Le système beydane a toujours établi un lien entre le poids démographique et l’antériorité de l’occupation de l’espace, d’une part, la légitimité de son hégémonie, d’autre part. La démographie et l’antériorité justifient la légitimité de son hégémonie. En réalité la nationalité arabo-berbère ne trouve sa légitimité que dans la violence de son pouvoir exprimée sous toute les formes. Elle ne peut se référer ni à l’histoire, car les Noirs sont les autochtones de ce pays, ni au nombre, car dans la réalité, elle est minoritaire.

Mais pour les Noirs, le fait d’être majoritaire et de se référer à une antériorité de l’occupation ne suffisent pas pour contrôler ce pays. L’Afrique du Sud est un exemple édifiant. Les Afrikaners sont d’origine européenne. Ils représentent 3 millions sur les 25 que compte le pays. Mais, ils sont arrivés à dominer celui-ci par le moyen de la violence politique, policière, militaire et par la domination économique.

De nos jours, même le semblant d’équilibre arithmétique n’est plus respecté par le SB. De mieux en mieux structuré, grâce à ses nouveaux cadres (souvent formés à la hâte pour remplacer les Noirs), ses moyens financiers obtenus grâce à une politiques de crédits par complaisance et à l’aide arabe, le SB se sent plus puissant et plus confiant. Ce sentiment de puissance fait qu’il ne se fait plus de scrupules dans ses attitudes chauvines et racistes. Le racisme et le chauvinisme officieux sont devenus la ration quotidienne des Noirs : c’est la beydanisation ou l’Apartheid mauritanien. Il se pratique à tous les niveaux de la vie politique, sociale, culturelle.

C’est ce que nous allons montrer dans les chapitres suivants.

1 -POLITIQUE

A/ LA REPARTITION ETHNIQUE DANS LES GOUVERNEMENTS

En Mauritanie, c’est la Palissade que de dire que les Beydanes croient que ce pays leur appartient exclusivement. Bien sûr, les Français les ont aidés tellement à y croire que leur mentalité collective exclut désormais catégoriquement l’éventualité de la nomination d’un Négro-mauritanien à la magistrature suprême. D’où le postulat : la Mauritanie ne doit être dirigée que par un Beydane.
Les gouvernements qui se sont succédé entre 1958 et 1985 n’ont jamais été représentatifs de la diversité raciale.

GOUVERNEMENT DE FÉVRIER
1966 GOUVERNEMENT DE FÉVRIER

1986 Ministres
Directeurs de cabinet
Ministres Secrétaires Généraux
et Directeur cabinet président
Noirs 2 1 3 2
Beydanes 9 11 10 13
TOTAL 11 12
(y compris celui du président) 13 15
(dont le secrétaire du gouvernement les 2 directeurs de cabinets)

Entre 1960 et 1986, le quota du tiers (1/3) et du quart (1/4) réservé aux Noirs est resté le même. Et pourtant, Haratines, Haalpulareen, Wolof, Sooninke et Bambara ont dix fois plus de cadres compétents, ayant une haute conscience d’Etat plus que les Beydanes chez qui le tribalisme est encore fortement ancré. En effet, chez ces derniers, la tribu prime sur l’Etat. La tendance actuelle, pour le système beydane, est de réserver certains ministères ou certaines directions exclusivement à des cadres beydanes.

B/ LES MINISTERES A TENDANCE EXCLUSIVEMENT BEYDANE

Le critère de désignation est donc celui de l’appartenance raciale et culturelle.

1°/ Justice et Affaires Islamiques

La réforme de 1973, prenant en considération les objectifs du congrès du parti du peuple Mauritanien (PPM) de 1971, avait décidé « l’arabisation des ministères qui n’ont pas un caractère technique et qui sont en relation directe avec l’ensemble de la population, comme par exemple la Justice et l’Intérieur ». Comme si l’ensemble de la population mauritanienne était arabo-berbère. En tout cas Maouya O/ Sidi Hahmed O/ Taya et Hamdi O/ Mouknass ne disent pas le contraire.

Depuis sa création en 1976, le ministère de la Justice et des Affaires Islamiques n’a jamais été dirigé par un Négro-mauritanien. Dans ce pays, tout ce qui relève du domaine de l’Islam et de ses activités au sein du gouvernement et des organismes internationaux (Ligue Islamique) est réservé exclusivement à la communauté beydane. L’Islam recommande l’unité de tous les musulmans au sein de la Umma, sans distinction de race, d’origine ethnique et sociale.

On peut s’appuyer sur la Tradition du Prophète en citant certains Hadiths, entre autres : « le musulman est le frère du musulman, il ne lui fait pas d’affront, ne le laisse pas à l’abandon, ne lui ment pas ; pour tout musulman, la richesse, les biens et le sang d’un autre musulman sont sacrés. Là est la piété (et le [Prophète] indiqua son coeur). Il suffit, pour un homme, de mépriser son frère musulman, pour qu’il soit dans le mal » rapporté par Al-Tilmidhi, d’après Abû Hurayra ; et : « L’un de vous n’est pas croyant tant qu’il n’aime pas pour son frère croyant, ce qu’il n’aime pour lui » – rapporté par les deux cheikhs, d’après Ibn Malik.

Par contre, les Arabo-berbères en général pratiquent l’Islam avec une forte teinte de racisme, de chauvinisme et d’obscurantisme. Leur arabisation les a amenés à croire qu’ils sont les dépositaires de cette religion en Afrique de l’ouest. Ce qui les grise et les amène à adopter une attitude qui laisse percer une pointe de « supériorité » raciale. On ne peut oublier la lettre que le Cheikh Ahmad Al-Bakkay Al-Kunti de Tombouctou a écrite à Ahmadou Ahmadou Barry Emir du Macina : « Jamais personne ne s’est avisé d’établir une autre Sunna que celle de l’Apôtre d’Allah, ni parmi les Arabes (blancs), ni parmi les Etrangers blancs, ni à plus forte raison par les Noirs » ; ou le poème écrit par Abdallah Cheikh Sidya à l’intention du cadi de Boghé Amadou Moktar Sakho : « la couleur de sa peau (noire) ne diminue point la valeur de son savoir » [« Qaadi el Jinaani » Abdallah O/ Cheikh Sidya].

Ces passages rendent un son bien particulier connu chez les Arabes : celui d’une supériorité culturelle et religieuse, le Coran ayant été révélé à un Arabe « blanc », en « langage clair », la langue arabe. Le complexe du peuple élu n’est pas l’apanage des Juifs.

En Mauritanie, dans le domaine de la justice, on a fait table rase de tout ce qui n’est pas arabo-islamique. Actuellement toute la justice est arabisée. Même le colonisateur français avait eu plus de scrupule en créant des tribunaux pour Noirs dirigés par des Cadis noirs et des tribunaux pour Beydanes dirigés par des Cadis beydanes. Sur l’ensemble de la Mauritanie, il n’existe qu’un seul Cadi négro-mauritanien, celui de Boghé. Or, les Cadis jouent un rôle important dans les jugements concernant certains types de conflits opposant Noirs et Beydanes (terres de culture, esclavage, etc). La justice beydane a un principe : elle ne prend jamais partie contre un Beydane.

Sur les cinq mosquées officielles (appartenant à l’Etat), que compte la ville de Nouakchott une seule est dirigée par un Négro-mauritanien. Celui-ci a été désigné après des tractations, parce que les Beydanes ne voulaient pas d’un Noir imam. Rares sont les Beydanes qui acceptent d’être dirigés dans leurs prières par un Négro-mauritanien.

2°/ Affaires Etrangères et Coopération

C’est la deuxième chasse gardée de la classe politique beydane. Il n’a pas été dirigé par un Négro-Mauritanien depuis 1967, avec Wane Birane Mamadou. C’est dans la logique des choses. Le SB veut donner à la Mauritanie une image extérieure blanche, arabe . Cela correspond à l’orientation politique et idéologique pararabiste exprimée par cette génération d’intellectuels chauvins nassériens et baassistes dont on a fait cas plus haut. En 1967, ils ont fait des pressions pour que la Mauritanie quitte l’OCAM et l’OUA parce qu’elle n’était pas membre de la Ligue Arabe !! Elle quittait la première organisation sous prétexte d’anticolonialisme. Mais O/ Daddah n’a pas trouvé d’arguments valables pour quitter la seconde, d’autant que tous les pays maghrébins y adhéraient.

Pour répondre à cette nouvelle vocation panarabiste, la classe politique beydane a donné à la Mauritanie une politique étrangère essentiellement orientée vers le monde arabe.

On était loin de l’atmosphère sécessionniste du Congrès d’Aleg pendant lequel il fallait « composer » avec ces nègres qui entendaient encore résonner les appels à la réunification avec le Sénégal. A l’ouverture du Congrès d’Aleg, le 2 mars 1958, le vice-président du Conseil du gouvernement, Moktar O/ Daddah était obligé de tenir ce langage, même s’il n’y croyait guère : « Si la Mauritanie veut jouer pleinement le rôle de trait d’union auquel la vouent sa position géographique, ses traditions, sa dualité ethnique, elle ne peut s’intégrer trop intimement à l’un de ces deux pôles qu’elle est chargée de mettre en contact … »

Département AFRIQUE MOYEN-ORIENT ASIE AMÉRIQUES EUROPE

ou s/région Noire du Nord Arabe N-Arabe Nord Sud + Centre Est Ouest
Nombre de pays 46 5 12 3 16 2 20 9 16
Ambassades 4 5 6 1 1 1 0 2 4
Consulats 5 2 1 0 0 0 0 1 3
Total 9/46 14/ 17

Bien qu’il y ait une proportion importante de cadres négro-mauritaniens arabisants, ayant tous fait leurs études dans les universités arabes , le système beydane se garde d’en envoyer comme Ambassadeurs dans le monde arabe.

NÉGRO-MAURITANIENS BEYDANES TOTAL %

Ambassades 5 20 25 25 %
Consulats 1 10 11 9,09 %
Administration Centrale (Secrétaire général, Directeur de département, conseillers, chef de protocole)
2
6
8
25 %

La politique de désinformation a si bien réussi que partout dans le monde on croit que la population de la Mauritanie est arabe à 100 % – quel est le Noir membre d’une délégation mauritanienne qui n’a pas été victime de cette méprise dans les pays arabes ? « vous êtes mauritanien, vous êtes Arabe, donc vous parlez arabe »!!

La politique étrangère ne répond guère aux préoccupations politiques et/ou réelles du fameux slogan : Mauritanie, trait d’union entre le monde noir et le monde arabe.

3°/ Ministère de l’Intérieur : administration territoriale
Il est devenu une tradition de nommer de plus en plus de Beydanes dans le Sud, à des postes de gouverneurs, de préfets et de chefs d’arrondissements. Ce qui inquiète beaucoup les populations qui font l’objet d’exactions, d’injustice, d’humiliations qui rappellent à n’en pas douter les comportements des commandants de cercle à l’époque coloniale.

GOUVERNEURS PRÉFETS TOTAL

Noirs 2 16 18
Beydanes 11 39 50
Total 13 soit
15,38 % de Noirs
50 soit
32 % de Noirs 68 soit 26,47 %
dans le commandement territorial

La nomination d’administrateurs beydanes vise des objectifs très dangereux pour les populations du Sud. Nous parlerons de deux principalement :

a) les barrières administrative, policière et douanière
Elles visent à rompre tout lien entre les habitants des deux rives habitées par les mêmes familles, wolofs dans la Basse vallée, Haalpulaaren et Soninke dans la Moyenne vallée, Soninke dans le Haut-Sénégal.
On ne peut empêcher un Walo-walo de vivre librement à Brenn, à Rosso Sénégal, à Gae-Gani, à Rosso Mauritanie, à Dagana. Le Waalo est un – c’est sa patrie historique.

On ne peut empêcher un Fuutanke de vivre librement à Tekane, à Podor, à Wocci, à Hoorofonde, à Bokkijawe, à Kaédi, à Matam. Le Fuuta est un – c’est sa patrie historique.
On ne peut, enfin, demander à un Gidimaxanke de ne pas vivre librement à Wompu, à Bakel, à Boully, à Gemou. Le Gidimaxa est un – c’est sa patrie historique.

Malgré les frontières coloniales qui divisent leurs territoires de parcours, on ne peut empêcher les Hel Barikallah, les Rgeibat, les Hel Mohamed Fadel ou les Tekna de se sentir mauritanien et saharouis. L’Etat beydane favorise cette politique d’assimilation en octroyant à des Rgeibat ou Tekna saharouis la nationalité mauritanienne alors qu’il pratique dans le Sud, pour des réalités historico-culturelles encore plus complexes, une politique discriminatoire : – Aux habitants de la rive droite (mauritanienne) on applique une malthusianisme administratif (voir plus haut) ;

– Aux habitants de la rive gauche (sénégalaise), on applique une politique de refoulement et d’endiguement administratifs.
Tout sooninke est chez lui en Mauritanie, au Sénégal et au Mali. Tout Fuutanke, tout Waalo-waalo est chez lui en Mauritanie et au Sénégal. La Mauritanie a été créée sur l’ancien Tekrour, terre où se sont créées, puis individualisées et développées ces trois nationalités.

b) le deuxième objectif de l’Etat beydane dans le Sud est la confiscation des terres alluviales du fleuve Sénégal. En effet, celles-ci prennent de plus en plus une importance économique considérable pour la classe politico-bourgeoise, du fait de la sécheresse et à cause de la régulation et de la rétention des eaux du fleuve Sénégal (Diama, Manantali). Nous y reviendrons dans le chapitre consacré à l’économie.

Extrait du Manifeste du Négro mauritanien opprimé » de la question nationale à la lutte de libération nationale », février 1966 – avril 1986.

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