Elimane Boubacar KANE est né en 1721 à Tichikel, près de R’Kiz (Mauritanie, Kadiar en Pulaar); il est décédé en mars 1851 à Dimat (Dialmath, Sénégal). Son exceptionnelle longévité, 130 ans selon les sources traditionnelles, fait de lui le témoin du début de la domination coloniale sur la partie occidentale de notre continent.
Considéré au début du XIXe siècle comme « le plus puissant de la Nigritie » (cf. Baudin, Schmaltz et Madina Ly Tall), il fut un grand rénovateur, pour avoir été l’un des sept disciples du foyer du Cadi Amar Fall de Pire Sagnokhor, qui pensèrent et organisèrent l’avènement de l’almamyat du Fouta Toro (1776 – 1881) contre le joug d’une monarchie « denyanke » fortement liée à la traite négrière.

Condisciple de grands savants maures, tels que Cheikh Mohamed Al Aqil, Mohamed Al Djikaniou, Wolof comme Sérigne Koki Ndiaga Issa Diop et Pulaar comme Thierno Souleymane Bal et Almamy Abdoul Kader Kane, Elimane Boubacar sera l’un des premiers guides spirituels d’El Hadji Oumar Tall qu’il reçut à plusieurs reprises à Dialmath, qu’il encadra avant son pèlerinage à la Mecque et qu’il soutint dans son action d’islamisation sur le plan mystique.

Le Dimat, sous son principat, jouera un des rôles les plus importants dans la sauvegarde de l’Islam et de l’indépendance des peuples de la région. En effet, un Islam tolérant y avait tellement brillé que le grand savant maure, Mohammed El Mamy des Ahel Barrikalla, ne put s’empêcher, admiratif d’affirmer avec force que la « la loi d’Allah ne sera certainement jamais respectée dans le monde autant qu’à Dialmath, sous Elimane Boubacar » (cf. Al Kitab al Badiyaat).

Nombre de ses descendants se trouvent aujourd’hui dans toutes les ethnies de la Sénégambie, de l’Afrique de l’Ouest, du Moyen-Orient et dans le reste du Monde. Sa fille Nimzat, qui laisse son nom au lieu de pèlerinage de la Qadriya Fadelila en Mauritanie, a été l’une des honorables épouses du Cheikh Mouhammed El Fadel, le père du Cheikh Saad Bouh, dont elle est la tutrice. Elimane Baoubacar est aussi le grand-père du Cheikh Sidi Lamine Kounta et de la sage Sokhna Mariame Kounta de Ndiassane (la vénérable épouse du Khalif Ababacar Sy Malick, de Tivaouane), par son fils Saïdou.

N’est-ce pas encore son cousin germain le vénérable Amadou Kane de Ndam-Kane et aïeul de notre grand Saint Cheikh Ahmadou Bamba (par Saly Kane, mère de Anta Saly Kane, elle-même mère de Momar Anta Saly), qui recommande à sa descendance de ne jamais oublier ses liens de parenté les unissant avec le Dimat et la famille.

Homme d’Etat d’une grande perspicacité politique, Elimane Boubacar Kane, résistant farouche à la domination étrangère, a formé la première coalition des royaumes du Sénégal et de la Mauritanie du Sud en 182O contre l’envahisseur français. Ce n’est donc pas par hasard, si la province du Dimar, qui a « coulé » le plus de navires européens sur le fleuve Sénégal, soit la première cible de la conquête coloniale en 1854.
La promotion de Faidherbe au poste de gouverneur du Sénégal qui n’était que capitaine du Génie, est due à la vaillance du marabout de Dialmath (cf. Moniteur du Sénégal et dépendance, 1857) et à la recommandation expresse des compagnies commerciales françaises qui avaient financé la campagne de Podor (expédition sur Dimat en1854).
Les sources historiques sont si formelles sur ce fait que l’historien Boubacar Barry, n’hésitera pas à souligner dans son ouvrage sur la Sénégambie en 1886, que « la bataille de Dialmath » marque la volonté de la France à prendre pied sur le continent Africain).

Le Dimat-Dialmath compte beaucoup de ressortissants qui ont essaimé vers de nombreuses communautés au Sénégal et dans les pays de la sous- région. Par exemple, Dimat-Kane, Mbal-Kane, Sinlèye-Kane, Golbi-Kane, Keur Samba Kane, Kanène-Ndiob, Ndam-Kane, Fanaye-Lèye, Gandiol, Tilène, les Kabada (sénégalais et gambien), respectivement au Djolof, au Kayor, au Baol à Makka Toubé, au Waalo et en Casamance, sans parler du foyer de Kanen à Dakar (Gare centrale), Dilly au Mali, Tahoua au Niger et d’autres localités en Mauritanie méridionale et centrale.

Elimane Boubacar Kane, patriarche éclairé et fédérateur en Islam de l’Afrique de l’Ouest dont nous célébrons la disparition, a laissé aux populations autour du Sénégal, l’image d’un homme qui a su créer un Etat islamique libre et animer, sa vie durant, tout ce qui pouvait unir les peuples de la sous-région contre les envahisseurs européens.
Par Mamadou Elimane Kane

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