La situation actuelle de la Mauritanie est suffisamment préoccupante à tous points de vue, pour ne pas interpeller les patriotes sincères sur la nécessité de rechercher rapidement des solutions.
Le présent mémorandum s´inscrit dans ce cadre là.

  ETATS DES LIEUX

Les mauritaniens dans leur ensemble sont aujourd´hui face à un régime dictatorial, éthnopolitique, raciste, esclavagiste; un régime prédateur, otage d´ un clan qui monopolise et pille les ressources nationales, se substituant à un Etat qui a cessé d´exister.
Ils sont face à une politique nocive qui accentue chaque jour davantage la déchirure sociale, déjà profonde entre Arabo-berbères et Négro-mauritaniens.
Avec ce régime, deux questions importantes minent et dominent la vie politique:

  • LA QUESTION DE « L´UNITÉ NATIONALE », question structurelle, grave, restée longtemps tabou et qui demeure encore malgré tout occultée;

LA QUESTION DE LA DÉMOCRATIE où, aujourd´hui, nous sommes mis face à une démocratie dévoyée et confisquée du fait de l´impossible alternance imposée.

Depuis l´indépendance la question de coexistence n´a cessé de se poser avec acuité, au travers de crises récurrentes(1966,1979,1986/1987,1989,1990/1991), creusant toujours plus profondément les rapports intercommunautaires, sans qu´aucune réponse objective ne lui soit apportée.
Ces dernières années, elle va même connaître une aggravation sans précédent par l´action du régime en place.
Il est temps de tirer les lecons du passé pour se tourner résolument vers l´avenir.
Quarante (40) années de politique de l´Autruche autour de cette question, quarante années d´incompréhension et de refus de s´écouter, ca suffit!
Ca suffit, si nous tenons réellement à sauvegarder le pays!

Les Mauritaniens ne peuvent plus continuer d´en faire l´économie, sans risques majeurs. Il faut impérativement la débattre et tenter de lui trouver, pendant qu´il est encore temps, des solutions adaptées et justes.
Et ces solutions passent selon les FLAM par la concertation. Les Mauritaniens doivent discuter en toute sérénité, largement, sans passion et surtout sans à priori.
Telle était la conclusion du Manifeste de 1986, tel est ce que nous réaffirmons de nouveau ici.

Au regard de la situation de crise interne aigûe, il nous a semblé impérieux d´inviter la classe politique, l´opposition conséquente en particulier, à réfléchir et agir au plus vite dans une double démarche:

  • Rechercher ensemble les voies et moyens d´une unité d´action de l´opposition susceptible de créer un rapport de force qui lui soit favorable.
  • Impulser en même temps un débat de fond sur les questions essentielles de l´Unité nationale qui engage l´avenir même de la Mauritanie, de la Démocratie, dans une perspective de créer une dynamique nouvelle pour le changement futur devant reposer sur une unité nationale reconstruite sur des bases durables plus vraies et plus saines.

Telles sont les raisons qui ont amené les FLAM à apporter ici un certain nombre de réponses autour de questions cruciales, sensibles pour la majorité de la classe politique, et sur lesquelles pourtant il faut bien que les uns et les autres se prononcent un jour.

LA QUESTION NATIONALE

Lorsqu´on parle de question nationale, on se référe le plus souvent à l´ensemble des questions sous-jacentes touchant à la discrimination raciale, à l´identité de la Mauritanie, à l´Autonomie. Il s´agit également de la question culturelle, de spoliation des terres, du passif humanitaire (crimes commis et déportation de mauritaniens), de l´esclavage…
Toutes ces questions renvoient en fait à l´enjeu de la cohabitation entre Arabo-berbères et Négro-africains évoquée par euphémisme le plus souvent sous le vocable de « problème de l´Unité nationale » ou de la « Question nationale ».

  LA QUESTION DE L´ESCLAVAGE

  Si nous devons reconnaître que la question de l´esclavage reste vivante dans les faits et dans les mentalités de la plupart des Mauritaniens, nous devons le mettre au compte de l´Administration qui n´ a jamais oeuvré réellement pour son éradication; car des mesures juridiques rigoureuses et fermes n´ont jamais été prises contre les tenants de cette pratique. Il est impensable et inacceptable qu´à l´oréee du 3ème millénaire, des hommes puissent être considérés comme des bêtes de somme.
Les victimes, essentiellement Haratines, doivent bénéficier à la fois du soutien de la loi, d´un appui économique et scolaire.
L´Ecole mauritanienne du futur devra contribuer à forger une nouvelle mentalité débarassée de l´esclavage et de l´esprit de castes, tournée vers la libération de l´homme et de sa promotion en tant que citoyen responsable.

  LA QUESTION CULTURELLE 

  Beaucoup d´observateurs, peu avertis, ont tendance à interprêter le problème négro-mauritanien comme une question essentiellement culturelle. C´est une erreur car la question culturelle n´est qu´un aspect du problème global que pose l´unité nationale.
Il faut, nous semble-t-il, rechercher la solution à cette question en partant des principes de base suivants:

  • Aucune culture, ni aucune langue nationale n´est en soi supérieure aux autres langues et cultures nationales;
  • Á L´Ecole, l´unification du système scolaire devra reposer sur la place et la considération à accorder aux langues négro-africaines, à l´arabe, à côté du francais. 

    LA QUESTION DES TERRES 

  Par la réforme foncière de 1983 (Ordonnance numéro 83127 du 05 juin 1983), les autorités allaient poursuivre la dépossession progressive des Négro-mauritaniens de leurs terres.
Pour vaincre la résistance des populations hostiles à cette réforme scélérate, le régime de Ould Taya allait profiter des événements Sénégalo-mauritaniens de 1989, pour procéder à des spoliations massives et sans précédent, et déporter des dizaines de milliers de propriétaires Négro-mauritaniens vers le Sénégal et le Mali. C´est inacceptable.
La solution au problème de redistribution des terres doit être trouvée dans la mise en place d´une réforme agraire à caractère NATIONAL, qui procéderait par cercles concentriques. L´accès à la terre d´abord aux autochtones locaux, ensuite aux nationaux, enfin aux investisseurs sous-régionaux et internationaux, dans la préservation des droits séculiers des pasteurs, des pêcheurs et des paysans.

  LE PASSIF HUMANITAIRE

  Il s´agit là d´un euphémisme utilisé par ceux là qui répugnent à parler des déportations et des crimes commis contre les Négro-mauritaniens. Ces crimes commis entre 1986-1991 ne sauraient rester impunis sous peine de saper les fondements même de la vie en commun.
La soultion à la question de ces crimes doit être recherchée dans l´équilibre à trouver entre la nécéssité du pardon, le refus de l´impunité et les exigences de réparations.

En ce qui concerne les réfugiés, ils doivent être réhabilités et réinstallés dans tous leurs droits.

Ce serait toutefois une erreur de croire que les réparations des crimes et des déportations suffiraient à elles seules à assurer la réconciliation. Non, il faut plus,grâce à un train de mesures plus hardies, propres à créeer un climat d´apaisement social. Il s´agira, en plus de procéder à une amnistie pleine et entiére des anciens détenus et exilés politiques, de réintégrer les fonctionnaires arbitrairement radiés, de lever l´état de siége dans la vallée, de mettre en place une commission vérité/réconciliation.
Ce sont là des mesures aptes á créer les conditions optimales d´apaisement propre à amorcer le Débat, car il faut débattre.Le PROBLEME DE LA MAURITANIE EST D´ABORD ET SURTOUT un problème politique avant d´être un problème de violations des droits de l´Homme.
Il faut dès lors discuter, engager un débat large et sans exclusive.

  LA QUESTION DE L´IDENTITE DE LA MAURITANIE

  Toutes ces questions que nous avons passé en revue renvoient, en fait, à la cause première, L´IDENTITÉ DE LA MAURITANIE. La Mauritanie est-elle ou devrait-elle être arabe ou négro-africaine?
En vérité , la Mauritanie, pour être viable, devra garder un juste équilibre entre son caractère arabe et son caractère négro-africain. Elle devra être un traît d´union entre le monde noir et le monde arabe. Bien gérée, cette diversité pourrait constituer une richesse inestimable pour tous.

  LA QUESTION DE L´AUTONOMIE

La meilleure manière de capitaliser cette richesse serait de revoir nécessairement la cohabitation entre les communautés, après l´échec d´une expérience de plus de trois décennies. Cette cohabitation devra désormais reposer sur la base de l´AUTONOMIE à l´image du modèle belge ou sud-africain. Cette proposition de solution, nous semble pertinente à plusieurs égards:

  • Historiquement l´on sait que bien des empires africains se sont constitués à partir de royaumes annexés, mais non déstructurés;
  • Présentement, l´autonomie constitue un mode dominant de réglement, tant en Afrique qu´en Europe, des problèmes de cohabitation;
  • Enfin elle n´entre pas nécessairement en conflit avec les objectifs de construction nationale.
    En tout état de cause, il devient indispensable que LES COMMUNAUTÉS PRENNENT EN MAIN LA GESTION DE LEUR TERROIR ET MODÉLENT Á CET EFFET LEURS PROPRES INSTITUTIONS TOUT EN PRÉSERVANT LE LIEN UNITAIRE.
    En tout cas, l´Etat unitaire centralisé, à moins d´être profondément remanié dans une perspective d´un JUSTE ÉQUILIBRE DANS LA GESTION DU POUVOIR POLITIQUE, ne saurait répondre aux attentes nouvellement exprimés.

LA QUESTION DE LA DEMOCRATIE

  L´amorce du »processus démocratique »en Mauritanie a été comme partout ailleurs en Afrique, inspiré et « forcé » par le discours de la Baule.
Mais là moins qu´ailleurs, il aura tout juste permis l´existence formelle de partis politiques,rien de plus. Notre »Démocratie »aura surtout permis un régime militaire dictatorial de s´octroyer une caution de légitimité, sans changer fondamentalement de nature. Voilà il serait naïf de la part de l´opposition d´espérer obtenir le respect des libértés fondamentales, ou des éléctions libres et transparentes.
Avec ce régime militaro-clanique il serait illusoire de compter sur une alternance possible.
Ce que cherche au contraire Ould Taya c´est plutôt élargir sa mouvance présidentielle, domestiquer les consciences à la manière des partis uniques d´antan.

Par ailleurs-autre faiblesse-la »Démocratie »instaurée par Ould Taya est venue se greffer sur un « passif humanitaire »toujours pendant et une situation politique de discrimination raciale ouverte, qu´elle a volontairement occultée et masquée.
Or une démocratisation authentique ne saurait prendre appui sur un tel fondement.
Voilà pourquoi on ne peut lui accorder un quelconque crédit.
Face à un processus « démocratique »biaisé et confisqué il y a lieu de réagir, non pas par l´adhésion tacite au statu-quo-ante plutôt favorable au régime, mais par le choix résolu d´une stratégie et de méthodes offensives, propres à hâter le changement.

UN CHANGEMENT dont les lignes de force seraient la RÉCONCILIATION NATIONALE- car les Mauritaniens ont d´abord besoin de se reconcilier-, UN DÉBAT NATIONAL et enfin le REDRESSEMENT ET LA CONSOLIDATION DU PROCESSUS pour le libre exercice du jeu démocratique dans les conditions de transparence requises; le tout piloté par un gouvernement d´union nationale pour la période transitoire.

  CONCLUSION

  Il est encore temps de construire dans l´intérêt bien compris de tous un ETAT DÉMOCRATIQUE,ÉGALITAIRE ET DE LIBÉRTÉ: un Etat fondé sur la base de CITOYENS RESPECTUEUX DU BIEN PUBLIC, ÉGAUX EN DROITS ET EN DEVOIRS SANS CONSIDÉRATION DE RACE OU DE TRIBU.

LES FLAM lancent un appel à l´ensemble des forces politiques progressistes mauritaniennes, à engager le débat sans tarder, pour l´édification d´un véritable ETAT DE DROIT, d´où seraient bannis à jamais l´esclavage, le racisme, l´exclusion et la misère.

La lutte continue!

Fait à Dakar, le 21 Mars 2000

Les Forces de libération africaines de Mauritanie.