Ils sont de plus en plus en nombreux à afficher ouvertement leur manque d’humanité et de compassion pour leurs compatriotes noirs pendus le 28 novembre 1990 à Inal. Ils nient plus largement l’exclusion. Dans une page facebook en arabe, les mêmes ou presque prétendent que le génocide d’une partie de la composante noire est justifié « les noirs sont les premiers à agresser la communauté arabe et ce, depuis la création politique de la Mauritanie ». Faux bien sûr.
J’invite ces falsificateurs, ceux qui n’ont pas la conscience tranquille, ceux qui ne veulent pas qu’on parle de génocide qui se poursuit avec la biométrie, ces vainqueurs qui ont imposé leur volonté quand il s’est agi de qualifier les faits, ceux qui ajoutent au crime la bêtise de le minimiser, ceux qui veulent faire passer les victimes du génocide pour des haineux, ceux qui veulent perpétuer la domination, à la lecture de ces deux éléments datant de 1945 et 1958.
– Le problème noir s’est exprimé pour la première fois en novembre 1946, date du début de l’individualisation politique et territoriale de la Mauritanie ( par rapport au Sénégal) qui est appelée à choisir ses représentants : un député à l’Assemblée nationale française et un conseiller au Grand Conseil de l’Union de l’AOF « En 1945, l’annonce des prochaines élections avait suscité des hostilités entre Maures et Noirs. Les documents d’archives (Sous – série 2 G 45 : 134, Archives Nationales du Sénégal) indiquent cette unanimité chez les Maures que « le représentant de la Mauritanie ne saurait être un Noir »; et qu’ils commençaient à manifester une volonté de renouer avec le monde Arabe, évoquant un « éveil de la race Maure …… et le désir d’être rattachés de fait au Maroc …»
– Moktar Ould Daddah, architecte de la Mauritanie arabe, déclare dans la livraison du journal Le Monde du 29-30 juin 1958 « Si nous devions choisir entre une fédération maghrébine et une fédération d’AOF (Afrique Occidentale Française), nos préférences nous porteraient vers le Maghreb ». Propos rapporté par Philippe Marchesin dans : Tribus, Ethnies et pouvoir en Mauritanie, Éditions Karthala 2010, page 103.
Moktar Ould Daddah s’inspirait de Churchill qui avait déclaré au général de Gaulle, à la veille du débarquement de Normandie : « Sachez-le, général ! Chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous serons toujours pour le grand large. »
Ces négationnistes, partisans pour la plupart du panarabisme hégémonique, doivent savoir que nul ne peut gouverner paisiblement notre pays en méconnaissance totale de son histoire et de sa géographie ou au mépris de celles-ci, faites de recompositions, de brassages, de mélanges de sociétés si différentes que tout éloignait au début, mais qu’il faut désormais administrer harmonieusement selon un principe si simple de justice et d’égalité, non pas de principe, mais d’égalité effective.
Que faire? faudrait-il attendre l’obsolescence du système de domination? Évidemment, non. Le règlement de la question de l’esclavage, et plus largement, celui de la question nationale dépend de nous. La solution est en nous, en nos capacités à nous relever vite et ensemble sur des bases clairement définies.
Ciré Ba
Paris, le 11 novembre 2018