A mon réveil, il est 16heures.J’ignore complètement ce qui se passe. Je fais mes ablutions et prends le coran pour lire, quand un garde se présente. Qu’est-ce que tu fais là, me dit-il alors que tous les hommes sont aux puits? Je dormais, répondis-je. Allez: sors et va rejoindre les hommes. Je m’exécute. En sortant, nous rencontrons deux autres gardes dans la cour de la maison.

Ceux-ci me rappellent pour que je leur donne les clés du bâtiment. C’est à vous, me demandent-ils en désignant la maison? Oui, dis-je. Vous êtes peut-être le chef, mais vous serez battus, sale nègre!

Le 25 avril correspond au 29 du mois de Ramadan. Il est 11heures, nous causons tranquillement devant l’unique boutique du village lorsque des nouvelles alarmantes nous parviennent: des gardes ont occupé le village de Mafondo (Gorgol) situé à 10 km de là. Ils ont battu des gens à mort. Pourquoi? s’enquirent certains. Parce qu’ils n’ont pas prié pour la fête aujourd’hui: nous avons écouté la radio jusqu’à 10heures et la commission a décrété que la fête serait pour demain. L’inquiétude qui règne revient sur les visages. Quelques minutes plus tard, chacun regagne sa maison, attendant anxieusement et avec résignation son sort. Les heures passent longues et inquiétantes. Puis on recommence à espérer que c’est une fausse alerte.

 

Les gens reprennent leurs activités normales. A15heures, les voitures entrent dans le village. Beaucoup dorment en cette fin chaude de Ramadan. Certains sortent de leurs cases. On leur dit que le lieutenant demande une réunion hors du village avec tous les hommes. Je dormais. A mon réveil, il est 16heures.J’ignore complètement ce qui se passe. Je fais mes ablutions et prends le coran pour lire, quand un garde se présente. Qu’est-ce que tu fais là, me dit-il alors que tous les hommes sont aux puits? Je dormais, répondis-je. Allez: sors et va rejoindre les hommes. Je m’exécute. En sortant, nous rencontrons deux autres gardes dans la cour de la maison.

Ceux-ci me rappellent pour que je leur donne les clés du bâtiment. C’est à vous me demandent-ils en désignant la maison? Oui, dis-je. Vous êtes peut-être le chef, mais vous serez battus, sale négre! Quand je retourne pour leur donner les clés, le premier garde me dit: Ah bon, vous nous frapper. Je comprends que cela des provocations et je ne réponds pas. Il me conduit jusqu’à l’assemblée et fait un signe que tout le monde a vu pour indiquer qu’on doit me frapper. Je trouve A.S.Ndaw en train de répondre au brigadier combien nous sommes des citoyens exemplaires. Je sais, dit le brigadier et tout ce que vous dites est vrai et se voit à l’œil nu, mais j’ai reçu l’ordre du lieutenant que voici là-bas de vous faire frapper. Il nous partage en trois groupes: les jeunes, les moins jeunes et les vieux.

 

Comprenant qu’il s’exécutait malgré lui, je demande à rejoindre le groupe des vieux et j’invoque des raisons de santé. D’accord, dit le brigadier: que tous les malades et handicapés rejoignent ce groupe en colonnes. Pour les autres, allez-y, déshabillez-vous!

 

Les coups commencent à pleuvoir sur les torses nus. Pendant que les autres gardes nous intiment à coups d’injures l’ordre de ne pas baisser les yeux et de regarder la scène. Dès que le supplice commence, le lieutenant et son escorte s’en vont. L’un d’eux, en souriant, nous fait un signe d’adieu de la main. La scène de punition dure 40 minutes. Le brigadier donne l’ordre d’arrêter et demande à tout le monde de se rassembler. Il nous donne des conseils et s’étonne de la chance que nous avons eue. Si vous aviez vu les gens de Mafondou ce matin, vous sauriez que vous avez eu de la chance.

 

Maintenant, attendez que les gardes qui sont partis pour la fouille reviennent et on vous laissera partir. Sur ces entrefaites, mon premier garde-toujours lui se présente et me désigne du doigt. Il dit au brigadier: celui-là nous a frappés, nous voulons qu’il reçoive une correction exemplaire. D’accord, dit le brigadier, prenez-le et faites le coucher là-bas. Cinq gardes, dont les trois qui étaient venus chez moi, s’emparent de moi, me déshabillent, me retourner les bras derrière le dos, sur les omoplates, à la manière d’un animal qu’on immole, et me font coucher sur le ventre. Les coups commencent, donnés par cinq gardes, chacun faisant à qui mieux mieux.

 

Quand j’invoque le nom de Dieu pour implorer son secours, l’un d’eux me donne un coup de crosse pour me faire taire: sale nègre, dit-il. La scène dure une éternité, jusqu’à ce que sur l’imploration de l’instituteur qui faisait la traduction, le brigadier intime l’ordre d’arrêter. Je me traîne jusqu’à l’assemblée et le brigadier se retourne de nouveau vers nous: vous pouvez aller vous plaindre n’importe où, vous savez bien que cela ne servira à rien. Vous savez que cette situation dure depuis un an et que les gardes ont tué des gens pour rien; ils s’en fichent. Me désignant, il dit: vous le savez plus que tout le monde parce que vous êtes même plus âgé que moi. Ce que je vous conseille dans cette situation, c’est de fermer les yeux, les oreilles et la bouche. Mais qu’est-ce que j’ai dit ou fait, demandez le leur, répondis-je. Je ne sais pas, dit-il peut-être que vous n’êtes pas gentil avec eux…

Il est 17h30.Les gens demandent à prier.Vous pouvez partir d’ailleurs ,dit le brigadier.La foule se disperse.Les gardes rentrent dans les véhicules et s’en vont.De retour à la maison,après la prière,je pense à ma famille.Je pénètre dans les chambres:tout est sens dessus-dessous.Je me dirige vers la valise qui contenait les boucles d’oreille de ma fille:elles ont disparu!Elles pesaient 20 gros d’or pur. Sur ces entrefaites,ma femme rentre de voyage de soins à Lexeiba. Elle me raconte qu’ils ont été obligé de passer la journée à Mafondou,en raison des événements. Elle nous décrit ce qu’elle a vu.Nous nous mettons tous à remercier Dieu,car nous comprenons effectivement,comme l’a dit le brigadier,que nous n’avons pas recu le quart de la punition de Mafondou,ni en humiliations,ni en sévices.

MÉDITATION: Dieu n’est-il pas le meilleur des juges? Certes, et lui seul sait combien de temps durera cette situation et combien de fois se répéteront ces actions. Car comme nous dit le brigadier: attachez vos ceintures, car tant qu’il n’y aura pas de solutions, ce sera comme ça et la prochaine fois ce sera pour vous mettre au poteau.
Pour cela, nous faisons quand même appel à la justice des hommes afin que le massacre des noirs s’arrête, que réparation soit faite et que les objets pris soient restitués.

La lutte continue.

JEERIYEL TUMMBÉRE SALL
INSPECTEUR DE L’ENSEIGNEMENT

NOUAKCHOTT-MAURITANIE

 

 

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