« La chronologie présentée ci-après est réalisée date par date afin d’endonner une vision plus claire. Les événements seront assortis d’un commentaire lorsque cela sera nécessaire pour en donner une vision plus précise. Nous avons ajouté à cette chronologie certaines réactions internationales. »

 

 

9 avril 1989 : Les habitants du village de Diawara (Sénégal) décident de ramener en Mauritanie un cheptel de bovins et de dromadaires mauritaniens venus paître dans leurs champs. Leur arrivée à Dounde Khoré (Mauritanie) ne se fait pas sans heurts, les Mauritaniens réagissent immédiatement. Bilan : 2 morts et plusieurs blessés du côté des Sénégalais. Plusieurs Sénégalais seront retenus par les forces de l’ordre mauritaniennes pour des interrogatoires. Cet événement sera le détonateur du conflit ouvert.

10 avril 1989 : Pillage de boutiques de commerçants maures à Bakel et Matam (Sénégal).

12 avril : Pillage de boutiques de Mauritaniens à Bakel (Sénégal).

13 avril : Pillage de boutiques de Mauritaniens et chasse à l’homme dans la ville sainte de Touba (Sénégal). La chasse à l’homme ne s’arrête que lorsque le calife général de la confrérie des Mourides annonce que tous les Mauritaniens de la ville sont sous sa protection.

16 avril : 20h30, édition principale du journal télévisé : « la barbarie du geste (18)  a amené les populations de Bakel pour un instant à déroger à leur hospitalité traditionnelle pour saccager les boutiques des mauritaniens présents dans la ville. » (19)

22 – 23 avril 1989 : Attaque et pillage de boutiques de milliers de commerçants mauritaniens. Début de la fièvre « anti nar ( 20) ». Dans les jours qui suivent, les attaques et pillages s’étendent sur tout le pays : Mbour, Diourbel, Louga, Tambacounda, Kolda, Ziguinchor.

Selon Sally N’Dongo, Président de l’Union des Travailleurs Sénégalais en France :« contrairement à ce que les gens croient à l’extérieur, ces pillages étaient l’œuvre de bandits organisés… Ce sont des bandits que certains hommes politiques de l’opposition ont déjà utilisés l’année dernière [1988] pour lancer des émeutes. Ce sont eux qui ont déclenché le pillage des boutiques de jeunes mauritaniens. » (21)

24 – 25 avril : Déchaînement de violences à Nouakchott et à Nouadhibou.

26 avril : Journée de calme à Nouakchott et à Dakar. Hassan II dépêche à Nouakchott une mission de conciliation composée de M Moulay Driss Alaoui M’Dghari, secrétaire d’Etatmarocain aux affaires étrangères chargé des affaires de l’Union du Maghreb Arabe, des Ambassadeurs d’Algérie, de Lybie, du Maroc et de Tunisie.

27 avril : Retour des premiers Sénégalais blessés, racontant les pogroms qui viennent de s’y dérouler.

28 avril : Déclaration d’Abdou Diouf après une visite au Centre de Traumatologie de Dakar : « Je ne pensais pas qu’on pouvait, en cette fin du deuxième millénaire, réserver à des êtres humains, à des semblables, un traitement aussi inhumain et dégradant. (…) Je comprends donc parfaitement la peine et la colère que ressent le peuple sénégalais car, je

l’avoue, le chef de l’Etat a été excédé et indigné, l’homme tout court blessé dans sa chair par ce qu’il a entendu. » Ces paroles, associées aux témoignages des rapatriés, ont engendré colère et vengeance : aux pillages c’est ajouté l’acharnement physique contre les Mauritaniens

et cela jusqu’au 2 mai, bien que le Président ait ajouté : « Ces sentiments ne doivent pas nous conduire à des comportements jusqu’ici inconnus chez nous. En particulier une attitude de vendetta surprendrait chez notre peuple dont les traditions et les croyances religieuses invitent au respect de la personne humaine. » (22) Cette journée est qualifiée de « Vendredi de l’horreur » par le journal Le Monde et de « vendredi fou » par Le Point.

Dernière semaine d’avril : Mise en place d’un pont aérien par l’Algérie, l’Espagne, laFrance et le Maroc pour procéder au rapatriement par avion de dizaine de milliers de réfugiés de chaque pays.

3 mai : La Mauritanie décide d’expulser tous les Sénégalais, mais également les Mauritaniens d’origine sénégalaise dont les papiers d’identité ont été établis postérieurement à 1966. Philippe MARCHESIN se demande si ce n’est pas là « une référence cynique aux troubles ethniques de cette année-là ? ».(23)

5 mai : Le Sénégal lance à son tour un processus d’expulsion des Mauritaniens.

5 mai : «Le Parti socialiste français (PS) a accusé samedi le gouvernement mauritanien d’agir d’une façon qui « s’apparente à une répression organisée de caractère raciste ». » (24)

7 mai : Jean-Christophe Mitterrand, conseiller aux affaires africaines de l’Elysée est reçu par le président mauritanien, pendant que Gilles Vidal, conseiller diplomatique à l’Elysée est reçu par le président sénégalais.

7 mai : Le président mauritanien Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya lance un « appel à l’unité nationale et à la concorde » lors d’une allocution télévisée en français, traduite en arabe par un interprète. Ce geste est sans équivoque à destination des Négro-mauritaniens francophones.

12 mai : Le président malien, Moussa Traoré, également président de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), annonce à Dakar que des mesures d’apaisement seront prises immédiatement par les autorités sénégalaises et mauritaniennes.

22 mai : L’Ambassadeur mauritanien au Sénégal, Mohamed Mokatar Ould Zanel, est rappelé par son gouvernement.

24 – 26 mai : La Mauritanie est absente du sommet de la francophonie à Dakar.

 

25 mai : Visite de M. Dumas rend visite au colonel Ould Sid’Ahmed Taya, chef de l’Etat mauritanien.

31 mai : « les élèves, en majorité « beydanes » (blancs) [ont] fait irruption dans une salle de classe où d’autres élèves assistaient à un cours de français. (…) Cet incident (…) intervient au moment où de nombreuses menaces ont été proférées contre la communauté française à

Nouakchott, accusée d’avoir pris parti en faveur des Sénégalais et des Négro-Africains mauritaniens dans le cadre du conflit qui oppose le Sénégal et la Mauritanie. » (25)

18 juin : Le ministère de l’intérieur mauritanien suspend officiellement les expulsions par « mesure d’apaisement ». En réalité, ils ne seront que ralentis.

18 juin : Les ministères de l’intérieur mauritanien et sénégalais ont symboliquement échangé quelques têtes de bétail pour réaffirmer le « droit à la libre circulation ». En réalité, la frontière reste fermée.

 

21 Août : Rupture complète des relations diplomatiques entre le Sénégal et la Mauritanie. Fermeture de la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie et de toute communication – terrestre, aérienne et même téléphonique – entre les deux pays.

 

(18) A propos des événements de Diawara du 9 avril.

(19)  Propos retranscrit dans le Livre blanc sur le différend avec le Sénégal.

 

(20) « nar » est le terme qui désigne les Mauritaniens au Sénégal.

(21)  Jeune Afrique, n°1483, 7 juin 1989.

(22) « Des comportements jusqu’ici inconnus chez nous », ANDRIAMIRADO, S., Jeune Afrique, n° 1479.

 

(23)  Année de parution du Manifeste des 19 du militantisme noir dénonçant l’accaparement du pouvoir économique et politique par la composante beydane, et du conflit ethnique lié à la généralisation de la langue arabe (l’enseignement de la langue arabe est rendu obligatoire en janvier 1965).

 

(25) Le Soleil, mardi 9 mai 1989

(25) Le Monde, 4 – 5 juin 1989.

Extrait de « Les événements de 89 » ou Le conflit Mauritanie – Sénégal

Mlle GOUSSEAU Véronique

Master 2 Européen de Développement Culturel : « La France en perspective »

Histoire contemporaine

Dossier réalisé dans le cadre du cours de Mme Florence TAMAGNE

Université Lille 3 Charles De Gaulle Année universitaire 2006 – 2007

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