Elle était la représentante en France de l’ANC (Congrès national africain), le mouvement de Nelson Mandela. En exil, elle tentait de sensibiliser l’opinion publique aux crimes du régime d’apartheid sud-africain. A ce jour, on ne sait toujours pas qui est derrière son meurtre.

Le 29 mars 1988, peu avant 10 heures, Dulcie September est assassinée devant les bureaux de l’ANC à Paris. Cinq balles tirées à bout portant d’un calibre 22 équipé d’un silencieux. L’enquête n’a jamais abouti, les coupables n’ayant pas été identifiés.

A l’époque, le régime sud-africain est soupçonné. Des années plus tard, un chef de la police du régime d’apartheid admettra avoir commandité le meurtre. Mais une enquête de la commission « Vérité et Réconciliation » en Afrique du Sud révèle que la militante s’intéressait peut-être de trop près au commerce des armes entre Paris et Pretoria.

Pour la journaliste néerlandaise Evelyne Groenink qui a épluché les archives privées de September, la militante enquêtait sur les relations entre les deux pays, alors que l’Afrique du Sud était sous embargo.

« Elle était sur la piste d’une histoire de missile atomique français et que Paris utilisait l’Afrique du Sud comme allié pour développer leur capacité nucléaire. Ça n’était pas juste la France vendant des armes à l’Afrique du Sud, mais la France utilisant un pays paria pour développer ses propres intérêts. »

Devenue gênante et se sentant menacée, Dulcie September avait demandé une protection auprès des autorités françaises qui le lui avaient refusé.

Selon Hennie Van Vuuren, auteur d’un livre sur la corruption et les trafics d’armes sous l’apartheid, Dulcie September enquêtait bien sur les ventes d’armes à l’Afrique du Sud alors sous embargo international.

« De ce que l’on sait, les bureaux de Dulcie ont été nettoyés et ses notes emportées  par les services de renseignement français peu de temps après son meurtre. On sait qu’elle a été remplacée à ce poste par un homme, qui était un militant ANC, mais surtout qui s’est avéré être un espion du régime d’apartheid. Ces gens ont fait en sorte que les informations qui auraient pu nous aider à comprendre ce sur quoi elle travaillait ont disparu.

Cependant, nous avons pu voir des documents d’archives ici et là qui suggèrent qu’elle s’intéressait à la question sensible des ventes d’armes au régime d’apartheid, des armes vendues par plusieurs pays. Donc je pense qu’il y a des indices très solides qui suggèrent qu’elle était sur la piste de certains de ces vendeurs d’armes, mais également qu’elle enquêtait sur un système qui permettait de passer outre les sanctions et qui impliquait des responsables de gouvernement dans plusieurs pays.

Si lors de son séjour à Paris, Dulcie a trouvé des informations sur des sociétés françaises – et notamment des sociétés d’Etat – comme Aérospatiale ou Thomson CSF, aujourd’hui Thales, qui vendaient des armes aux régimes d’apartheid, elle aurait exposé ces réseaux. Des réseaux qui remontaient jusqu’à la présidence française et les responsables des services de renseignement qui fournissaient le régime d’apartheid avec la technologie française la plus sophistiquée de l’époque.

Elle aurait probablement également révélé que le régime d’apartheid avait un bureau secret à l’ambassade sud-africaine à Paris d’où travaillaient d’après les renseignements que nous avons une trentaine d’employés d’Armscor, un groupe d’armement sud-africain, de la fin des années 1970 au début des années 1990, et dont l’unique travail était de trouver un moyen de contourner les sanctions. Nous pensons que ces personnes n’ont pu travailler en France pendant si longtemps sans être détectées qu’avec l’aval du gouvernement français qui les a laissées faire. »

A écouter: Invité Afrique soir: «Pourquoi Dulcie September a été tuée et qui l’a tuée?»

A consulter: Assassinat de Dulcie September: affaire classée 

Source:rfi.fr

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