Le 9 janvier dernier, le Chef de l’Etat étant en tête de cortège, des centaines d’habitants de Nouakchott (surtout des fonctionnaires contraints et forcés) ont marché « contre la haine, le racisme et pour l’Unité nationale » à l’invitation des autorités qui en avaient conçu les slogans. Depuis cet événement qui a reçu un accueil plutôt contrasté, la plus célèbre avenue de la capitale a été  renommée, dans la foulée, « Avenue de l’unité nationale». Beau nom de baptême et beau symbole en apparence ! Mais en apparence seulement.

C’est peu dire que ces initiatives ont suscité des interrogations, des réserves voire une franche hostilité. Les plus optimistes y ont perçu un soupçon de changement de cap. Ils étaient très peu nombreux. Les moins crédules, beaucoup plus nombreux, une énième manœuvre de diversion à usage externe. De l’enfumage. La principale critique formulée contre ce qui a été perçu comme un activisme brouillon est que cet intérêt jugé tardif (est-il utile de rappeler que le président actuel est en fin de mandat ?) et donc suspect pour l’unité nationale est à mille lieues de la réalité politique et sociale du pays et de la pratique des pouvoirs publics, maîtres d’œuvre de la marche..

Le moins que l’on puisse dire est qu’un examen, même furtif du communiqué du Conseil des ministres du jeudi 31 janvier dernier à la rubrique « Mesures individuelles» serait de nature à conforter les sceptiques dans leurs doutes et à apporter beaucoup d’eau à leur moulin.

L’analyse des fameuses « mesures individuelles » se rapportant à des postes relevant des administrations centrales, des administrations déconcentrées de l’Etat (« administration territoriale ») et des établissements administratifs de celui-ci appelle deux types d’observations.

La première tient à une féminisation extrêmement faible des promotions. Sur un total de 36 nominations, ne figurent que cinq femmes : à la direction d’un établissement public administratif (direction de l’Ecole Nationale Supérieure des Sciences de la Santé); en administration centrale à la direction de la Coopération, des Etudes et de la Programmation de la Direction Générale des Services d’Appui au Processus électoral ainsi qu’un poste d’adjointe à cette direction; au sein des services déconcentrés de l’Etat, deux femmes sont promues respectivement préfète et sous-préfète. Le prestige des postes et leur importance ne suffisent pas à compenser le déficit de féminisation. Il est à noter qu’aucune femme noire mauritanienne ne figure au nombre des promues. Celles-ci subissent, d’une certaine manière, une double peine parce qu’elles sont à la croisée de deux discriminations. Un constat qui renvoie à la seconde observation.

Celle-ci porte sur la quasi absence de cadres issus des communautés noires mauritaniennes de la liste des promus. Le calcul est vite effectué. Sur les 36 nominations, figurent deux administrateurs noirs mauritaniens, tous deux haalpulaaren a priori du moins si l’on en juge à leur nom. Exercice aléatoire, il faut en convenir Promus respectivement adjoint au gouverneur et préfet, ils sont donc rattachés à l’administration territoriale. Il semble qu’aucun fonctionnaire appartenant aux « communautés » bambara, soninké et wolof n’ait été promu.

Il ressort des mesures nominatives un immense décalage par rapport au discours ambiant et aux professions de foi qu’il charrie en matière d’égalité, de non-discrimination, d’antiracisme, d’égal accès aux charges et fonctions publiques. De manière ponctuelle certes, mais très révélatrice, l’égalité prônée ces derniers temps vient d’être battue en brèche. Cette distorsion, a pour conséquence de disqualifier encore un peu plus la parole publique sur un thème aussi essentiel que l’unité nationale et la lutte contre les discriminations notamment raciale et ethnique. Il n’y a là, à vrai dire, rien de nouveau ou d’original. Bien au contraire. En 1986, le manifeste du négro Mauritanien opprimé avait mis en exergue ce processus d’exclusion des Afro-mauritaniens non seulement des postes à responsabilités mais également de l’administration publique et de tous les secteurs de la vie sociale. Ces pratiques que notre mouvement continue à dénoncer. La seule « nouveauté », ici, tient au contexte, dont certains ont cru-sans trop y croire- qu’il pourrait être annonciateur de changements.

Les mesures faisant l’objet de ces lignes s’inscrivent davantage dans la continuité. Et de quelle manière !

Département – communication

Forces de Libération Africaines de Mauritanie (Flam)

A lire également

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *