La vie des militaires négro mauritaniens

La Mauritanie accède à l’indépendance le 28 novembre 1960; son armée est le produit du transfert des militaires de l’armée coloniale issus des effectifs de l’AOF.
Depuis 1960 ces cadres étaient formés dans les grandes écoles Françaises et Africaines jusqu’a 1976 date de l’ouverture de l’école militaire interarmes d’Atar. Héritage de l’armée coloniale, ses statuts, son règlement sa discipline étaient de rigueur et ne souffraient pas de différences ethniques, raciales ou tribales. Les fonctions de commandements et de responsabilités étaient attribuées selon la compétence, le mérite. C’est ainsi que des cadres noirs ont occupé d’importants postes dans la hiérarchie militaire. Servir avec loyauté et dévouement était la devise.

De 1975 à 1978

C’était le début de la guerre contre le Polisario en vue de récupérer le Sahara occidental ancienne colonie Espagnole.
Toutes les forces terre, air, mer étaient engagées dans la bataille.
le 7 décembre 1975 au tout premier accrochage à Inal, les premières victimes étaient des noirs. Il s’agit en l’occurrence du feu maréchal des logis-chef Sy Abdoulaye, du gendarme de 2° échelon Diacko Ibrahima et du gendarme de 2° échelon Mouhamed O/ Mouhamed Saleck, haratine de Timbedra. Donc à Inal les premiers martyrs de la cause nationale sont tombés, et Inal plus tard deviendra comme par hasard historiquement et éternellement l’enfer de ces héros qui jadis, s’étaient attelés à sa défense et à sa souveraineté.

Ces hommes qui se sont farouchement battus avec courage et sacrifice pour la défense de la patrie, l’intégrité nationale dont ils sont en dernier ressort les seuls garants, la sécurité de peuple dont ils étaient la seule fierté, les sauveurs. Chaque jour qui passe, les noirs se massaient aux portes des différents états -major pour s’engager volontairement dans l’armée. Les formations se succèdent et chaque deux ou trois mois un contingent de combattant sortait et demandait expressément à faire ses preuves en servant dans la zone nord où se déroulaient les combats, malgré les nouvelles alarmantes faisant état de plusieurs morts blessés ou disparus.

Cet esprit de patriotisme, cette fierté, cette volonté et cet orgueil dont le seul but est d’honorer un pays dont on est si fier, le protéger contre toutes formes d’agressions intérieures et extérieures. Ce rôle déterminant joué par les noirs pendant la guerre sans lesquels nos troupes subiraient des revers et d’écrasantes défaites, ont payé un lourd tribut de leur engagement sincère et patriotique. Leur seule récompense, leur plus grande médaille d’honneur et leur distinction en fin de guerre, c’est l’épuration ethnique.
Le 10 juillet 1978 le colonel Moustapha O/ Saleck organise un coup d’état sans effusion de sang et met fin à la guerre.

De 1985 à 1987

Les cadres formés à l’Emia étaient en majorité des Noirs. Dans chaque brigade de trente élèves au moins vingt étaient noirs. Le racisme commençait à se faire sentir à l’échelon du commandement car, les sanctions devenaient arbitraires, les désignations de stages et de formations n’étaient plus réservées qu’aux seuls maures blancs au détriment de leurs promotionnaires noirs, les responsabilités sont désormais une affaire de race, de tribu ou d’ethnies. Peu à peu le remplacement systématique des negros devenait une priorité. Les relèves par secteur s’opèreraient sans tenir compte ni du règlement ni du grade ni de la compétence mais, au nom de l’exclusion ethnique qui petit à petit fait son bout de chemin et devient le lot quotidien des militaires noirs.

L’arabisation à outrance vient combler le déficit des effectifs Beydanes. Il a été imposé des formations d’officiers arabophones, sur cinquante élèves de chaque promotion figuraient au plus deux noirs. Les incidents entre les deux camps se multipliaient et prenaient de l’ampleur. L’isolement des noirs sur l’échiquier militaire se réalisait par petites étapes. Très vite, les noirs ont compris leur sort, la discrimination raciale et culturelle était la seule issue que désormais l’avenir leur réservait.

Prendre les devants était une urgence pour sauver la situation, par des contacts discrets périodiques entre cadres noirs, pour adopter une position d’ensemble, prendre une décision pour répliquer aux offensive et déjouer tous les plans des nuisances et d’exclusion des noirs.
Cette situation entraine un mécontentement général au sein de la troupe, qui se propose d’opérer une action d’éclat pour réinstaurer sa dignité, son honneur et rétablir la légitimité, la légalité et la justice dont ce pays a tant besoin. Dans cette mouvance, une tentative de coup d’état sans début de commencement a couté la vie à trois de nos compagnons d’armes exécutés le 6 décembre 1987 à l’aube dans la prison de Jereida. Nous n’oublierons jamais, Sarr Amadou,Ba Seydi et Sy Saidou.

D’autres ayant écopés des peines de 10 ans, à la perpétuité, furent transférés dans les geôles de Oualata, où seront décédés quelques mois plus tard, le lieutenant Ba Abdoul Khoudouss et l’adjudant-chef Ba Alassane Oumar sans oublier nos vaillants dirigeants Djigo Tafssirou et Tene Youssouf Gueye morts dans les mêmes conditions, détentions horribles et inhumaines.
Nous n’oublierons jamais.

Et pourtant en 1982 le colonel Moustapha O/ Saleck récidive et tente un 2° coup d’état avec échec, il a été simplement arrêté avec ses complices dont l’ancien premier ministre Bneïjara jugés et condamnés à une légère peine de prison.
En 1981 les bassistes organisent une tentative de coup d’état et échouent, à leur tête l’ex-lieutenant O/ Said a été simplement rayé des contrôles de l’armée.
Le 16 mars 1981 le colonel Kader débarque à la tête d’un commando à l’état-major faisant des victimes civiles et militaires.

Exécution capitale des quatre officiers membres du commando.
Récemment, le 8 juin 2003 des nationalistes arabes organisent un complot contre la sureté de l’état avec mort d’hommes, et ne sont pas encore jugés contrairement à la justice expéditive contre les négro-Mauritaniens Entre 1990 et 1991, 513 noirs ont été massacrés parce qu’ils sont noirs (militaires et paramilitaires).
De Oualata à Inal les traitements et conditions de détention étaient similaires. Les geôliers traitaient leurs prisonniers comme des animaux. Certains rescapés parmi nous ici que je remercie au passage, ont témoignés par écrit dès leur sortie de prison:

-Sy Mamadou par son livre L’enfer d’Inal

-Boye Alassane J’étais à Oualata – le racisme d´Etat en Mauritanie.

Et d’autres témoignages par cassette audio.

Le plan du premier président Moctar O/ Daddah pour bâtir une Mauritanie blanche au début de l’indépendance et imposer l’arabe comme langue officielle, a été parachevé par le sanguinaire Moawiya et ses complices dans une politique d’exclusion de torture et exécutions extra-judiciaires.

Le 29 mai 1993 une loi d’amnistie a été votée en faveur de tous les militaires et paramilitaires impliqués dans les massacres de 1990-91.
Décision très arbitraire.
Pour une armée crédible qui inspire confiance, pour que l’armée retrouve un nouveau visage, sans esprit de vengeance, il faut que tous les gens impliqués de près ou de loin dans les massacres de Moawiya soient identifiés et punis.

Yall Abdoulaye

ancien officier de l´armée mauritanienne

MLJ le 29 mai 2004

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