INTRODUCTION

 

Au mois d’avril 1989, des centaines de Noirs (700 au moins) étaient massacres á Nouakchott, Nouadhibou et dans plusieurs autres localités mauritaniennes, avec la complicité des plus hautes autorités de l’état. Dans la foulée de ces pogroms anti-noirs, le pouvoir beydane procédait á l’épuration de l’administration et des entreprises publiques de leur éléments noirs, á l’arrestation et á l’exécution de dizaines de Nègro-Africains et de la déportation dans le but évident de « dénegrifier » le pays de plus de 120.000 Nègro-Mauritaniens.

L’ opinion internationale, effarée, découvrait ainsi que quelque part dans le Sahel sévissait un système de discrimination raciale assimilable a bien des égards á l’apartheid.

Les événements d’avril étaient parfaitement prévisibles: ils sont la suite logique de la politique raciste appliquée en Mauritanie depuis l’indépendance et fondée sur l’accaparement, par la communauté beydane, de tous les leviers du pouvoir. en dépit de multiples contestations (Manifeste des 19, Manifeste du Nègro-Mauritaniens primées…) et affrontements violents (guerre civile de 1966…) suscites par cette situation, les régimes beydanes successifs se sont toujours refuses, avec une remarquable constance, a envisager une autre alternative: celle de une société non raciale et démocratique, reposant sur l’égalité entre toutes ses composantes.

Il ne pouvait du reste en être autrement, puis-qu’officiellement il n’existe pas de problème racial en Mauritanie. C’est ainsi qu’en 1966, Moktar Ould Daddah déclarait contre toute évidence: « Non, en Mauritanie, il n’y a des Noirs et des Blancs que pour les sociologues. Il ne saurait être question de bâtir une nation sur des pourcentages aussi fluctuants qu’absurdes. » Vingt années plus tard, Ould Taya lui emboîtera le pas: « Je refuse de diviser mon peuple en Blanc et Noirs. Il n’y a pas de problème racial en Mauritanie. Le peuple est indivisible et ne sera jamais divise. Depuis près de 2000 ans, les communautés de ce pays ont vécu ensemble sans qu’il y ait eu la moindre relation d’appartenance a telle ou telle ethnie. Nous tous, sans exception, sommes unis par l’Islam, et la couleur de notre peau n’a aucune espèce d’importance. » (Jeune Afrique no 1350, 19/11/1986, p. 37). Hélas, tout ceci n’est que profession de foi. La réalité, elle, est bien différente.

Fidèle á sa politique de fuite en avant et de provocation, le pouvoir mauritanien réédite aujourd’hui encore le même procède: il cherche, en montant en épingle le conflit avec le Sénégal, a en occulter la dimension essentiellement interne.

Mais combien de morts, de déportés et de mutilés faudrait-t-il pour que les médiateurs saisissent enfin cette évidence et arrêtent de sa polariser sur les aspects inter étatiques et secondaires du climat de tension actuel? Faudrait-il qu’une guerre civile éclate en Mauritanie pour que les Etats africains s’attaquent au noeud du problème: la discrimination raciale dont sont victimes les Nègro-Mauritaniens? Faudrait-il attendre que le pouvoir beydane mène a terme son odieuse politique de « denigrification » du pays pour que l’O.U.A. fasse preuve vis-a-vis de la Mauritanie de la même intransigeance que celle qui caractérise ses résolutions sur l’Afrique du Sud?

C’est pour lutter contre l’oppression raciale subie par les Nègro-Mauritaniens qu’ont été créés en novembre 1983 les F.L.A.M. Dés sa naissance, notre mouvement s’est fixé pour but l’avènement d’une société non raciale et démocratique, fondée sur le respect de l’identité de chacune de ses composantes. A cette fin, nous proposions que fut organisé un large débat national ou toutes les composantes de notre peuple se prononceraient sur la solution á apporter á la Question Nationale. Pour toute réponse, le pouvoir s’engagea dans une répression féroce (arrestations, tortures, assassinats), si bien que la plupart de nos militants sont condamnés soit á la clandestinité soit á l’exil.

La présent document est constitué de textes des F.L.A.M., mais aussi d’O.N.G. Réputées neutres et crédibles (CIMADE, Amnesty International) et d’ articles de presse extraits de différents journaux. Nous avons voulu proposer au lecteur un véritable voyage á l’intérieur de l’apartheid mauritaniens , un apartheid trentenaire mais hélas encore peu connu.

Si ce document parvient á faire connaître un peu plus le sort tragique fait aux populations noires de Mauritanie, il aura atteint son but.

Les F.L.A.M.

Section Europe

Oslo, Septembre 1989

-PRESENTATION DU DOCUMENT

– Le MANIFESTE des 19, ainsi appelée en raison du nombre de ses signataires, a été rédigé en février 1966. Il dénonçait déjà le processus de marginalisation des Noirs mauritaniens. Vingt-trois ans plus tard, il n’a rien perdu de son actualité.

2 – Le MANIFESTE du NEGRO-MAURITANIEN OPPRIME a été publié en avril 1986 par les F.L.A.M. Sa lecture permet de comprendre les mécanismes d’oppression et d’asservissement mis en place par les différents régimes racistes qui se sont succèdés á la tête de l’Etat mauritanien depuis 1960.

3 – Le document sur la situation des Noirs en Mauritanie après les événements d’octobre 1987 (arrestations et exécution d’officiers noirs), publie a Nouakchott le 26 mai 1988, montre, travers un examen du vécu quotidien des populations noires, l’aggravation de la discrimination raciale.

4 – La déclaration des F.L.A.M.-Europe du 8 mai 1989 replace les massacres de Noirs perpétrés en Mauritanie en avril-mai 1989 dans leur véritable contexte, á savoir le système de discrimination raciale mis en place par les régimes beydanes.

5 – Le Communiqué de presse du 30 juillet 1989 résume la position des F.L.A.M. sur la médiation entreprise par l’O.U.A. dans ce qui est communément appelé conflit « Sénégalo-mauritanien ».

6 – Le document no 6 porte sur l’examen de la réforme foncière mauritanienne. En fait de réforme, il ne s’agit que d’une couverture juridique á l’opération de dépossession de leurs terres des paysans nègro-africains.

F.L.A.M.