A ZEREÏDA nous étions plus de 800 détenus tout grade confondu. Pour la rigueur de l’enquête, les officiers faisaient quartier à part. Ils étaient répartis dans plusieurs cellules éparpillées dans la base. Quant aux sous-officiers et soldats, ils croupissaient dans la misère enfermés dans 4 salles transformées en forteresse.
Tous vivaient dans un milieu de souffrance et de douleur ; mais aussi de rages désespérées avec l’incurable tristesse d’une âme domestiquée. La force et la bassesse, élément puissant et déterminant du régime de TAYA voulant à tout prix nous persécuter, avait réussi à nous transformer en esclaves nus, imprégnés d’odeurs nauséabondes. Chaque coucher du soleil laissait planer sur nous la tragédie de l’être humain.
Quand la nuit indésirable finissait par vaincre le jour, Quand l’ombre croît et la lumière fuit, Quand tout s’efface et meurt sous la rigueur de Dieu, Les escadrons de la mort, aveugles et insaisissables s’abattaient sur nous sans défense Aucune. Nous étions victime de notre race, facteur fort et dominant aux temps barbares qui est la vraie raison de notre extermination.
Nous sortions par vagues de vingt, trente, dés fois plus, victimes de la terreur et de la haine de cet ennemi qui dévore la vie. Le site central était notre abattoir, nous en étions très conscients et pourtant ils nous y menaient la corde au cou. Nous devions tous répondre à des accusations grotesques et exagérées : Il fallait les accepter toutes pour sauver sa vie, ou les réfuter toutes pour se faire accepter par la mort. C’étaient un poignant dilemme dans lequel, il fallait un grand effort pour ressaisir son intelligence et surtout surpasser son imagination pour mieux comprendre.
Que faut-il faire ? Faut-il s’accuser ? Ou faut-il récuser ?
L’un capitule, dans l’immense désespoir d’une culpabilité imposée mais non établit L’autre, par le sens élevé des lois de la raison et du devoir se laisse entraîner dans les gouffres où triomphent les sévices. Plus la nuit avançait, plus le Sit se transformait en un lac de sang, sous un grand tas de cadavres.
Nul sanglot, nul soupir n’ont altéré leur geste cruel et barbare.
Ils doivent impitoyablement exécuter les ordres de leur chef suprême :
Un démon qui puise son plaisir dans la souffrance des autres.
Tous ces tueurs sélectionnés, excellaient dans la torture :
L’extrême violence de la barbarie humaine, domaine de cruauté dans lequel ZEREÏDA rivalisait avec INAL.
C’était la mise à la mort dans des ateliers avec leurs bancs d’essais funestes où régnait le mal absolu. Ils étaient perfectionnés par des êtres aux âmes sales et sans vertus, dont le mental est détraqué par l’obscurantisme d’une propagande véhémente, entretenue et fortifiée par un pouvoir raciste et inhumain.
Par leur folie meurtrière, ils inventèrent les puits de l’enfer : le naar-jahannama. C’étaient des brasiers, des oasis d’horreur dans lesquels cet essaim d’ennemis faisait plonger certains parmis nous jusque dans les sombres abîmes de l’incandescence.
Ainsi, chaque nuit des torches vivantes se consumaient, se réduisaient puis se transformaient en une boule noirâtre avant de disparaître dans les ténèbres de l’oubli. Cependant nous, nous ne pourrons jamais oublier. Dès fois, la révolte s’emparait de leur cœur meurtri, et certains « esclaves » se défendaient héroïquement face aux tortionnaires. Pour leurs actes osés, ils seront identifiés, puis enfermés dans des cellules isolées avant d’être confronté de nouveau à une mort certaine.
Mais qu’importe la voie par laquelle ils vont hélas quitter la vie, ils ont appris de par leur métier à faire face à l’ennemie de tout bord. Ils se défendront bec et ongle pour briser les chaînes de la captivité. Cependant, sans le savoir des commandos fusiliers marins, masqués de turbans pour ne pas être reconnus, les attendaient la nuit venue au fameux Sit du corps à corps.
C’était aussi un autre atelier conçu pour éliminer tout ce qu’il y a de plus beau sur cette terre : Une vie ! Oui une âme innocente.
Ce combat était irrégulier à armes jamais égalées. Nos hommes n’avaient que leurs mains nues et leur courage intarissable pour se défendre. Quant aux tueurs, ils étaient armés de fusils : Leurs baïonnettes tranchantes et pointues, comme les aiguilles d’une machine à coudre, passèrent et repassèrent dans ses corps laciniés et troués jusqu’aux entrailles.
Pourtant, nos valeureux hommes ont serré dans leur cœur et gardé dans leur esprit l’attachement à la vie. Mais hélas ! les bourreaux étaient plus nombreux et mieux armés. Assoiffés de sang ces vampires voulaient savourer leurs hideuses délices jusqu’au bruit du fer percutant la chair. Mon Dieu ! Ils étaient féroces comme des corbeaux affamés qui voulaient désosser à coup de bec leurs proies.
Rien ne pouvait arrêter leurs gestes fous et sanguinaires. Avec leurs poignards destructeurs, les uns plus ahurissants que les autres, ils percèrent, repercèrent et transpercèrent Ces corps comme des piocheurs qui fouillent un champs. Ni les cris de détresse, ni les hurlements épouvantables n’ont suffit à repousser ces assaillants acharnés. Ainsi, les hoquets de l’agonie dans des menteurs morbides d’une nuit ténébreuse et macabre se perdirent à jamais.
Les âmes s’envolèrent, et les éventrés de ces militaires tués depuis les premiers assauts, intestins et organes entrelacés, sexes coupés et plantés dans leurs bouches ensanglantées, attendaient sur le sol souillé les ramasseurs de cadavres.
Par ce dernier geste inutile et débile, ils venaient de déposer leur marque d’horreur sur chaque homme qu’ils avaient assassiné. Ainsi, la mort éteignit tout en eux, jusqu’à ce courage par lequel ils l’ont héroïquement Affrontée. Ils seront tous jetés dans un charnier immonde, les uns sur les autres, et n’auront droit Ni à un linceul, ni une prière funèbre.
Quand la nuit, seule complice meurtrière des crimes de la soldatesque de TAYA se fait dissiper par les lueurs d’une aurore frileuse, ces monstres répugnants retournèrent à leur cantonnement tout en nous disant clairement, qu’une nuit succède toujours à une autre. Nos destins ténébreux étaient hélas entre les mains de nos cruels ennemis que rien ne déconcerte et que rien n’attendrit, même pas le lahilaha illalah de quelqu’un qui rend son âme A Dieu.
Certes, les atrocités que nous avions vécues à ZEREÏDA furent effroyables. Nul ne saurait les décrire dans leur totalité, car nul n’aurait également trouvé les termes de comparaisons. Ainsi on avait tout perdu : notre honneur militaire, notre dignité humaine même nos noms de personne. Cependant nos cœurs soumis avaient toujours résisté à la résignation.
Lieutenant Abderahmane Demba DIALLO