Après de brillantes études au lycée national, sanctionnées par le baccalauréat série C, Bâ Abdoul Khoudouss entreprit au Canada des études d’ingénieur des ponts et chaussées. De retour au pays, il travaille à la SNADER (Société Nationale de Développement Rural). Pour le jeune et brillant ingénieur, soucieux de mettre ses compétences au service de son pays, une brillante carrière semblait toute tracée. Mais très vite il déchanta. L’incurie et le laxisme, auxquels l’injustice était venue s’ajouter, le révoltèrent. Il démissionne.

Chaleureux et jovial, Bâ Abdoul Khoudouss savait, quand il le fallait, prendre et honorer ses engagements. Et quand il s’assignait un objectif, pour le réaliser, il s’investissait entièrement. Rien ne pouvait l’en détourner. La persévérance et la pugnacité étaient chez lui des qualités majeures.

Dans la chambre de «la bande des quatre[2]» (commissaire Ly, Diop Djibril, Ly Moussa et Sarr Abdoulaye) où l’avait mis le «flingueur), Bâ Abdoul Khoudouss ne restera que quelque temps, avant de nous rejoindre dans la salle. Sous l’effet du béribéri, il avait pris beaucoup de poids. De corpulence moyenne, il faisait alors deux fois son poids normal. Il s’était fait une grande barbe. Quelques jours avant de nous rejoindre dans notre salle, on pouvait très souvent le voir, assis à l’entrée de la chambre de la «bande des quatre», lire un livre coranique.

Sa mort interviendra moins d’une semaine après son retour dans notre salle. Elle fut soudaine. Son alitement, consécutif à un malaise anodin en apparence, n’excéda pas quarante-huit heures. Il souffrait tant, que nous demandâmes aux geôliers, eu égard à son état de santé, de lui retirer ses chaînes aux pieds, pour le soulager de leur poids et encombrement. Malgré notre insistance et l’état du malade qui s’empirait, les geôliers refusèrent de satisfaire notre demande.

Le 13 septembre 1988 vers 19 heures, nous l’installâmes dans la cour du fort. Il parlait difficilement. Il se mit à hoqueter. Demanda à boire. L’eau lui fut apportée. Il en but quelques gorgées et vomit. Sa respiration devint plus difficile… Ses yeux se refermèrent et sa tête s’affaissa sur l’une de ses épaules. Il expira. Nous l’accompagnâmes jusqu’à sa dernière demeure. Il repose dans une tombe à côté de celle de Bâ Alassane Oumar.

Boye Alassane Harouna.
12 septembre 2006.

REF:
[1] J’ÉTAIS À OULATA- LE RACISME d’État EN MAURITANIE – L’Harmattan, 1999. Page 137 à 138.
[2] Expression utilisée en Chine populaire pour désigner les quatre personnalités de l’État et du parti communiste chinois qui furent arrêtées pour complot après la mort de Mao. Sans connotation péjorative aucune, Bâ Mamadou Sidi et moi l’employions dans nos conversations pour désigner nos quatre compagnons très tôt séparés des autres détenus et mis dans une chambre à part.

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