Le régime de Nouakchott vient de prendre des mesures tendant à réformer le système éducatif, après avoir reconnu, la mort dans l’âme, l’échec patent de l’Arabisation forcée.
Il le reconnaît 20 années après nous. Pendant bien des années nous avons, en bons patriotes sincères, crié notre désaccord contre ces néfastes Réformes, et que malgré la répression, nous avons continué de dénoncer. Aujourd’hui Ould Taya nous donne enfin raison !
Rappelons qu’entre 1959 et 1984, une série de réformes antinationales avaient été mises en chantier, dans la passion et la précipitation; elles avaient été guidées, essentiellement, par une idéologie dont la motivation exclusive a été et demeure l’utilisation de la langue Arabe, non comme moyen d’épanouissement pour tous, mais comme instrument d’exclusion des Négro-Africains.
Et voilà les résultats: un Enseignement public en ruine, nos étudiants au bas de l’échelle dans les universités étrangères, incapables de suivre. Bref des générations de Mauritaniens sacrifiés! Les responsables d’un tel gâchis humain devront un jour répondre de leur forfaiture. Si le Régime reconnaît enfin l’échec de ses réformes, Ould Taya demeure toujours incapable d’opérer le vrai changement, car dans le fond il n’a pas renoncé à son idéologie raciste.
Il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner les objectifs déclarés de la réforme. Le Régime parle “d’unifier le système”; or cette apparente unification, se fait à nouveau au détriment du Négro-Africain; en effet l’Enseignement de six matières au définies comme “matière culturelles” (philosophie, langue, histoire, géographie, instruction civique, morale et religieuse, droit etc…) dispensé en Arabe, reste imposé aux Négro-Africains.
N’est-ce pas là une manière bien sournoise et malhonnête, de poser la langue Arabe comme élément essentiel de culture commune à toutes les composantes nationales, alors qu’il n’en est rien! On peut s’interroger sur ce que deviendront tous ces enfants Négro-Africains, moins doués dans les sciences – et ils sont légion – contraints de s’orienter lettre, où l’Enseignement se fera désormais obligatoirement en Arabe, où ils accusent un lourd handicap?
N’est-ce pas là une sorte de plan secret visant à les amener vers un échec certain ? Entre autre objectifs de la réforme, on peut noter la volonté déclarée d’œuvrer, semble-t-il à la “promotion des langues nationales” c’est-à-dire les langues négro-africaines (Pulaar, Soninké, Wolof); mais peut-on parler de promotion de ces langues, et supprimer du même coup et leur expérimentation (réussie) à la base et l’Institut des Langues Nationales?
La mise en place d’un département de Langues Nationales à l’université, certes positive, ne s’aurait en rien s’opposer à leur expérimentation dans le fondamental, entreprise depuis 1984 et qui a donné de bons résultats. On supprime quelque chose qui échoue, pas ce qui réussit ! Voilà pourquoi les motifs évoqués nous paraissent troubles, et laissent induire une volonté manifeste de se débarrasser, à bon compte, une fois pour toute, des Acquis dans ce domaine.
Nous considérons cela comme un acte très grave, que la communauté Négro-Africaine se devrait de retenir. Enfin dès la première lecture, des carences et incohérences pédagogiques nombreuses contenues dans cette Réforme-là, sautent aux yeux. Il en est ainsi de l’imposition obstinée de l’Arabe aux enfants Négro-Africains en 1ére années, que rien ne justifie.
Tous les pédagogues et psychologues s’accordent à dire que commencer par une langue étrangère pour l’enfant, constitue un handicap majeur évalué à six années de retard. Hier comme aujourd’hui, l’Enfant Négro-Africain devra affronter le double handicap d’une double langue étrangère (Arabe et Français).
Il faudrait être surdoué pour réussir dans un tel système! De plus l‘Instruction civique” pour un enfant de six ans semble manifestement absurde, car cela ne permet, ni l’acquisition du civisme, ni celle de la religion. Nous n’avons pas évoqué, pour terminer, l’Enseignement du calcul qui ne débute qu’en 3éme année et celui de Sciences Naturelles en 5ème année ! Des retards cumulés pour rien !
Tout cela montre bien que nouvelle réforme, retombée dans les travers des réformes précédentes est un leurre; que les objectifs initiaux de discrimination à caractère raciste contre les Négro-Africains n’ont pas varié. Elle n’a pas pour vocation, contrairement aux attentes, de garantir la justice et de rétablir la concorde, et l’unité des coeurs.
Elle n’est pas venue unir mais unifier en gommant l’identité des uns. Il faut noter que cette réforme nouvelle pourrait être interprétée dans certains milieux, comme un bonus pour les négro-africains; elle s’inscrirait donc, pense-t-on, dans une perspective de main tendue en direction des Négro-Africains, en signe de décrispation; comme pour faire croire qu’elle profiterait surtout aux Négro-Africains !
Cette interprétation nous semble tout à la fois erronée et dangereuse, pour créer l’amalgame. En effet, vue sous cet angle, elle aurait tendance d’une part à poser, à tort, la lutte des Négro-Africains comme une lutte pour le français. Laissons aux Français de France le soin de mener une telle lutte; et d’autre part, elle réduirait abusivement leur problème en un problème exclusivement culturel.
Une telle position est extrêmement dangereuse, car elle change la nature du problème qu’elle simplifie à outrance. En fait le problème Négro-Africain est un problème d’exclusion globale; exclusion sur le plan politique, économique, culturel et social. Ils réclament l’Enseignement des Langues Nationales garant de leur identité, en toute légitimité, sans exclure ni l’Arabe ni le Français. Tel est l’enjeu et la véritable dimension du problème! Quelle solution pour notre système Educatif ?
Nous devons avouer qu’il est plus difficile, à l’heure actuelle, d’imaginer un système qui satisfasse tout le monde, compte tenu de la profonde déchirure sociale actuelle; Raison de plus pour considérer que la réforme de notre système éducatif est une chose trop sérieuse et trop sensible pour être confiée, en cachette, à une bande d’individus, à l’honorabilité douteuse.
Elles devrait, au contraire, faire l’objet d’une large concertation nationale. Il faudrait aussi ajouter que cette nouvelle réforme, remake de la réforme de 1973, ne correspond plus à l’état des rapports communautaires de 1984, mis sous le boisseau. En retombant dans les travers des réformes précédentes, elle omet de prendre en compte l’essentiel, c’est-à-dire les identités respectives.
Voilà pourquoi elle ne peut convenir ni aux uns ni aux autres. Mettre en place, aujourd’hui un système Éducatif dans le cadre d’un État-nation (alors que la nation mauritanienne n’est qu’une utopie), malgré les résistances, suppose pour être accepté dans un souci de compromis, qu’un certain nombre de règles essentielles minimales soient respectées :
– Faire en sorte que chaque communauté ne se sente plus, ni aliénée, ni handicapée, l’une, l’autre;
– Faire en sorte que le système Educatif soit en harmonie avec l’Identité et les aspirations des uns et des autres. D’où, faire reposer donc l’Enseignement d’abord sur les langues nationales. Cet Enseignement resterait toutefois ouvert aux autres langues étrangères; langues nationales et Français à la place réservée devraient cohabiter dans une relative harmonie.
On prendrait également la précaution, pour éviter les avatars du passé, d’introduire dans l’Enseignement, mais à dose homéopatique, les langues Négro-Africaines chez les Beydanes et réciproquement l’arabe chez les Négro-Africains; filière où chaque langue aurait un statut de langue de communication, tout court; nous ne devons plus perdre de vue que l’unité et l’égalité entre Mauritaniens, suppose que chaque mauritanien accorde à son voisin autant de respect et de considération qu’à soi-même.
En fait, la vraie solution résiderait, non dans l’imposition, mais dans la liberté donnée à chaque communauté de mettre, librement, en place un système qui respecterait ses aspirations; et cela n’est possible que dans le cadre de l’Autonomie.
Cette réforme que nous venons d’examiner – une de plus – le régime l’offre dans une double perspective; tenter d’abuser l’opinion internationale sur sa volonté de changement d’une part, distraire les Négro-Africains sur l’essentiel d’autre part; et cet essentiel réside dans ce système qui les opprime sur le plan politique, économique, culturel et social. Les Négro-Aricains devront donc rester vigilants.
Fait à Dakar le 01 Juillet 1999
Les Forces de Libération Africaines de Mauritanie.