L’armée mauritanienne, ces unités spéciales déployées dans la vallée pour surveiller ses frontières sud notamment contre toute infiltration en relation avec la Covid-19, s’est souvent vantée d’avoir l’expertise dans la lutte contre les trafics de tous genres. Depuis plusieurs années, elle est engagée dans différents couloirs dans le nord et l’est du pays ou sévissent groupes terroristes et trafiquants de tous genres.
Dans ces zones, ses aéronefs et troupes au sol ont reçu l’ordre d’épargner la vie de ces grands trafiquants en lien avec les mouvances djihadistes et de les arrêter. Dans les prisons, la hiérarchie militaire fait même dans la pédagogie pour soustraire certains détenus de l’emprise des chefs djihadistes. L’armée les protège et les comprend.
Le général Mohamed Lehreitani et le commandant Taleb expliquent « Le 24 janvier (2018),nous localisons deux Toyota, reprend le commandant Taleb. Ils cherchent à fuir. Tir de sommation. Les occupants d’un des véhicules l’abandonnent. Le deuxième parvient à s’échapper. Nouveau passage et nouveau tir pour immobiliser le Toyota, car la brigade n’est pas encore à proximité….Nous avons l’ordre de mitrailler les pneus ou le moteur et de ne pas tuer, mais c’est difficile d’être précis depuis un avion. Ils commencent à comprendre : désormais, quand ils nous voient, ils s’allongent au sol et attendent la brigade (armée de terre) pendant que nous tournons au-dessus d’eux. »(propos rapportés par Alain Faujas dans le magazine Jeune Afrique du 19 avril 2018).
Ces propos sont confirmés dans le même article par le général Mohamed Lehreitani, chef d’état-major de l’armée de l’air à l’époque, qui dit « il faut épargner les vies humaines. J’ai rencontré à la prison de Zouerate certains de ces délinquants, rapporte-t il. Ce sont souvent de très jeunes Maliens, Touaregs ou Arabes qui me disent avoir choisi ce trafic pour 50 euros car ils n’ont rien à manger. Ce ne sont pas des criminels».
Une armée capable de réaliser des opérations aussi complexes contre des trafiquants puissamment armés, capable de faire preuve de pédagogie, aura du mal à se dédouaner de l’assassinat à bout portant d’un civil sans arme. La réalité est qu’elle a la gâchette très facile contre sa population noire de la vallée. Elle se sait protégée par une impunité qui dure depuis trois décennies au moins. Pour dire vrai, l’armée est perçue par une partie de la population, au fil des décennies, comme une institution, le bras armé par et au service d’un système d’exclusion de la communauté noire.
Face à cette situation qui s’éternise, le temps est venu pour tous les exclus sans exclusive d’en avoir marre d’avoir marre. Aucune explication, aucune circonstance ne sauraient justifier l’assassinat du citoyen Abbas Diallo survenu jeudi 28 mai 2020 dans la zone de Mbagne, sud du pays. Dans son cas, l’armée ne s’est pas embarrassée de formules : elle a tiré pour tuer un charrettier qui tentait de convoyer frauduleusement de la marchandise d’un commerçant qui a bénéficié de la mansuétude des soldats. Comme les détenus rencontrés par le général Mohamed Lehreitani à la prison de Zouerate, Abass Diallo n’est pas un criminel, il aurait choisi ce travail pour nourrir sa famille dit-on.
Ciré Ba