallée font face à de grandes difficultés à faire reconnaître le droit de propriété sur leurs terres ancestrales. Ces difficultés ne tiennent pas tant à l’abolition de la tenure foncière par l’article 6 de cette réforme mais tiennent plutôt à l’application biaisée de l’article 8 concernant la procédure de régulation des terres. En effet, les paysans et agriculteurs de la vallée échouent, au plan administratif et juridique, à faire reconnaître leurs terres ancestrales comme leurs propriétés . Cet échec est dû essentiellement aux blocages administratifs comme l’attestent de nombreux témoignages. Pourtant des enquêtes administratives sur les terres du domaine coutumier suffiraient à établir que cette terre appartient à untel ou à une collectivité et sur la base desquelles on pourrait délivrer un certificat individuel foncier ou collectif dont le ou les détenteur (s) devrait (devraient ) requérir l’immatriculation de la terre correspondante.
Toutefois, il convient de souligner que certaines pratiques en Mauritanie s’apparentent à des stratégies d’occupation de l’espace. Elles rappellent l’expansion européenne au cours de laquelle on se référait à la doctrine de la Terra nullius (terre de personne) ou du Vacuum Domicilium (Domaine vacant) pour justifier la colonisation et l’appropriation des terres des ethnies ou des tribus, en laissant entendre que ces groupements humains ne pouvaient justifier de titres écrits de propriété. À ce propos, nous vous renvoyons à l’article 9 stipulant que « les terres mortes sont propriétés de de l’État. Les terres n’ayant jamais été mises en valeur ou celles dont les actions de mise en valeur n’ont laissé aucune trace sont considérées comme mortes. » C’est l’occasion ici de dénoncer une des méthodes detournées par lesquelles, les autorités administratives et judiciaires mauritaniennes récupèrent les terres du domaine foncier coutumier pour les livrer au domaine du foncier étatique. Par ailleurs, il nous apparaît injuste de faire établir par la loi, que les droits privés sont généralement établis au bout de dix ans d’occupation « continue d’utilisation agraire »; et partant de là de créer le risque de faire perdre à des personnes leur droit de propriété parce que n’ayant pas cultivé leurs propres terres ou ne les ayant pas fait travailler par d’autres. En fait, cette loi ne cherche pas à savoir si les propriétaires des terres ont les moyens matériels de les mettre en valeur ; ou s’ils n’ont pas été contraints à délaisser momentanément leurs propriétés, incapables de les exploiter en raison de facteurs climatiques ou écologiques défavorables. En réalité ces lois ne paraissent équitables qu’en apparance ; en fait elles ne visent qu’à retirer des terres à leurs propriétaires et à les confier ensuite à des hommes d’affaires et à des Agro-businessmen. Aussi, l’article1 de la réforme foncière du 5 juin 1983, selon laquelle » la terre appartient à la nation. Tout mauritanien conformément à la loi peut en être propriétaire » : est démenti par son application sur le terrain.
De ce qui précède nous exhortons les autorités de notre pays la Mauritanie :
- à rechercher une solution équitable aux conflits foncier de la vallée
- à mettre fin à cette tendance arbitraire à confisquer des terres dans la vallée en les considérant comme sans maîtres.
- à éviter toute situation susceptible de créer des tensions entre les populations de la vallée et les populations haratines.
Le 2/01/ 2025
Moustapha Mamadou Touré