INTRODUCTION

 

Une nouvelle page vient de s’ouvrir

 

L’histoire écrite de la lutte des Forces de libération africaines de Mauritanie (F.L.A.M.) vient de commencer, avec ce XXème Anniversaire. 20 ans de lutte opiniâtre contre un système à fondement raciste. 20 ans de résistance acharnée au cours de laquelle la marche de notre organisation fut longue et pénible ; Chaque étape franchie et chaque acte posé le furent comme dans une course d’obstacles. On franchissait le premier, un autre était déjà là, plus haut, Et un autre derrière, encore plus difficile.

 

Malgré ces innombrables obstacles des jalons importants demeurent aujourd’hui posés, vers la quête de notre liberté. Cette lutte, pour cette longue quête d’une reconnaissance du Noir mauritanien comme citoyen à part entière, est un combat de longue date. L’histoire de notre pays de 1946, 1956, à 1966, montre que nous n’en sommes pas les pères fondateurs, mais les dignes fils héritiers.

La mémoire de notre peuple retiendra que nous n’avons pas démérité dans la gestion de ce lourd et délicat héritage A travers les pages qui suivent, sans gloriole aucune, nous allons retracer la longue marche des F.L.A.M.

 

GENESE 1946 – 1966

 

L’Etat mauritanien, dès sa création, portait déjà en germes, les symptômes du malaise de la cohabitation. Cela se manifeste nettement à travers les sursauts velléitaires de résistance des différentes Organisations négro-africaines, face à la menace d’assimilation. Dès 1948 l’Union générale des Originaires de la vallée du fleuve (U.G.O.V.A.F) prit en charge la question noire en Mauritanie, pour avoir perçu les signes avant-coureurs d’une orientation panarabiste du pays. Puis ce fut au tour de l’Union générale des Originaires du Fleuve (U.G.O.F), du Bloc démocratique du Gorgol (B.D.G), de L’U.G.O.M.S (Union générale des Originaires de la Mauritanie du Sud) de prendre le relais, au regard de la dérive panarabiste visiblement affichée par leurs partenaires et compatriotes politiques bidhan. Toutes ces organisations craignant pour les Négro-africains d’être phagocytés ou éloignés de l’Afrique noire revendiquèrent la création d’une Mauritanie indépendante et unie certes, mais dans un cadre fédéral. Me Mokhtar Ould Daddah, en ardent et fin défenseur du Système s’y opposa par sa trompeuse théorie du «Trait d’union» et par des arguments fallacieux du genre « Que la Fédération était irréaliste pour être trop onéreuse d’une part, et que les exemples tentés en Afrique (Fédération du Mali ) avaient échoué, d’autre part. A ceux qui demandaient l’octroi de garanties constitutionnelles pour le Sud (dosage dans la répartition des postes basé sur des pourcentages démographiques) il répondra que «cela ne pouvait que multiplier les obstacles» !.

 

EVOLUTION 1966-1986

 

-1966: MANIFESTE DES « 19 »: LA CRISE REBONDIT

 

Suite à l’imposition de l´arabe comme langue officielle, rendant obligatoire l’enseignement de cette langue, 19 cadres Négro-africains rédigent un manifeste dit des «19» dans lequel ils dénoncent le racisme d’Etat et «toute confusion hypocrite visant à poser un problème politique enseignement de l’arabe ) sous le couvert de la religion (islam )».

 

-La circulaire 02 de 1979

 

Suite à «la circulaire 02» visant au renforcement de l’arabe, dans l’Enseignement (accroissement du coefficient au Secondaire et arabisation pour moitié/temps du Primaire), les élèves noirs, à travers leur organisation le M.E.N (Mouvement des élèves noirs), décrètent une grève illimitée qui consolide la prise de conscience des Négro-africains en la nécessité de lutter contre la politique de discrimination raciale menée contre les Négro-africains et la négation de leur culture.

Au regard de ces sursauts de résistance nous constatons que la lutte contre le Système a commencé il y a fort longtemps en Mauritanie. Mais toutes ces résistances furent brisées ou affaiblies une à une, si elles n’avaient été récupérées.

Voilà l’arrière contexte dans lequel les F.L.A.M. allaient reprendre le flambeau de la lutte.

 

– 1978- 1986 de la réflexion á la fusion

 

Dés 1978, des groupes clandestins, isolés les uns des autres, commencèrent à reposer la Question nationale, sous l’ère des militaires ; problématique étouffée par Ould Daddah (régime civil) et le M.N.D. par le moyen de l’embrigadement.

A partir de 1983, ces mêmes groupes décidèrent de se concerter et procédèrent à une analyse approfondie de la situation des Négro-mauritaniens. Le constat fut unanime : un présent amer et un avenir plutôt sombre.

La marginalisation de plus en plus systématique et affichée des Négro-africains par un Apartheid qui ne dit pas son nom, risquait de finir par leur «esclavagisation» ou par leur expulsion du pays, d’où la nécessité d’unir la résistance et de regrouper les forces pour éviter la dispersion des énergies.

Ainsi, le 14 mars 1983 fut scellée la fusion de ces organisations, qui allait donner naissance aux Forces de libération africaines de Mauritanie (F.L.A.M). Il s’agissait de l’Union démocratique mauritanienne (U.D.M), du Mouvement populaire africain de Mauritanie (M.P.A.M.), de L’Organisation pour la défense des intérêts des Négro-africains de Mauritanie (O.D.I.N.A.M.) et du Mouvement des élèves et étudiants noirs (M.E.E.N).

 

PRESENTATION

 

– Les F L A M- IDENTITE

 

Les F.L.A.M. sont une organisation à caractère plurinational, non ethnique et non raciale qui lutte pour l’avènement d’une société égalitaire et démocratique. Elles sont une Organisation politique pacifique , ouverte, qui privilégie le dialogue et la concertation, mais se résérve le droit de recourir à la lutte armée si elle y était contrainte. Toutefois, la violence physique n’est ni le but ni le credo de l’organisation.

Les F.L.A.M. ont pour objectifs, entre autres, le recouvrement par tous les Mauritaniens et singulièrement les Négro-mauritaniens, de leur dignité par l’élimination de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement.

 

PROJET ET PRINCIPES

 

Les F.L.A.M. sont une organisation à l’ambition nationale. Elles prennent en charge l’ensemble des questions qui se posent au pays, en particulier celle vitale de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement, en ce qu’elle menace l’unité et l’existence même du pays. Inspirées par un nationalisme ouvert, elles puisent également dans les valeurs socio-universelles de la Gauche démocratique en général. La finalité poursuivie demeure de construire un Etat de droit, démocratique, fondé sur l’égalité, la justice entre toutes les composantes nationales, pour l’unité et la paix entre les peuples, dans le respect des identités respectives.

 

Notre quête de l’identité doit être perçue comme procédant du droit à la différence qui fonde l’efficacité et la pérennité d’une solidarité La voie que nous croyons la meilleure pour parvenir à cet Etat de droit reste, après l’échec de 40 ans d’expérience de l’Etat Jacobin : l’autonomie.

 

En effet, la Mauritanie est condamnée à s’unir sans s’unifier en lieu et place de l’étouffante uniformisation assimilée à l’unité. Les F.L.A.M. demeurent ouvertes à l’unité de l’opposition progressiste, tant pour des actions communes que pour rechercher ensemble les voies les plus appropriées pour une sortie de crise.

 

-FORMES D´ACTION

 

En l’état actuel des choses Les F.L.A.M privilégient l’action politique. Cette action politique reste orientée essentiellement vers deux pôles de direction:

– la sensibilisation de l’opinion internationale par l’information sur les faits et gestes du Régime et la dénonciation permanente de sa politique raciste et esclavagiste ;

– la poursuite de la sensibilisation et de la mobilisation de l’opinion interne, en direction à la fois des Négro-mauritaniens pour renforcer la prise de conscience de leurs conditions d’oppression d’une part, et des compatriotes Arabo-berberes honnêtes, soucieux du devenir de la Mauritanie d’autre part. Nous avons besoin de faire connaître et découvrir à l’opinion maure, généralement intoxiquée par 10 ans de propagande mensongère du régime sur les F.L.A.M., la nature réelle de l’organisation, ses revendications, ses projets et les principes qui l’animent.

 

Pour ce qui concerne l’autre voie, c’est -à -dire celle de la lutte armée, il ne se pose pas un problème d’option ou de contre option. Elle résultera essentiellement de la maturation des conditions internes (déterminantes) en conjonction avec certains facteurs externes. Dés lors la question de savoir s’il est juste ou non d’y recourir reste sans intérêt.

 

PHASE DE CONSOLIDATION ET DE RAYONNEMENT

 

Janvier 1990, date du premier congrès tenu en terre d’exil, constitue véritablement le second point de départ de l’organisation. Décapitée à la suite des arrestations de 1986, les F.L.A.M. allaient renaître grâce à l’action courageuse de quelques militants qui avaient échappé aux mailles des filets. L’année 1990 marquera, sans nul doute, la reconstruction véritable et l’envol de l’Organisation. Entre 1990 et 2000 nous assistons à la phase de rayonnement dans l’action tous azimuts. A visage désormais découvert, l’Organisation s’est focalisée sur l’action diplomatique et politique, et sur l’implantation de structures visibles, et quelques essais d’action proprement dite. En dépit de nombreuses contraintes ayant gêné considérablement nos actions, des acquis certains ont été engrangés ; acquis politiques et d’ordre symbolique indéniables.

 

– ACQUIS POLITIQUES

 

Grâce à l’impact de notre discours clair, cohérent et suivi, les masses négro-africaines allaient prendre, pour la plupart, conscience de leur oppression. Quel devenir pour les Noirs en Mauritanie est devenue la question existentielle, obsessionnelle pour beaucoup. Un bon nombre de ces opprimés franchirent le palier de l’interrogation. Que faut-il faire pour changer les choses ? Comment sortir de cette oppression raciale ?

Et certaines doctrines nous enseignent que cette phase d’interrogations est inévitablement suivie de la phase d’action, alors ne désespérons pas de notre peuple. Il est trop tôt, car comme disait quelqu’un «une nation asservie, battue et dispersée peut encore se rebeller contre son sort, et revenir à la vie».

 

A côté de ces masses à l’intérieur, qui chaque jour en silence, nous rejoignent, il y a ces dizaines de milliers de réfugiés mauritaniens encore au Sénégal et au Mali, et qui, grâce à notre encadrement, résistent aux chants des sirènes et maintiennent intacte la tension du retour. Nous le voyons, ici également notre action n’a pas été vaine.

 

*Une image corrigée

 

Cela a été long à venir, mais nous avons réussi à restaurer l’image de l’Organisation qui avait été quelque peu ternie par une propagande éhontée et mensongère du régime et de certains adversaires politiques.

 

*Une reconnaissance internationale sans conteste

 

Partout, en Europe, en Amérique du nord comme en Afrique, les F.L.A.M. sont maintenant reconnues comme l’une des organisations la plus crédible et la plus conséquente dans son opposition au régime, comme dans ses revendications.

 

*ROMPRE LE MUR DU SILENCE

 

Un de nos acquis le plus essentiel, nous semble être celui d’avoir réussi, surtout, à rompre le mur du silence qui entourait cette politique de discrimination raciale menée contre les Négro-mauritaniens , et l’esclavage en cours dans le pays. La Mauritanie est un pays secret ; nos dirigeants politiques se sont toujours évertués de tenter de soustraire à la curiosité internationale les problèmes du pays, par la dissimulation. L’une des choses que Ould TAYA n’a jamais réussi à digérer est bien que nous ayons pu diffuser «Le Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé.»à l’extérieur, au sommet de Harare, au Zimbabwe.

 

Par l’action médiatique, par une large diffusion de l’information, nous avons réussi à rompre ce mur du silence, à faire échec aux régimes dans leur tentative de circonscrire et d’étouffer les problèmes dans le but de mener en secret, leur funeste dessein. L’opinion internationale retient, désormais, dès qu’on évoque le nom de la Mauritanie, l’image d’un pays qui pratique la discrimination raciale et l’esclavage. Cette image lui colle désormais à la peau, et cela rend le colonel fou de rage. C’est tant mieux ! Bien que l’opinion internationale reste aujourd’hui largement informée de ce qui se passe en Mauritanie, il n’en demeure pas moins que beaucoup reste à faire.

 

*VIOLATIONS DES DROITS DE L´HOMME DANS LE SUD:LA NOUVELLE FORME

 

Nous pouvons sans conteste affirmer aussi que si la répression s’est atténuée dans le Sud du pays ces dernières années, ou plutôt si elle a pris de nouvelles formes moins barbares ou moins visibles, c’est bien grâce aux F..L.A.M. Sans désemparer, nous avons dénoncé en permanence les agissements du régime raciste et despotique. Gêné sur le plan international, il tente après chaque critique, de réadapter son action, de refaire peau neuve pour paraître fréquentable. Pour ce faire il essaie d’inscrire ses actes en faux, par rapport á notre discours ,dont il essaie de prendre le contre-pied en limitant la répression ou les agressions contre les Négro-mauritaniens. Ce gel provisoire de l’usage du bâton dans le Sud est à inscrire sans nul doute à l’actif des F.L.A.M.

La répression presque unilatérale à l’endroit des hommes politiques bidhan actuels, bien que répondant à une stratégie de diversion, s’inscrit également dans ce cadre là.

 

*TOLERANCE HARATIN ET « EMANCIPATION »

 

Si l’on examine la situation découlant des événements de 1986 à 1990, on ne saurait ne pas remarquer le changement apparent dans le statut des Haratin. Fidèle à sa politique du «diviser pour régner» le régime a tenté et tente encore de s’appuyer sur les Haratin en leur faisant prendre, dans tous les domaines, la place des Négro-africains. Partout on a noté le processus de remplacement des uns par les autres. Cela a abouti à la promotion de quelques fractions -Hartani dans la haute Administration, dans le souci d’apporter un démenti au discours des F.L.A.M. qui dénonce leur oppression et l’esclavage subi en tant que Noirs.

 

La tolérance de leur discours -pour les opposants -répond à la même logique. Il est peut-être utile de rappeler ici à nos compatriotes Haratin de ne pas se tromper de cible et de stratégie. L’oppression est d’abord et surtout raciale ; et que seule la suppression de la discrimination raciale les sortirait réellement de leur condition d’existence actuelle. Il ne serait pas également superflu de rappeler peut-être, que les F.L.A.M. avaient été la première Organisation á prendre en charge la question de l’esclavage, quand bon nombre des leaders Haratin actuellement en verve se taisaient, après le procès de Rosso, s’ils ne flirtaient avec le Pouvoir. Sans visée opportuniste aucune , nous avons fait nôtre la lutte pour la libération des Hratin, fidèles en cela à nos positions de principe. Si du reste cette question connaît un certain retentissement aujourd’hui, c’est bien d’abord grâce à l’action continue des F.L.A.M. sur la scène internationale.

 

*RECONNAISSANCE OBLIGEE DE PARTIS A DOMINANTE NEGRE

 

La reconnaissance légale de certains partis politiques, visiblement á dominante noire, que nous observons depuis un certain temps s’inscrit aussi dans la même logique, définie plus haut. Si le Parti pour la liberté l’égalité et la justice (P.L.E.J.), Action pour le changement (A C), et tout récemment l’Alliance pour la justice et la démocratie (A J D), ont été tolérés dans leur existence légale, c’est bien en réaction à notre discours. En d’autres temps, ils n’auraient jamais été tolérés car ils auraient été qualifiés de partis ethniques ! . Qualificatif uniquement utilisé lorsqu’il s’agit de Noirs qui se regroupent, jamais l’inverse.

 

Par leur reconnaissance légale – opérée à contre coeur? le régime cherche à déconstruire notre Discours, par des réajustements de sa politique ! Comprenant récemment qu’il était peut-être allé trop loin dans la permissivité accordée aux Noirs de s’organiser. Il vient de retirer toute existence légale à A.C., sous de fallacieux prétextes…dissoute pourtant dans les mêmes conditions et pour les mêmes raisons que L’Union des forces démocratiques (U..F.D.), qui renaît sous le sigle de Rassemblement des forces démocratiques (R.F.D.) ! La candidature orchestrée d’un Négro-africain à la Présidentielle, relève de la même démagogie et d’une stratégie de mystification destinée à la consommation extérieure.

 

*EVOLUTION DE PENSEE ET D´ATTITUDE

 

Si hier l’attitude généralement adoptée, en milieu maure, face à la Question nationale était le black-out total, on note aujourd’hui une évolution positive dans ce milieu. Evolution de pensée et d’attitude, certes encore timide, mais certaine. Chez la fraction la plus ouverte de la communauté Bidhan, on a pris conscience que les choses ne pourraient continuer de demeurer en l’état sans danger. Que des changements sont nécessaires ! A quel prix ? Sous quelles formes ? Telles demeurent les interrogations du moment. C’est du reste cette prise de conscience qui a conduit certaines formations politiques arabo-berbéres à procéder, ces dernières années, à des réaménagements tant de leur programme politique que de la composition de leur état-major.

 

Que la coordination des partis d’opposition discute aujourd’hui de la question de «l’identité» de la Mauritanie est pour nous une évolution positive. Que les concepts de «Système», de «Communauté», de «Négro-mauritaniens» bannis hier du vocabulaire soient aujourd’hui usités par la classe politique, prouve que nous sommes sur le bon chemin. Qu’on l’exprime tout haut ou qu’on le chuchote du bout des lèvres, il reste, au-delà de toute hypocrisie que la Question nationale hante tous les esprits. Le débat est dans les salons, au c?ur des états-majors politiques. Le silence autour de cette question naguère tabou est aujourd’hui rompu grâce aux F.L.A.M.

 

*ACQUIS SYMBOLIQUES

 

A côté de ces acquis politiques il y a les acquis symboliques qui sont tout aussi importants.

 

-« LE MANIFESTE DU NEGRO-MAURITANIEN OPPRIMÉ… »

 

Il s’agit d’une de nos productions essentielles. Beaucoup sont prompts à critiquer les F.L.A.M., sans avoir jamais lu pourtant ce document fondamental. «Le Manifeste du Négro-mauritanien opprimé.», sur la base de trois parties, procédait à une analyse critique répertoriée de l’état de la situation en 1986. Dans une première partie, nous démontrions, statistiques à l’appui, l’existence d’une politique discriminatoire qui frappait les Négro-africains, à tous les niveaux de la vie publique.

 

Dans une seconde partie nous indiquions que ce n’était pas le bon chemin pour construire une nation. Que cette voie comportait des risques certains pour l’avenir même du pays.

Enfin, dans la troisième partie nous esquissions des pistes de solution ; et invitions tous les Mauritaniens, sans distinguo, à s’asseoir autour d’une table pour discuter et résoudre ce problème, dans un dialogue des communautés et des cultures, dans l’intérêt de tous.

 

Tel fut le contenu réel du «Manifeste du Négro-mauritanien opprimé..». Tout le reste fut de la manipulation, tant du pouvoir que de nos adversaires politiques ! La conséquence de cette prise de position courageuse, et surtout patriote, fut la prison. Une prison terrible conçue pour tuer et non pour redresser, où beaucoup de nos camarades laisseront leur vie. Une mort douloureuse par la faim et la maladie.

Avec près de 20 ans de recul nous constatons à la lumière des données actuelles que rien n’a changé positivement. Pire, le régime s’est radicalisé dans sa politique d’épuration ethnique. Il affiche ouvertement sa volonté de faire de la Mauritanie un pays exclusivement arabe. L’alternative offerte au Noir mauritanien est soit l’abdication soit l’exil. Nous le voyons clairement. Les raisons qui nous avaient poussés à la lutte demeurent. Il n’y a donc aucune raison d’arrêter le combat.

 

-LE LIVRE BLANC DES FLAM:RADIOSCOPIE D´UN APARTHEID MECONNU

 

Cette autre publication reprend et réactualise les données du «Manifeste du Négro-mauritanien opprimé..» en y intégrant les témoignages sur les exécutions et déportations de 1989.

 

-LE MEMORANDUM

 

Autre publication toute récente des F.L.A.M. Il est tout à la fois un appel à l’unité des forces de l’opposition progressiste, et une réponse politique des F.L.A.M. à la plupart des questions qui se posent au pays, évoquées généralement sous l’appellation de Question nationale. Il s’agit de la question de l’esclavage, de la question des terres, de la question culturelle, de l’identité de la Mauritanie, de la question de cohabitation etc.

 

-LE FLAMBEAU

 

Il s’agit de l’organe de presse de l’organisation. Conçu dès 1990, il parait depuis généralement tous les trois mois. Il demeure l’outil d’encadrement, d’information et de propagande des F.L.A.M.

 

-L´EMBLEME NATIONAL (DRAPEAU)

 

Au-dessus le jaune sable qui côtoie le vert végétal en dessous, au centre le Noir et le Blanc imbriqués et unis dans une parfaite égalité.

 

-LA DEVISE

Unité // Egalité // Travail

 

Il faut l’unité pour que la Mauritanie soit. Il faut l’égalité pour qu’elle se construise, et que toutes ses composantes s’épanouissent. Il faut le Travail pour qu’elle se développe.

 

-LE SITE INTERNET

 

Il y a enfin le site, ce formidable acquis. Il constitue un cadre démocratique, ouvert au débat contradictoire sur l’ensemble des questions qui interpellent les Mauritaniens. Ce site demeure aujourd’hui le cadre et le lieu où des milliers de Mauritaniens et étrangers viennent chaque jour en quête de l’information fiable. A travers lui, le débat national – que nous avons toujours souhaité – s’est engagé avant la lettre.

 

-UNE LONGUE RESISTANCE

 

Si tout ce bénéfice a été possible aujourd’hui, c’est surtout grâce à notre capacité de résistance. 20 ans de résistance opiniâtre sans plier, sans dévier, sans être ni éclaté ni récupéré, en dépit des man?uvres et agressions de toute sorte. Les F.L.A.M. constituent sans conteste, dans l’histoire de notre pays, la force politique qui a fait montre de la résistance la plus longue et la plus constante.

 

Ces acquis essentiels, voire fondamentaux, méritent d’être consolidés et conservés.

 

-UN LOURD TRIBUT

 

Il a fallu, pour y arriver, payer un lourd tribut. Toute lutte sérieuse a un coût. Il en est de même pour la nôtre. Ces acquis ont été arrachés dans la douleur, la souffrance et la mort. Des compagnons sont tombés sur le champ d’honneur. Parmi les plus illustres : DJIGO TAPSIROU, TENE YOUSSOUF GUEYE, SOW AMADOU, BA ABDOUL GHOUDOUSS, BA ALASSANE OUMAR, TOURE ZAKARIA, SARR AMADOU, BA SEYDY, SY SAIDOU.

 

Des centaines d’autres resteront, à jamais anonymes. A la mémoire de tous ceux tombés pour les causes justes nous répéterons après d’autres, cette oraison funèbre devenue classique «Leur vie fut combattante, leur mort héroïque, leur sacrifice sacré et leur mémoire éternelle».

OBSTACLES ET ERREURS

 

En vingt ans d’existence, la marche de notre organisation fut longue et pénible. Sur le chemin parcouru, nous avons ouvert plusieurs fronts de bataille. Tout au long de notre longue marche, pas un pas ne fut fait sans qu’un obstacle n’ait été surmonté, toujours avec labeur et sacrifice, parfois non sans erreurs. Nous retiendrons ici les principaux obstacles rencontrés et quelques-unes unes des erreurs commises.

 

– Les premiers tiennent à des pesanteurs sociales : la culture de résignation, du fatalisme et de la démission, faussement attribuée à l’Islam. Nous l’avons mentionné, les dangers qui menacent la cohabitation entre Négro-africains et Arabo-berbères avaient été perçus avant l’indépendance et mis en évidence après. Mais la conscientisation autour de ces dangers présents et à venir, ainsi que la mobilisation pour y faire face exigeaient une organisation structurée, forte et omniprésente. Elle n’existait pas. Il fallut la bâtir et reprendre le flambeau de la lutte ; ensuite travailler à rendre audibles et crédibles les échos alarmants lancés plusieurs années plus tôt par nos aînés, et par nous-mêmes.

 

Ce travail de conscientisation a été et demeure, dans une large mesure, contrarié par la culture de résignation et du fatalisme des Négro-africains en général, construite autour d’un double déficit : déficit dans la prise de conscience effective du Négro-africain de toutes les dimensions de sa citoyenneté, encore très marqué ; et quand cette conscience est acquise, se pose le déficit dans sa volonté de l’assumer jusqu’au bout.

 

De facto, le Négro-africain se positionne par rapport à l’Etat et à l’exercice du pouvoir, plus comme citoyen électeur que comme citoyen éligible. Il a le devoir d’élire, pas le droit d’être élu, dans les faits, pour exercer la charge suprême de l’Etat. C’est à peine s’il ne se considère pas comme étranger ! Cette psychologie intériorisée, (heureusement entrain de changer ), de citoyen électeur mais non éligible à la tête de l’Etat, le Système a réussi à l?imposer aux Négro-africains. Et dans une large mesure, un bon nombre s’y résigne encore. Ainsi sommes-nous confrontés à un double défi : celui d’identifier (sans cesse) et de faire admettre le racisme d’Etat que nourrit l’ethnocentrisme comme réalité politique permanente en Mauritanie ; ensuite, celui de briser la culture de résignation et du fatalisme accentuée par les effets traumatiques de la terrible répression des années 86 -91.

 

Dès le départ, il nous fallut donc faire face sur plusieurs fronts : Ce type de mentalité qui structure le milieu négro-africain, et a la théorie ambiante, fumeuse du Mouvement national démocratique (M..N.D), entre autres qui a contribué à retarder la prise de conscience véritable du problème.

 

-1-LE P.K.M-M.N.D.(actuel U.F.P)

 

– Organisation d’obédience marxiste-léniniste, le M.N.D., qui fut notre principal contradicteur – qui ne manquait pas de nous considérer comme l’ennemi à abattre- a toujours utilisé la grille de lecture marxiste pour interpréter les questions sociales et politiques du pays. L’identification et la hiérarchisation des problèmes de la Mauritanie, leurs causes, les stratégies pour les résoudre, bref sur bien des aspects, nos divergences avec le M.N.D. ont été et demeurent.

 

La cohabitation entre Arabo-berbères et Négro-africains – ou la question nationale – est identifiée par le M.N.D. comme un problème secondaire devant trouver sa solution dans le cadre de la lutte entre les classes opprimées et les classes dominantes. La référence de base, ici, c’est la classe, dans son acception marxiste. Tout se noue et se dénoue à l’intérieur de la classe et dans les relations conflictuelles ou de solidarité entre les classes. Pour le M.N.D., le racisme d’Etat n’existe pas en Mauritanie. Il y a tout au plus du chauvinisme.

 

De notre point de vue, le Système discriminatoire à base raciste est une donnée objective qui gouverne la vie nationale. Et cette réalité, par ses effets pervers, rend inopérante la notion de classes sociales. Elle consacre la primauté de l’appartenance communautaire, ethnique et tribale sur l’appartenance à telle ou telle classe.

 

C’est pourquoi nous avons toujours estimé que la question de la cohabitation doit être résolue correctement et en priorité sous peine de mettre en péril l’existence même du pays. Pendant plusieurs années, l’impact de nos analyses et de notre discours politique fut édulcoré et contrebalancé par la vision du M.N.D.. Le cours des choses finira par nous donner raison ; Les événements survenus entre 1986 et 1991, provoqués par l’acuité de la discrimination raciale, consacrèrent douloureusement la justesse de nos analyses et de notre perception des réalités du pays.

 

2-Le Régime de Taya

 

Nous l’avons précisé, notre engagement contre le racisme d’Etat et pour une Mauritanie égalitaire, nous l’avons payé très cher. A peine née, notre organisation eut à faire face, sans y avoir été suffisamment préparée, à la terrible répression consécutive à la publication en 1986, du «Manifeste du Négro-mauritanien opprimé.».

 

Pendant que les cadres et responsables de l’organisation étaient arrêtés et emprisonnés, les militants qui étaient parvenus à passer entre les mailles du filet de la police politique furent contraints à s’exiler. Ainsi, le front intérieur fut quasiment dégarni avant même que le travail d’implantation, d’organisation et d’encadrement n’ait pu porter ses fruits. C’est, livrés à eux-mêmes, presque sans organisation ni encadrement, que les Négro-africains subiront la répression raciste et les violations massives des droits humains en 1986, et 1991. Notre quasi-absence du front intérieur a constitué un handicap à l’essor de notre action en termes d’influences politique, d’organisation et d’encadrement des populations.

 

3-L´environnement international et sous régional

 

Le développement des moyens de communication à l’échelle planétaire et l’émergence d’une tendance mondiale à la construction d’ensembles politico-économiques au niveau continental, régional et sous régional instaurent entre les pays des relations de proximité et d’interdépendance. Cette dimension d’interdépendance fait que la réalisation de tout projet économique majeur ou la solution de toute crise exigent l’implication des pays à l’échelle considérée : continent, région ou sous région. Les cas de l’Irak en 1991 et aujourd’hui du Kosovo, du terrorisme international et de la Côte d’Ivoire en constituent l’illustration.

 

Dans ce contexte, le positionnement des Etats et leur approche dans le traitement des dossiers obéissent de plus en plus à des considérations d’ordre géostratégiques et économiques propres. C’est sur la base des ces considérations que nous abordons quelques données sous régionales au regard des crises engendrées par le racisme d’Etat en Mauritanie.

 

Des liens tissés par l’histoire et la géographie nous unissent à chacun des quatre pays qui nous entourent : Algérie, Maroc, Sénégal, Mali. En plus de la coopération bilatérale, la Mauritanie est liée au Maroc et à l’Algérie par des accords dans le cadre de l’Union du Maghreb arabe (U.M.A).

Avec le Sénégal et le Mali, elle coopère dans le cadre de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (O.MV.S.).

 

Par le fait de l’histoire, de la géographie et de ces accords, il y a convergence d’intérêts économiques et affectifs entre ces quatre pays. Etant entendu que les intérêts des Etats ne coïncident pas toujours avec ceux des populations. En plus, ces quatre pays présentent un dénominateur commun, à des degrés divers et en des termes différents : tous font face à un problème identitaire ; islamisme et problème kabyle en Algérie, question sahraouie au Maroc, problème des Touaregs au Mali, problème de la Casamance au Sénégal, racisme d’Etat et problème négro-africain en Mauritanie.

 

Auprès des Etats qui forment l’environnement sous régional auquel la Mauritanie appartient, notamment le Sénégal et le Mali, nous pouvons obtenir écoute, compréhension, soutien et solidarité. Mais fondamentalement, au-delà de leurs différences en termes d’avancées démocratiques, de développement, de respect des droits de l’homme, ces Etats percevront toujours notre combat contre la discrimination raciale dont nous sommes victimes, à partir de leurs intérêts géostratégiques et économiques propres.

 

Cette réalité géopolitique constitue, en l’état actuel des choses, plus un obstacle qu’un atout. Il nous appartiendra de définir vis avis de chacun de ces Etats les stratégies et tactiques adaptées pour renverser cette tendance. Autre obstacle, non moins important : les pesanteurs internes inhérentes à toute organisation en lutte. Celles-ci sont encore vivaces.

 

-Erreurs de parcours

 

– Cette marche, ne fut pas sans erreurs, nous l’avons déjà dit.

 

*En matière d´organisation

En 1986, L’organisation fut, comme une bonne partie de l’opinion, surprise par le caractère répressif du régime, dissimulé sous les dehors débonnaires et prometteurs du «12/12». Ce qui eut pour conséquence d’endormir notre vigilance pour mettre en ?uvre une politique rigoureuse en matière d’organisation. Une telle politique, aurait conféré à notre organisation une aptitude à travailler dans un contexte de légalité, comme dans la clandestinité, ce qui aurait préservé l’essentiel de ses structures et de ses cadres lors de la répression de 1986. Cette défaillance, induite par un manque d’anticipation sur les arrestations de 1986, eut des conséquences lourdes et durables sur notre organisation.

 

*En matiére de communication

 

Là également il y eut des erreurs.

 

-Le concept « SYSTEME BEYDAN »

 

L’introduction du concept «Système Beydan » dans notre discours politique a suscité beaucoup de polémique. Cela nous a valu des invectives de tous ordres, la foudre de nos adversaires, et suscité l’indignation chez d’autres. En vérité, par «Système Beydan» nous entendions un certain nombre de mécanismes dont l’action conjuguée vise à l’exclusion du Noir mauritanien de toute la vie publique en consacrant l’hégémonie politique, économique et culturelle des Arabo-berbères. Avec ce système, l’Etat a cessé d’être au service de tous. En ce sens, il est l’équivalent du concept «racisme d’Etat».

 

Or, les divergences que nous notons autour du concept «racisme d’Etat» portent moins sur la formulation du concept lui-même que sur la réalité des faits qu’il recouvre. Sur le plan intellectuel, le «racisme d’Etat» en tant que concept est admis et non repoussé. Pourquoi en est-il autrement du concept «Système Beydan» ? Pourquoi subit-il un traitement différent de celui réservé au concept «racisme d’Etat» ?

 

Cette différence de traitement tient à notre avis à plusieurs choses : la contiguïté des termes «système» et «Beydan» entraînent une polysémie. Le fait que le terme «Beydan» soit accolé à celui de «système» a pu laisser penser, pour certaines personnes de bonne foi, que c’était tous les Beydan (ou Arabo-berbères ) qui étaient, en tant que groupe ethnique, incriminés. Une manière de comprendre complètement erronée, car comme disait Angela DAVIS qui évoquait la problématique de la lutte des Africains-Américains «dès lors que le peuple blanc est, sans discrimination, considéré comme l’ennemi, il est virtuellement impossible de mettre en place une solution politique».

 

Ce qui est incriminé, c’est le système raciste, c’est l’Etat raciste et non les Beydan (ou Arabo-berbères) en tant que communauté, même si ce sont des éléments issus de cette communauté qui contrôlent l’Etat, maintiennent et perpétuent son caractère raciste. Même si tous bénéficient, volontairement ou involontairement de ses retombées, ne serait ce que par la valorisation de leur langue, de leur culture, de leur histoire etc.Il s’y ajoute les manipulations politiciennes de nos adversaires peu honnêtes pour rajouter à la confusion.

 

Enfin, il fallait à chaque occasion l’expliquer comme dans une position défensive ! . Un concept qu’il fallait expliquer tout temps, qui ne rendait pas clairement, sans ambiguïté aucune, le contenu que nous lui logions, ne semble manifestement pas opératoire. Voilà pourquoi nous y avons volontairement renoncé. Si donc sur le fond, nous n’avons rien à concéder par rapport au concept. Sur la forme toutefois, dans la formulation, nous reconnaissons que nous avons pêché par manque de rigueur. Par souci pédagogique et pour une meilleure lisibilité de notre discours politique, nous nous sommes volontairement censurés en suspendant de notre discours politique l’usage de ce concept.

C’est cette erreur de communication – et elle seule – qui justifie notre autocritique par rapport au concept «Système Beydan». Cette erreur a consisté à avoir défini et employé un concept nouveau dans notre registre, sans en avoir mesuré tous les contours.

 

Erreur, également concernant la lutte armée, tentée entre 1989 et 1990.

*A PROPOS DE LA LUTTE ARMEE

-Notre position de principe

 

Nous pensons que face à un régime raciste et répressif, et en l’absence de toute perspective d’alternance à la tête de l’Etat, de compétitions électorales transparentes, libres et démocratiques, une organisation sérieuse, comme la nôtre, ne doit pas écarter systématiquement le recours à la lutte armée.

 

La lutte armée, du reste, est rarement le résultat d’un choix politique. Elle est plutôt la résultante de la maturation de facteurs internes (surdéterminants ), en conjonction avec certains facteurs externes Sans verser dans l’apologie de la lutte armée ou de quelque autre forme de violence que ce soit , on peut cependant se demander si face à la tyrannie et au despotisme et devant l’impossible alternance politique, elle ne constitue pas l’ultime et légitime recours. Il ne faudrait pas non plus verser dans l’angélisme, Il est question de se donner la liberté et les moyens de pouvoir tenir le seul langage que les régimes racistes et répressifs comprennent, dès lors qu’auront été épuisées toutes les ressources pour une solution pacifique au problème vital de la Mauritanie : la cohabitation entre Arabo-berbères et Négro-africains.

Sur ce point également, notre erreur a été dans la proclamation publique de la lutte armée. On ne dit pas la révolution, comme la guerre, on la fait, disait quelqu’un. Par ailleurs le contexte ayant présidé à son choix, qui était un contexte passionnel, dans le feu des déportations et exécutions ; une forte dose émotionnelle ayant embué les esprits, gênant la lucidité requise en pareille circonstance, pour évaluer froidement les moyens, tous les moyens humains, matériels et techniques, données géostratégiques et géopolitiques pour une telle entreprise.

 

Nous avons omis d’intégrer la position – et le sens de son évolution – des Etats et des populations de la sous région, notamment le Mali et le Sénégal où se trouvaient des milliers de déportés. Bref nous n’avions pas pris suffisamment la juste mesure des choses.

 

Et quand elle fut gelée, sans large explication, cela ajouta à la confusion. C’est donc tout naturellement que son gel déclaré fut perçu par bon nombre de militants et sympathisants comme un abandon pur et simple de la lutte contre le racisme d’Etat, entraînant des frustrations.

 

Ce fut là aussi une erreur de communication.

Nous venons de survoler quelques-uns des obstacles et erreurs qui ont jalonné notre longue marche.

Pour surmonter ces obstacles et éviter la répétition des erreurs commises, il faut plus que des convictions ancrées. Pour venir à bout d’un système raciste et tenace dont les tenants ne reculent devant rien pour écraser leurs adversaires et perpétuer leur domination, il faut ?uvrer à tous les niveaux pour rendre notre organisation plus forte, plus structurée, plus présente sur tous les fronts. En même temps, nous devons résolument intégrer la dimension pédagogique dans notre action politique pour la rendre facilement lisible. Pour cela, il faut remettre à l’honneur l’information, l’explication, et la cohérence entre notre discours politique et notre pratique de tous les jours.

 

PERSPECTIVES ET/CONCLUSION

 

Les problèmes auxquels la Mauritanie fait face sont nombreux et variés. Problèmes économiques : exploitation rationnelle de nos ressources et leur redistribution équitable, pauvreté, détournements et inégalités sociales de toutes sortes. En plus des problèmes liés à notre statut de pays sous-développé, nous sommes confrontés à une absence de démocratie, à l’accentuation du tribalisme, à l’esclavage. De tous ces problèmes, le problème de la cohabitation entre Arabo-berbères et Négro-africains est celui qui exige le plus une solution urgente et correcte. Ce sont les faits et non une construction de l’esprit qui font de la cohabitation le problème numéro un à résoudre.

A plusieurs reprises, dans la vie nationale, des crises liées à cette cohabitation ont conduit le pays au bord du chaos : 1966, 1989, 1990 et 1991. Les conséquences de ces crises sont toujours là : des milliers de déportés, des centaines de veuves et d’orphelins produits par les violations des droits humains. Ces faits interpellent chaque jour, chaque Mauritanien.

C’est pourquoi nous invitons solennellement tous les Mauritaniens sans exclusive à prendre leurs responsabilités historiques avec courage pour faire face avec sérénité et détermination à la question nationale afin de lui trouver une solution juste et durable. Enrichissons-nous des enseignements que nous offre la scène internationale. Partout où le problème identitaire a été mal géré, nous avons observé des tragédies avec des risques de partition des pays concernés. Les événements tragiques que vit aujourd’hui la Côte d’Ivoire en sont une illustration. Là aussi, on retrouve à l’arrière plan la question identitaire, parmi tant d’autres, comme facteur déclencheur de la crise. Pour notre part, nous réitérons aujourd’hui, ce que nous avons préconisé depuis 1986 : notre disponibilité à engager de larges consultations avec tous les Mauritaniens pour définir les grandes lignes pouvant conduire à une solution correcte et durable de la question nationale.

En direction de l’opposition, nous renouvelons notre appel pour la construction d’un vaste front de l’opposition combative afin de hâter l’alternance politique. Etant entendu que pour nous, l’alternance politique doit rendre possible une solution juste et durable de la question nationale et une éradication de l’esclavage.

En direction des Négro-africains, nous disons : le combat pour l’éradication du racisme d’Etat et l’avènement d’une Mauritanie où le Négro-africain et l’Arabo-berbère auront les mêmes droits et les mêmes devoirs, les mêmes chances d’épanouissement, ce combat est le vôtre. Personne ne le fera à votre place. Il faut se persuader que les personnes qui luttent pour leur liberté vaincront quel que soit le terrain sur lequel elles se battent, et ce malgré la disproportion des rapports de forces.

 

A la jeunesse négro-africaine, nous disons : que la dignité n’a pas de prix. Ce combat contre l’injustice et l’oppression raciale, c’est surtout le vôtre, car c’est vous et vos enfants qui serez les premiers bénéficiaires. Dans bien des domaines, vous avez fait vos preuves. En matière de lutte contre le régime et le racisme d’Etat sous toutes les formes, vous devez faire davantage.

 

En vingt ans, nous avons accompli une longue marche. Plusieurs étapes et épreuves encore plus difficiles nous attendent. A l’heure où nous sommes devenus une force politique incontournable, nous appelons tous nos militants et sympathisants à plus de vigilance, plus de détermination, plus de discipline.

Vigilance : pour déjouer toutes les man?uvres, toutes les tentations et les tentatives de diversion et de récupération politique.

Détermination : il n’en faudra jamais assez pour venir à bout des obstacles et épreuves qui se dresseront sur notre chemin.

Discipline : Discipline dans la conception, discipline dans l’action parce que sans elle rien ne peut se faire dans la durée.

 

Nous sommes entrés dans l’histoire par la grande porte, veillons à ne pas en sortir par la petite.

 

La lutte continue!

 

Les Forces de libération africaines de Mauritanie (F.L.A.M.)- 14 MARS 2003.