Ignoble mais utile. Une pièce à conviction qui pourrait parfaitement remplir son office auprès d’une juridiction. L’homme qui se présente fièrement comme le petit fils d’un Qadi d’Atar, pourrait bien devoir un jour répondre de ses forfaits devant d’autres juges.
Dans un entretien au site arabophone Elfikr, repris en français par Cridem, M. Deddahi Ould Abdallahi, ancien directeur de la Sûreté de l’Etat durant le règne du colonel de sinistre mémoire Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya, montre avec morgue et mépris qu’il ne regrette rien. Ses propos inspirent le dégoût.
Un adepte de l’humiliation
S’il fallait une illustration du cynisme du personnage, sa réponse à l’accusation de viol commis sur une jeune femme noire lors de sa garde à vue à Nouakchott en 1986 en serait une parfaite. En laissant entendre que le rapport entre une détenue et ses geôliers pouvait être consenti, Monsieur Deddahi livre toute l’étendue de son inhumanité et de son indifférence à la souffrance. «Les agents de sécurité qui se sont relayés sur sa garde sont connus, à moins qu’elle soit tombée d’accord avec celui qui la violée » assène-t-il ne prenant pas même la peine de contester les faits. Le double tort de la victime est d’être de race noire et apparentée à un des leaders reconnu du combat politique pacifique contre le pouvoir. D’où le mépris épidermique et viscéral.
A elle seule, une telle déclaration devrait suffire à disqualifier l’ensemble du récit et à justifier une enquête sérieuse pour faire la lumière tout particulièrement sur les cas de viols subis en détention. Il n’est pas tard. Ce combat ne fait que commencer et le soutien actif des organisations internationales notamment féminines pèsera de tout son poids et pourrait aider à faire changer la donne.
Il ne fait aucun doute qu’ailleurs qu’en Mauritanie, les propos du négationniste Deddahi lui auraient valu des poursuites pour négation voire apologie de crimes, notamment de viol conçu comme torture. En excipant de l’absence de plainte contre la police alors qu’il n’ignore rien du contexte et de l’asymétrie des situations, le cerbère se couvre de ridicule. Mais il ne perd rien pour attendre. Ses propos ne resteront pas sans suite. Il s’en rendra compte à ses dépens bien plus tôt qu’il ne l’imagine.
La fidélité au colonel génocidaire et à l’idéologie raciste panarabiste
De manière générale, sans surprise, le mépris pour les victimes sature tout le texte. Il n’a d’égal que le racisme obsessionnel du préposé à la répression. Une propension enfantine à la fanfaronnade et au triomphalisme rivalisent avec le sentiment d’impunité affiché sans vergogne par le sinistre personnage. De sa rhétorique à faire vomir émergent un tissu de mensonges éhontés mais également une fidélité atavique à la machine à tuer, à son grand machiniste: le colonel génocidaire fuyard Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya et sa dévotion au versant mauritanien de l’idéologie panarabiste. Cet Apartheid sahélien, socle du système d’exclusion de la composante noire du Sud de la Mauritanie. Il ne tarit pas d’éloges sur le maître d’œuvre de l’éliminationnisme à tendance génocidaire, selon lui «l’un des meilleurs officiers et le plus ouvert à la démocratie ». Puis vient cet aveu de complicité : «J’apprécie ce qu’il a accompli pendant sa présidence et dont l’État avait besoin. Mais ces réalisations sont restées vaines ». Tout est presque dit. Mais développons plus avant.
Il a une idée claire de « sa » Mauritanie : un Etat exclusivement maure, totalement arabe parce qu’entièrement arabisé. Au lance-flammes s’il le faut. On ne lésine pas sur les moyens comme il a su le montrer. « Qu’importe qui il écrase. Qu’importe qui il broie ». Surtout, si le pauvre est négro-mauritanien. D’ailleurs, ce dernier est assimilé à un envahisseur. Il faut ce qu’il faut pour préparer le génocide et le justifier. Le grand projet de blanchiment et son corollaire l’effacement de la composante négro-africaine méritent un argumentaire à leur niveau. Le flic, expert ès tortures, se fait analyste et convoque la théorie de l’invasion, la variante mauritanienne du sinistre « Grand remplacement ». Les Mauritaniens noirs seraient venus d’ailleurs et principalement du Sénégal voisin. S’exprimant à la manière des racialistes bon teint, l’ancien super flic à l’imagination débridée innove même en insinuant que ces « nègres » (c’est son terme) se seraient établis dans le Trab El Bidhane en deux temps.
S’improvisant historien pour les besoins de la cause, il décrète que la dernière vague s’est établie en Mauritanie à la faveur de la colonisation. La preuve ? «Tout le monde sait, qu’à l’époque du colonialisme et du début de l’État-Nation, les étrangers avaient une présence importante dans les organes étatiques, que leur progéniture est restée ici ». Le mythe des infiltrés et ennemis de l’intérieur. Rien n’est explicite et tout est insinué. En somme, l’équation, grosse en potentialités éliminationnistes, est la suivante : Négro-africains= étrangers.
Autre explication, cette vague «d’étrangers noirs » nouvellement installés aurait fait de l’ombre à la première dont le commissaire, rangé des menottes, concède du bout des lèvres la mauritanité. Euréka. Voilà « la raison des mouvements nègres survenus dans les années soixante-dix. « Ceux qui avaient publié ce Manifeste avaient soulevé le problème de leur harcèlement par des éléments noirs étrangers, qui ont occupé leur place en Mauritanie ». Allusion au «Manifeste des 19 » publié en 1966 et dénonçant le processus d’arabisation assimilationniste. On n’en est plus au stade de l’insinuation. Le propos est plus transparent Il est suffisamment clair mais d’une limpidité lamentable. En clair, il s’agit ni plus ni moins que d’une question de concurrence entre noirs. « Nègres » dirait notre policier en mal de matraques.
Peu lui importe que pas une ligne du Manifeste de 1966 ou de celui de 1986 ne fasse la moindre allusion à sa « thèse ». L’essentiel pour lui n’est pas là. Les preuves, quelle importance ? N’ayant pas la conscience tranquille, le sinistre retraité, tout à son imposture, «révèle» que les investigations minutieuses de ses services en 1986, à la suite des arrestations de plusieurs cadres des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), ont démontré que «ceux qui ont ordonné la fondation du mouvement FLAM et ceux qui ont été chargés de le créer étaient d’origine étrangère….Le mouvement des FLAM a été créé en 1983 et c’est à la suite des instructions avec ses éléments en 1986, que nous avons découvert, que c’est un non mauritanien qu’il est à l’origine de l’ordre de sa création». Une obsession.
Les FLAM sont évidemment présentées ensuite comme un mouvement violent, raciste soutenu par l’extérieur, autant dire le Sénégal, « cherchant à renverser le régime mauritanien au profit d’une certaine race ». Laquelle donc ? Chauffée à blanc par tout cela, la rue panarabiste ne cherche qu’à en découdre et à sceller le sort des « nègres ». On est en 1986 – 1989. Les années de plomb ! Trente ans plus tard, les braises restent ardentes, le triomphalisme et le sentiment d’une victoire définitive plus vivaces que jamais et brandis. «Nous avons tout ce que vous n’avez pas: l’argent, les armes et le pouvoir» prévient un des tenants de l’idéologie hégémonique et éliminationniste. Comprenne qui pourra. C’est là un versant de l’Etat-système protégé par la sentinelle Deddahi. Lequel se contente d’être « juste heureux de l’échec de la tentative de coup d’Etat », pourtant sanglant perpétré en 2003 par les Cavaliers du Changement.
Ici, point de mots haineux, pas davantage de jugement porté sur les auteurs, il sont vrais maures, et sur M .Saleh Ould Hanena, l’instigateur. Lequel a d’ailleurs été amnistié depuis et récompensé. Quel contraste avec «1987 » ! Trois officiers noirs accusés d’avoir fomenté un coup d’Etat avaient été fusillés alors même que le projet qui leur avait été prêté n’avait reçu aucun début d’exécution. Deux poids, deux mesures. L’entre-soi fonctionne pleinement et le système se protège en protégeant ceux qui, malgré tout, étaient restés des siens.
De graves accusations pèsent sur l’ancien policier. Conscient de son fait, de sa responsabilité notamment dans les crimes commis contre des citoyens négro-africains et particulièrement ceux de la Vallée, l’homme fait tout pour enrayer la manifestation de la vérité. C’est peine perdue. Notre détermination et notre volonté de voir la justice triompher auront raison de toutes les entreprises de dissimulation et d’escamotage. Tôt ou tard, la justice passera.
Ciré Ba – Paris, le 04/11/2021
Deddahi le chef des tortionnaires du sinistre Taya m’ a fait subir le » Jaguar » en octobre 1986 à la 6e Région militaire à Nouakchott.
Membre du Comité de Soutien aux flamistes arrêtés le 04 septembre 1986 , j’ ai été arrêté le 12 octobre 1986 par Kérani Commissaire de Police du Ksar qui m’a conduit à la 6e Région. Deux jours après, Deddahi en personne m’a fait subir un interrogatoire coupé par 2 séances de torture au Jaguar qu’ il a dirigées lui-même « tapez arrêtez » jusqu’à mon évanouissement alors qu’ il connaissait tout par sa taupe qui était un membre très actif du Comité. D’ailleurs le lendemain il a fait venir sa taupe pour une confrontation avec moi.On s’est vu mais on ne sait rien dit-il est reparti libre et on m’a ramené en cellule.
Un ancien élève à moi qui assistait à ma torture, excédé m’a crié :M. Ba il ne faut pas vous tuer, vos camarades ont tout dit »et Deddahi de vociférer » sors »!
Son interview truffée de mensonges d’un raciste chauvin ne mérite pas que je m’y arrête, d’ autres ont fait le boulot.
M. Ba Oumar Moussa
Rescapé du Mouroir de Oualata