Nous parlons de l’armée pour deux raisons. Dans le présent, elle détient le pouvoir. Dans l’avenir, elle jouera un rôle déterminant pour l’issue du conflit racial.  La guerre du Sahara a contribué à lui donner la place qu’elle occupe actuellement. Le coup d’Etat du 10 juillet 1978, en la propulsant sur le devant de la scène politique du pays, a fait d’elle la première force politique avec laquelle il faut désormais composer. Évidemment, il ne faudrait pas entendre « force politique » dans le sens classique du terme, avec une organisation cohérente, avec un programme économique, une idéologie auxquels se réfèrent ses membres.

 

L’armée mauritanienne n’a rien de tout cela. Nous l’appelons « force politique » parce qu’elle contrôle le pouvoir par le moyen des armes. Autrement, elle n’a ni cette cohésion, ni cette solidarité entre membres qui font la force d’un parti politique. En son sein, ses membres raisonnent en Noirs et Beydanes.

Du fait de sa double vocation (militaire revalorisée par la guerre du Sahara, politique par le pouvoir qu’elle contrôle), l’armée mauritanienne est devenue à partir de 1979 à la fois un débouché et un enjeu politique que se disputent les lobbies tribus beidanes. Evidemment les officiers noirs, lessivés de toute ambition politique se contentent d’être les commis des uns et des autres lobbies beydanes, en échange de cadeaux distribués sous forme de postes ministériels ou de directions de sociétés d’Etat. Le carriérisme leur fait oublier leur appartenance à une communauté raciale que leurs maîtres politiques oppriment. Ils ne se soucient même pas de défendre leur dignité souvent bafouée. Et pourtant, leurs maîtres, logiques avec eux-mêmes, n’hésitent jamais à défendre les intérêts de leur communauté en général, ceux de leurs tribus respectives en particulier.

L’armée mauritanienne n’échappe donc pas elle aussi aux contradictions antagonistes culturelles qui divisent le pays en deux camps raciaux. D’ailleurs, elle ne peut y échapper dans la mesure où les régimes beydanes qui se sont succédé depuis 1960 n’ont jamais cultivé l’esprit de solidarité nationale transcendant par-là les intérêts particularistes des deux communautés raciales. Par les propos qu’il a tenus dans l’interview qu’il a accordée à Jeune Afrique, Maouiya a prouvé qu’il était un produit de cette politique.

Après l’indépendance, pour éviter que feu le commandant Diallo, l’officier mauritanien le plus gradé à l’époque, ne devienne Chef d’Etat-Major de la jeune armée, O/ Daddah et ses conseillers militaires français recrutèrent des jeunes instituteurs beydanes (Mbarek, Cheikh O/ Beyda, Housseyn et Salek) qui furent envoyés en formation militaire accélérée en France. A leur retour, Diallo fut écarté et Mbarek nommé Chef d’Etat-Major.

Feu le colonel Yall Abdoulaye fut le premier Noir à assumer les fonctions de Chef d’Etat-Major de l’armée mauritanienne, après 25 ans d’existence.

Evidemment, l’Etat beydane ne choisit pas n’importe lequel des officiers noirs pour occuper ce poste ou celui d’adjoint. Il choisit parmi ceux-ci les marionnettes sans aucune ambition politique, et qui servent comme éléments d’équilibre ou éléments régulateurs entre les lobbies politiques beydanes pro (Maroc, Algérie, Libye, Irak) qui se disputent le pouvoir.
Comme partout ailleurs, la beydanisation sévit aussi au sein de cette armée. Elle est comparable à celle qui est pratiquée dans l’Education et l’économie.

– En 1984, sur les 18 officiers de gendarmerie qui furent recrutés, un seul était noir. A la garde, sur les douze, il n’y avait qu’un Noir.
– En 1985 (examen de juillet)
– sur 59 officiers admis, cinq seulement étaient des Noirs, soit 8,47 %,
– sur 98 sous-officiers, les Noirs étaient au nombre de 23, soit 23,46 %.
L’Etat-Major réserve 50 % des places aux arabisants (Beydanes). On crée toutes les difficultés aux Noirs arabisants (pourtant souvent plus compétents) parce qu’une certaine mentalité admet difficilement qu’un Noir maîtrise la langue arabe mieux qu’un Beydane !! Le français et l’anglais ne sont plus l’apanage des peuples qui les ont créés. La moitié restante est répartie en 25 % pour les bilingues (encore les Beydanes) et 25 % pour les Francisants. Dans ce dernier quart, le pourcentage des Noirs se situe entre 15 et 20 % selon les années.

L’autre facteur de blocage se situe au niveau de la correction qui est faite presque exclusivement par des militaires et civils beydanes, français, tunisiens et palestiniens. Le lieutenant-colonel Boukhreiss est allé encore plus loin dans ce malthusianisme lorsqu’il était directeur de l’Ecole Interarmes d’Atar. Aux examens d’entrée et de sortie, le coefficient en arabe était 2. Désormais, pour la sortie, il a relevé le coefficient à 8. Pour cette école militaire, il ne faut plus compter sur sa compétence technique pour réussir, mais bien sur la connaissance d’une langue !

L’Algérie et l’Irak sont les pays arabes de formation où les élèves officiers et sous-officiers noirs souffrent le plus. Dans les académies militaires de ces deux pays arabes, on multiplie les blocages (humiliation, vexation, racisme, etc) pour les amener à démissionner et à demander leur rapatriement

 

Répartition raciale des grades : officiers supérieurs et subalternes Grades COLONELS LT-COLONELS COMMANDANTS CAPITAINES TOTAL
Noirs 1 3 3 16 24
Beydanes 5 5 12 34 66
% des Noirs 28,5 % 37,5 % 21,42 % 31,37 % 30 %

 

Dans la distribution des postes de responsabilité, on retrouve les mêmes pratiques discriminatoires :
Sur les quinze commandements [Etat-major National, Etat-Major Gendarmerie, Garde Nationale, Régions militaires (6), secteurs autonomes (2), génie militaire, Garim, Marine, EMIA], quatre seulement sont actuellement dirigés par des Noirs

La conséquence de cette politique concertée est la diminution progressive du nombre des cadres noirs au sein de l’Armée. Certes, ce désavantage pourrait être compensé par un certain dynamisme des rescapés de ce malthusianisme. Mais, tel n’est pas le cas. Or, nous ne cessons de le répéter, le rôle de l’armée sera déterminant dans l’issue de la lutte de libération des Noirs contre la domination du système beydane.

Extrait du manifeste du Négro mauritanien opprimé « de la question nationale à la lutte de libération nationale » février 1966 – avril 1966

 

 

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Un Commentaire

  1. bonjour
    je m’appelle Djibril Sarr, mon grand Ousmane Sarr (Ya rahmou ) a servi la mauritanie pendand la guerre du sahara et qui a malheuresement a etait tué pendant la guerre.
    je voudrai si c’est possible d’avoir plus d’information sur mon grand pere.

    merci

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