Décédée le 2 avril, Winnie Mandela a été enterrée hier (samedi 14 avril). Son inhumation a été précédée d’un imposant hommage populaire dans le stade d’Orlando de Soweto. Tout un symbole ! L’irréductible n’imaginait pas vivre et mourir ailleurs qu’au milieu des siens. Elle n’a jamais succombé à la tentation des « beaux quartiers », contrairement à une bonne partie de l’élite noire post Apartheid. Soweto le lui a bien rendu.

Bien moins officiel et convenu que celui réservé à Nelson Mandela, l’adieu à Winnie paraissait moins contenu. La force des discours, l’absence de dirigeants étrangers et, à l’inverse la présence massive de «gens ordinaires », tout cela contribuait à accentuer le sentiment d’une communion authentique. Outre l’ultime salut à la militante et à la combattante de toujours, à la « mère de la nation », à la « fearless leader », à l’autre « mama Africa », après Myriam Makéba, nombreuses étaient les personnes présentes pour réparer, à leur manière, ce qu’elles vivaient comme une cruelle injustice infligée à une femme que rien n’aura épargné : la souffrance, la solitude de la jeune épouse très tôt privée de la présence de son illustre mari, arrêté en 1962 alors qu’elle est âgée de 26 ans, les deuils à répétition, la calomnie et l’humiliation, y compris de la part des « siens », après les coups tordus de la machine de l’Apartheid. Ce n’est pas un hasard si le nom de Thabo Mbeki a été salué par de bruyants et expressifs sifflets. La vie de Winnie Mandela, et sa mort, font penser à cette formule d’un journaliste à la mort de Nina Simone et qui sonne comme un soupir triste : une vie de malheurs. Beaucoup n’ont jamais pardonné à Winnie Mandela de ne s’être pas contentée d’être la femme de … et d’ avoir existé par elle-même, d’avoir tenu tête à l’ignoble système de l’Apartheid et à certains caciques de l’ANC ensuite .

On ne pense ni ne mesure jamais assez le fardeau et le sort fait à ces femmes vouées à être des ombres et des noms, ceux de leur maris : Pauline Lumumba, Mariame Sankara, Coretta King , Betty Shabbaz…..Winnie Mandela. Imagine-t-on, leur vie au quotidien ? Une vie faite d’angoisse et de peur ? Non pas la couardise mais la peur angoisse de la nouvelle de la mort, de l’assassinat. Imagine-t-on le poids du compagnonnage permanent avec la menace, l’intimidation, le risque qui rôde, les tracasseries, les filatures ? Et pourtant, il faut continuer à vivre comme si de rien n’était. Surtout pour les enfants qui ne sont pas en âge de comprendre. Une fois le drame survenu, il faut survivre et se battre pour deux et pour les autres, élever les enfants car la vie, elle, se poursuit. Il faut faire avec le souvenir qui est là, obsédant. On entend souvent dire maladroitement que le mort, lui, est délivré. C’est évidemment vrai en un sens. Nul n’a envie de mourir à « à 30 ans. Personne n’a envie de passer 27 années de sa jeunesse derrière les barreaux. Nul n’a envie d’être sauvagement torturé et de succomber à ses tortures.

Le hasard a voulu qu’au moment où Winnie Mandéla tire sa révérence, des centaines de veuves mauritaniennes dont les maris furent sommairement exécutés pour prix de leur combat en faveur de l’égalité , contre le racisme et les discriminations, se rappellent au bon souvenir des autorités mauritaniennes (ce que du reste elles n’ont jamais cessé de faire depuis 30 ans) ; Pour elles, il s’agit moins de savoir ce que sont devenus leurs époux que de faire en sorte que leur soit reconnue une ultime dignité. Regroupées depuis des décennies au sein de différentes associations et collectifs, elles mènent un combat aussi acharné que juste. Imagine-t-on ce qu’elles endurent depuis 30 ans ? Elles sont toutes des Winnie.

Ouamr Abdoul LY

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