Journal Officiel de la République Islamique de Mauritanie n° 592-593 Date de promulgation : 05.06.1983 date de publication : 29.06.1983 Ordonnance n° 83.127 pp.364

ORDONNANCE 83-127 DU 05 JUIN 1983 PORTANT RÉORGANISATION FONCIÈRE ET DOMANIALE.

Le comité militaire de salut national a délibéré et adopté ;

Le Président du Comité Militaire de Salut National, chef de l’Etat, promulgue l’ordonnance dont la teneur suit :

 

Article Premier : La terre appartient à la nation et tout Mauritanien, sans discrimination d’aucune sorte , peut, en se conformant à la loi, en devenir propriétaire, pour partie.

ART.2.- L’Etat reconnaît et garantit la propriété foncière privée qui doit, conformément à la Chariâa, contribuer au développement économique et social du pays.

ART.3.-Le système de la tenure traditionnelle du sol est aboli.

ART.4.-Tout droit de propriété qui ne se rattache pas directement à une personne physique ou morale et qui ne résulte pas d’une mise en valeur juridiquement protégée est inexistante.

ART.5.-Les immatriculations foncières prises au nom des chefs et notables sont réputées avoir été consenties à la collectivité traditionnelle de rattachement.

ART.6.-Les droits collectifs légitimement acquis sous le régime antérieur, préalablement cantonnés aux terres de culture, bénéficient à tous ceux qui ont, soit participé à la mise en valeur initiale, soit contribué à la pérennité de l’exploitation.

ART.7.-Les actions foncières collectives sont irrecevables en justice. Les affaires de même nature actuellement pendantes devant les cours et tribunaux seront radiés des rôles sur décision spéciale de la juridiction saisie. Les arrêts ou jugements de radiation sont inattaquables.

ART.8.-Toute forme d’affermage de la terre non conforme à la Chariâa est prohibée ; les parties ne peuvent, par leurs conventions, déroger à cette disposition d’ordre public.

ART.9.-Les terres « mortes » sont la propriété de l’Etat. Sont réputées mortes les terres qui n’ont jamais été mises en valeur ou dont la mise en valeur n’a plus laissé de traces évidentes.

L’extinction du droit de propriété par « l’indirass » est opposable aussi bien au propriétaire initial qu’à ses ayants droits, mais ne s’applique pas cependant aux immeubles immatriculés.

ART.10.-Les terres qui ont appartenu à l’Etat, en vertu des dispositions de la loi N°60-139 du 02 Août 1960, demeurent domaniales, et les prescriptions des articles 12 et 13 ci-dessous leur sont applicables.

ART.11.-Les biens fonciers vacants et sans maître sont acquis à l’Etat dans les conditions définies par la Chariâa.

ART.12.-Quiconque désire accéder à la propriété d’une terre domaniale doit impérativement en obtenir au préalable la concession ; celle-ci ne devient définitive et n’emporte transfert de propriété qu’après mise en valeur réalisée aux conditions imposées par la cahier des charges et, s’il y a lieu, de concession.

 

Journal Officiel de la République Islamique de Mauritanie n° 592-593 Date de promulgation : 05.06.1983 date de publication : 29.06.1983 Ordonnance n° 83.127 pp.364

ART.13.-La mise en valeur d’une terre domaniale sans concession préalable ne confère aucun droit de propriété à celui qui l’a faite. En pareil cas, l’Etat peut, soit reprendre le terrain soit régulariser l’occupation.

Lorsque le terrain ne comporte pas de plantations, constructions ou ouvrages, la reprise n’ouvre droit à aucune indemnité. Dans le as contraire, l’occupant irrégulier sera indemnisé pour les dépenses, à moins qu’il ne préfère enlever ou détruire à ses frais ces plantations, constructions ou ouvrages.

Dans tous les cas et conformément à la Chariâa, l’indemnisation tient uniquement compte des matériaux pouvant être récupérés après enlèvement ou destruction de l’immeuble.

A défaut d’accord amiable sur le montant de l’indemnité, celle-ci est fixée par la juridiction civile compétente saisie à la diligence de l’occupant évincé.

ART.14.-L’Etat procède par voie administrative pour la préservation de ces droits fonciers. Il appartient à celui qui en conteste l’existence de se pouvoir en justice pour faire la preuve que le terrain n’est pas domanial.

L’action en contestation doit être impérativement introduite, sous peine de déchéance, dans un délai d’un mois après notification de la mise en demeure de libérer les lieux.

Le demandeur en contestation dispose seulement de deux mois pour produire ses moyens de preuve; ce délai de conclusion ne peut être prorogé. Les jugements rendus sur la contestation ne sont pas susceptibles d’appel. Le pourvoi en cassation formé contre ces décisions n’a pas d’effet suspensif.

ART.15.-L’Etat est obligatoirement cité en qualité de partie intervenante dans toute instance visant à faire reconnaître à des particuliers des droits de propriété sur le sol.

Cette règle ne s’applique pas, et l’Etat n’a pas à être cité, lorsque le terrain a déjà fait l’objet d’une cession domaniale devenue définitive.

ART.16.-Les tribunaux doivent se déclarer incompétents toutes les fois que la revendication porte sur une terre domaniale.

ART.17.-L’exception tirée du caractère domanial du terrain litigieux peut être proposée concurremment par l’administration ou par défendeur en revendication ; le juge peut aussi la soulever d’office.

A défaut d’acquiescement, le tribunal doit surseoir à statuer au fond et renvoyer les parties devant la juridiction compétente pour la solution de cette question préjudicielle.

La juridiction de renvoi est saisie, en contestation de domanialité, à la diligence du demandeur en revendication.

ART.18.-Le juge des contestations se limite à dire si la terre est domaniale ou ne l’est pas. Défense lui est faite dans ce dernier cas de se prononcer sur le droit de propriété et d’en désigner, même indirectement, le titulaire.

 

Journal Officiel de la République Islamique de Mauritanie n° 592-593 Date de promulgation : 05.06.1983 date de publication : 29.06.1983 Ordonnance n° 83.127 pp.364

ART.19.-Les jugements rendus en application des articles 14 et 17 ci-dessus ne sont contradictoires à l’égard de l’Etat que si l’administration a été représentée ou a déposé des conclusions écrites.

ART.20.-Les concessions de grande superficie ne seront accordées que si l’investissement projeté présente un impact économique et social appréciable et seulement dans la mesure où les intérêts légitimes de petits propriétaires sont sauvegardés.

ART.21.-Le droit de propriété ne peut être empêcher le réalisation d’un projet d’intérêt national ou régional et ne saurait en particulier entraver l’expansion harmonieuse d’une agglomération urbaine.

Nul ne pourra cependant être contraint de céder ses droits si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une compensation.

ART.22.-Tous puits et forage situés en dehors des propriétés privées sont déclarés d’utilité et d’usage publics.

ART.23.-L’espace vital des agglomérations rurales est protégé. Les modalités de cette protection seront précisées par voie réglementaire.

ART.24.-Les droits individuels régulièrement constitués sur des fonds de terre de toute nature sont facultativement soumis au régime de l’immatriculation.

L’immatriculation devient cependant obligatoire à l’occasion de certains transferts de propriété limitativement énumérés par la réglementation foncière.

ART.25.-Les droits qui ne résultent pas d’une concession définitive sont assujettis, préalablement à leur inscription, à une procédure administrative de vérification.

ART.26.-Les contestations domaniales relèvent exclusivement de la compétence des chambres mixtes des tribunaux régionaux.

Les règles de la procédure civile ordinaire s’appliqueront chaque fois qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions sus-énoncées.

ART.27.-L régime juridique de la propriété foncière demeure fixé par la Chariâa pour tout ce qui n’a pas été réglé par la présente ordonnance.

ART.28.-Des décrets pris en conseil de ministres préciseront en tant que besoin les modalités d’application de cette ordonnance, qui abroge et remplace la Loi N°60-139 du 02 Août 1960.

ART.29.-La présente ordonnance sera publiée suivant la procédure d’urgence et exécutée comme loi de l’Etat.

Fait à Nouakchott, le 05 Juin 1983.

Pour le Comité Militaire de Salut National,

Le Président

Lieutenant-Colonel Mohamed Khouna ould Haïdalla.

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