Thierno Sada Baba consacre l’essentiel de son temps à la lecture du coran et aux prêches dans les mosquées ou les cérémonies religieuses. Il est né en février 1914 à Touldé, un grand quartier de Boghé. Sa date de naissance coïncide nous dit-il avec l’année du riz. C’est lui l’Imam Ratib (titulaire) de la grande mosquée de Boghé depuis le rappel à Dieu de feu, Thièrno Bocar Sokho, son prédécesseur à cette fonction et qui fut membre du Haut Conseil Islamique. L’âge très avancé de thierno Sada n’a pas affecté sa mémoire ni même sa voix qui demeurent intactes.

A ce jour, il continue de diriger les prières et se présente à toutes les cérémonies religieuses. Dans son salon traditionnel, il nous a reçu pour la deuxième fois consécutive pour nous livrer son témoignage sur le déroulement du congrès de 1958 à Aleg.

Sourires aux lèvres, le congressiste de 1958, lâche : « j’étais délégué de Touldé, mon village. Je n’étais pas seul. Je me souviens de Kalidou Atoumani, Ali Saîdou, Alassane Ibrahima, Djibi Silèye, Bariyel Lam et Bathia Bondé (père de Diallo Mamadou Bathia conseiller à la primature), feu Kane Mame N’Diack (ancien chef de canton et père du maire de Dar El Barka).

C’est Abdarrahmane O Soueîd’Ahmed qui a sauvé le congrès d’Aleg

Du côté de N’Dar (Saint Louis du Sénégal), la délégation était conduite par Bâ Mamoudou Samba Boli et elle comprenait Ali Diop (père de Diop Déwel, présidente du comité de solidarité avec les victimes des évènements de 1989) et Sada Dièri entres autres ». Les débats selon le nonagénaire étaient focalisés sur la création d’un état fédéral entre le Nord, le Sud et l’Est du pays ou l’intégration des pays voisins. « Les Halpulars présents au congrès optaient pour un état fédéral. Ceux qui venaient des deux Hodhs défendaient l’intégration au Mali alors que les Nordistes optaient majoritairement pour l’intégration au Maroc ». Après trois jours de débat sur la nature de l’Etat à adopter, Abdarrahmane O Soueîd’Ahmed, Emir du Tagant est désigné porte parole du congrès. Ce dernier dit-il, prend la parole vers minuit, et dit à l’assistance : « pas de fédération, ni d’intégration au Mali, ni au Maroc. S’il faut intégrer un pays, moi Abdarrahmane O Soueîd’Ahmed, je choisirai le Sénégal. Mais, moi, je choisis la Mauritanie, Mauritanie El Jédid». C’est ce jour que qu’il a été écrit en arabe et en français « République Islamique de Mauritanie ». Depuis, le nom du est transcrit sur les billets, et affichée dans les administrations. Malheureusement regrette le nonagénaire, cette appellation n’a jamais été traduite en acte. L’ami de Thièrno Mountagha Tall, Khalife général de la famille Omarienne rappelé à Dieu, en janvier 2007 à Dakar affirme que c’est Abdarrahmane O Soueîd’Ahmed qui a sauvé le congrès d’Aleg. Quant à Mamoudou Samba Boli, il était aligné sur les positions défendues par Me Moctar O Daddah, à savoir un Etat mauritanien unitaire. Sur le choix du premier président de la Mauritanie, l’Imam affirme que la présidence devait revenir de fait à Sid’El Moctar N’Diaye qui était député élu en 1956 à l’assemblée territoriale française après avoir battu M. Horma O Babana. Des manœuvres politiciennes de Me Moctar l’ont empêché d’occuper ce poste a fait remarquer le grand marabout. Etant de père Wolof et de mère Maure, les anciens dirigeants de la première république sous le prétexte qu’il n’était pas Mauritanien à 100% lui ont barré le chemin.
Et le vieil homme indique que la plupart des ex-colonies devenues indépendantes en 1960 étaient présidées par des députés à l’assemblée territoriale française.

Témoignage censuré par la TVM et la Radio

Au début du mois d’octobre 2010, une équipe de la radio et de la télévision était venue recueillir les témoignages de thierno sada dans son domicile à Boghé. Depuis, il observe chaque jour qui passe la télévision nationale dans l’espoir de suivre l’entretien réalisé en arabe et en pulaar qu’il a accordé à la chaîne de télévision nationale et la RM mais il n’a rien vu jusqu’au moment où il nous accordait l’entretien. C’est pour cette raison quand je suis revenu le voir, le 26 Novembre pour un entretien similaire, il a vivement protesté contre la censure de son témoignage par la TVM et la radio en affirmant qu’il ne voit pas l’opportunité encore de faire la même chose avec le Quotidien de Nouakchott de crainte de se voir censurer par notre journal. Y’a-t-il des propos gênants dans son témoignage ? Pourquoi alors la TVM se permet-elle de diffuser certains témoignages et d’en censurer d’autres ?
Ce n’est pas surprenant de la part d’une chaîne qui a fait de la censure, un credo bien avant d’essuyer les diatribes du chef de l’Etat qui avait eu l’inspiration dans les mois passés de faire une visite inopinée à la Télé. Et l’Imam de conclure que « tout est bienvenue en Mauritanie sauf la vérité ». Mieux vaut tard que jamais dit un adage ; la TVM peut se rattraper.

Thièrno Souleymane CP Brakna.

Source: Quotidien Nouakchott

Notre dossier spécial

A lire également

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *