DEBATS

(Débats faisant suite aux interventions de MM. MESSMER[1], LE BORGNE[2], CHEVANCE[3] et GASTON[4]: Un mois après le colloque, sur la demande de M. François BESLAY, le Secrétaire de l’Association des Amis de la Mauritanie, j’ai rédigé mes interventions que je lui ai envoyées pour une publication dans les actes du colloque. Dans le document qui a été publié, la direction de l’association n’a pas daigné intégrer ce texte. Elle a publié, par contre, dans ces actes des propos déformés. Et pourtant, les communications et les débats avaient été enregistrés).

 

(Ne pas citer sans l’autorisation de l’auteur).

 

1/Réponse à M. MESSMER : J’avoue être très déçu après toutes ces interventions qui n’ont parlé exclusivement que de la société bidan, en ignorant les Négro-africains de la Mauritanie.

 

Certes, Monsieur le Premier Ministre, vous avez été commandant de cercle de l’Adrar, mais après vous avez exercé les fonctions de gouverneur de la colonie de Mauritanie. A ce titre je m’attendais à ce que vous parliez de l’ensemble des populations sur lesquelles vous aviez exercé ces fonctions, c’est-à-dire les Wolof, les Sooninko, les Bîdân et les Haal pulaar’en. C’est une occasion pour les chercheurs en Histoire et dans d’autres disciplines comme l’Anthropologie de bénéficier du témoignage de quelqu’un qui exerça les plus hautes fonctions dans cette colonie particulière. Mais, je me rends compte, selon vos propos que les Noirs n’existent pas dans ce pays.

 

  1. le Premier Ministre, vous avez parlé de « césure raciale » dans les colonies comme le Sénégal, la Guinée dont la couleur de la peau des habitants contrastait avec celle des administrateurs coloniaux qui sont, eux, des Blancs. La Mauritanie présentait, comme vous dites, une situation toute particulière par rapport aux pays du sud du Sahara : La population étant blanche, cette « coupure raciale » n’existait donc pas en Mauritanie entre « eux » et « nous ». Vous tirez ainsi la conclusion que cette absence de « coupure » raciale « (…) jouait en faveur de la cohésion entre maures et colonisateurs (…) ». Quand vous parlez des « Mauritaniens« , M. le Premier Ministre, il faudra prendre la précaution de bien spécifier, car les territoires sud de cette colonie que vous avez commandée en tant que gouverneur sont peuplés de populations noires qui faisaient quant à elles, comme au Sénégal ou au Cameroun cette « coupure raciale«  avec le personnel de l’administration européenne.

 

2/ Réponse à M. Le Général Le BORGNE :

J’interpelle ensuite M. le Général sur deux points :

 

A – Le premier concerne la conquête coloniale en Mauritanie.

Vous dites que celle-ci fut réalisée grâce au soutien des Noirs, particulièrement le corps des Tirailleurs Sénégalais. Là aussi il faudra rétablir la vérité historique. Pourtant les circonstances de cette occupation sont assez connues grâce aux nombreux témoignages laissés par les acteurs militaires français de cette conquête. Je ne comprends pas pourquoi on continue à véhiculer encore cette opinion fausse mais largement répandue qui veut que ce soit exclusivement les Noirs de Mauritanie et d’ailleurs qui ont aidé la France à réaliser ses conquêtes dans du Trab el Bîdân. Les rédacteurs des manuels d’Histoire de la Mauritanie sont allés jusqu’à diviser les populations en deux catégories : celle des soumis et des collaborateurs (les Noirs originaires du fleuve et quelques tribus arabo-berber) et celle des résistants (le reste de la communauté bîdân).

 

Quel a été le degré de participation des Sudistes dans la conquête du Trab el Bîdân ?

Pour éviter toute équivoque nous pouvons faire appel aux documents et livres écrits par les acteurs français de cette conquête. Il y a d’abord les documents d’archives de toute la période comprise entre 1902 et 1914, au cours de laquelle les grandes campagnes militaires furent menées. Les télégrammes et rapports rédigés par ceux qui avaient conduit les colonnes d’occupation (COPPOLANI, GOURAUD, et cetera), les mémoires[5] de certains officiers. Si on se réfère à toute cette documentation, on peut retenir trois conclusions essentielles :

 

a – Les Sooninko du Gidimaxa n’ont pas participé à ces campagnes. Les recrutements des soldats formant le corps des Tirailleurs Soudanais puis celui des Tirailleurs Sénégalais se faisaient dans les villages de liberté de Kaay (Soudan français) de Bakkel (Sénégal) et de Selibaabi (Mauritanie) crées par les administrations coloniales Soudanaise et sénégalaise respectivement en 1892 et 1905, et habités exclusivement par d’anciens esclaves fugitifs.

 

b– Au Waalo Barak (Wolof) et au Fuuta Tooro (Fulbe), les chefs de provinces avaient formé, sur la demande de l’administration des goums de provinces composés de partisans. Parmi ces chefs, le plus remarquable fut sans aucun doute le sous-officier interprète Bayla Biraan Wan. GOURAUD écrit qu’il fut (…) le chef toucouleur qui, par son seul prestige donna 100 auxiliaires à la colonne (…) »[6]. Le rôle de chacun des goums était de patrouiller dans sa province pour protéger les populations sédentaires contre les pillages des medjbur;

 

c– L’apport des Sudistes fut en réalité insignifiant comparé à celui des tribus de toutes les régions du Trab el Bîdân qui elles, fournirent des guerriers, des renseignements, du bétail pour le ravitaillement et pour le transport. Les documents d’archives montrent clairement que toutes les tribus ont été utilisées à une période donnée de la conquête militaire (entre novembre 1902 et mars 1933) par la puissance coloniale pour occuper ces territoires. Ces documents fournissent même des statistiques précises sur leurs contributions en hommes (guerriers, chameliers), en bétail (montures, ravitaillement en viande).

 

Les tribus ralliées aidèrent aussi les colonialistes à mieux maîtriser la stratégie militaire de la résistance bidan. En conclusion, on ne pourrait imaginer la conquête du Trab el Bidan sans cette contribution déterminante des tribus alliées qui trouvèrent elles aussi des intérêts certains dans cette collaboration avec les Français.

 

Pour comprendre les raisons de cette collaboration et de la présence de nombreuses tribus parmi les colonnes françaises d’occupation, il faut analyser le contexte politique dans lequel se trouvaient à l’époque les émirats. Les troubles politiques souvent dévastateurs étaient à l’état pandémique : conflits entre tribus guerrières, entre tribus zwaya, entre tribus guerrières et zwaya. Les rivalités, l’insécurité, inspirèrent chez COPPOLANI « (…) sa politique de défenseur des opprimés » qui trouvera une nombreuse clientèle parmi les Zwaya qui étaient les principales victimes des troubles politiques. C’est ce que montre d’ailleurs le commandant Gillier dans son livre, La pénétration en Mauritanie. Il écrit : « (…) C’est ainsi que, fait unique dans les annales musulmanes, ce sont les religieux qui nous ont préparé les voies, puis introduits en Mauritanie. Coppolani sut en effet gagner rapidement la confiance de Cheikh Saad Bou et surtout de Cheikh Sidia. (…) Et l’on peut dire que c’est pour une grande part à l’amitié que lui témoigna ce dernier qu’il dut la rapidité et l’étendue de son succès et que nous pûmes faire reconnaître notre autorité dans toute la Mauritanie du Sud presque sans coup férir »[7]. Les Kunnta, les Meshduf, les Tejakant, les Ahel Sîdi Mahmud, les Ahel Mokhtar, etc jouèrent le même rôle au Tagant et dans le Hodh.

 

En même temps, les Français allaient exploiter habilement les rivalités entre les tribus guerrières. A partir de 1909, celles-ci participèrent efficacement à des opérations de police contre les résistants et les pillards. Les principaux collaborateurs à ces opérations furent les chefs Wul Deyd, Ahmed Salum wul Brahim Salum du Trarza, Bakkar Wul Hameyyâda du Brakna, les Shrâttît du Tagant, etc. D’ailleurs, dès sa prise de fonction de commissaire du gouvernement général en Mauritanie en janvier 1910, le colonel PATEY inaugura la nouvelle politique de collaboration avec les tribus guerrières, alors que jusque-là, cette collaboration s’appuyait exclusivement sur les Zwaya.

 

Le soutien des tribus bidan du Trarza (Awlad Ben Dahman), du Brakna (Awlad Seyyid, Awlâd Noghmash, Awlâd Ehli Ekhel et Nasseri, Twâbîr), du Tagant (Shrâttît), et les Ahel Sidi Mahmud entre le Hodh et le Tagant dans les conquêtes coloniales du Waalo Barak (1854-1875), du Fuuta Tooro (1858-1890) et du Gidimaxa (1885-1890) est paradoxalement occulté.

 

Nous citons quelques exemples :

*La coalition entre l’émir du Brakna Sidi El Wul Ahmeddu (1858-1893) et Saint-Louis contre l’armée du Fuuta Tooro conduite par l’Almaami Ceerno Aamadu Demmba LIH qui voulait reconquérir  en juin 1862 les provinces du Tooro et du Dimat annexées au Sénégal par les Français respectivement en 1858 et en 1862.

 

L’assassinat du Jaagorgal (Grand électeur) du diwaan (province) du Boosoya et dernier grand dirigeant du mouvement nationaliste anticolonial du Fuuta Tooro, Abdul Bookar KAN, le 4 Août 1891 près de Geru (Haayre NGal)[8] fut initié et organisé par la Direction des affaires politiques de Saint-Louis en collaboration avec la chefferie des Shrâttît[9]. Entre 1879 et 1890, toutes les colonnes françaises d’expédition punitives puis d’occupation du Fuuta Tooro central furent appuyées sur la rive droite par les Twâbîr, les Awlad Noghmash et les Awlad Eli (Ahel Nasseri) du Brakna et par les Shrâttît du Tagant.

 

*Entre 1884 et 1885, les Ahel Sidi Mahmud participèrent activement à la campagne organisée par une coalition franco-fuuta tooranke contre le nationaliste religieux sooninke Mammadu Lamin DARAAME et son fils Suwaybu.

 

Il est incontestable que les contradictions (sociopolitiques) internes au Waalo Barak, au Fuuta Tooro, dans les Etat (NGalam) et province (Gidimaxa) sooninko du Haut-Sénégal, les guerres intestines et intertribales au sein des confédérations du Trarza, du Brakna, du Tagant, de l’Adrar et du Hodh, en résumé les contradictions souvent antagonistes entre ces différents peuples facilitèrent grandement à leur début les conquêtes respectives de leurs territoires, même si à la fin les Français ont rencontré des résistances farouches de la part des partis nationalistes.

 

Le second point concerne la question militaire : Vous avez dit, mon Général,  je cite « En Mauritanie, on n’a jamais organisé le service militaire ». Ceci est valable en milieu bidan car il existe un arrêté de 1912 dispensant les Bîdân de toute conscription militaire. Nous vous citons ce passage de la lettre du Lieutenant colonel OBISSIER, Commissaire du gouvernement général et commandant militaire en Mauritanie adressée au Gouverneur Général de l’A.O.F. en juin 1916 : « (…) La sécurité du territoire a permis aux commandants des cercles du Sud d’apporter tous les soins au recrutement des tirailleurs que la Mauritanie devait fournir comme part contributive à la levée de 50.000 hommes (…) Le contingent fourni a été de 1157 hommes, dépassant de 357 le chiffre de 800 hommes qui avait été fixé comme part proportionnelle de la Mauritanie. Il a été fait appel pour la première fois à l’élément maure dans la personne de ses pourognes qui étant de race nègre pure ou très fortement métissés de sang noir, peuvent être considérés comme tombant sous l’application du décret de 1912[10]. Ils ont fourni 314 recrues. Les tribus maures nous ont donné tout leur concours pour la réunion de ce contingent. Un seul chef de la résidence de Mederdrah, a présenté, une fois les opérations terminées, une note signée Coppolani, par laquelle les Français prenaient l’engagement de ne jamais lever de tirailleurs chez les Maures. Il a été facile de lui répondre que nous ne lui avions demandé et qu’ils ne nous avaient fourni que des Noirs[11]. Cependant, la protestation discrète du chef des Idâb el Hassen s’expliquait par le fait qu’un chef noir du cercle de Louga (Sénégal) avait arrêté, pour les présenter à la Commission de Recrutement, des Maures blancs de passage dans son canton, et leur avait fait couper les cheveux dans l’espoir qu’ainsi maquillés, la Commission ne reconnaîtrait pas leur race (…) Ces procédés d’un chef qui avait outrepassé les instructions de son commandant de cercle, n’en avaient pas moins produit un effet d’autant plus mauvais qu’il s’agissait de maures blancs appartenant à des tribus maraboutiques, lesquelles sont notoirement connues pour leur inaptitude à tout service armé“[12]  Ce qui est paradoxal puisque toute la phase de conquête du Trab el Bidan comprise entre 1902 et 1910 fut menée avec l’aide militaire de tribus zwâya.

 

Pour en revenir au service militaire,  nous soulignons qu’à cause de ce décret discriminatoire de 1912 (puisque le critère dans ce recrutement obligatoire était la couleur de la peau), seuls des Noirs de Mauritanie (Wolof, Haratin, Sooninko et Fulbe) participèrent aux deux grandes guerres mondiales, aux guerres d’Indochine et d’Algérie. Les uns ont donné leurs vies, d’autres ont souffert, tous ont donné leur jeunesse à la France, bon gré malgré. [13]

 

Nous cherchons toujours à comprendre pourquoi cette discrimination alors que les Bidan avaient autant d’aptitude physique que les Noirs pour faire la guerre. Certains d’entre vous d’ailleurs ont vécu une enrichissante expérience dans ce domaine avec les tribus guerrières bidan pendant leurs séjours coloniaux en Mauritanie.

3/Réponse à M. Jean CHEVANCE

  1. CHEVANCE a parlé de « fermeté » quand il s’est agi pour la France de lutter contre l’esclavage en Mauritanie et dans les autres colonies d’Afrique. Ceci est loin d’avoir été la réalité.

 

L’histoire nous enseigne que les Etats, sur tous les continents, n’ont jamais fait preuve d’humanisme face à l’esclavage. L’opportunisme a toujours guidé leur politique. Nous rappelons que l’esclavage, supprimé en France en 1793, fut rétabli aux Antilles par Napoléon 1er[14] en faveur des intérêts économiques des créoles, les parents et alliés de son épouse Joséphine BEAUHARNAIS

 

Pour en revenir à l’attitude de l’administration coloniale française vis-à-vis de l’esclavage en Afrique on peut dire que celle-ci appliqua de tout temps une politique résolument opportuniste. Comme l’écrivait en mars 1896 le Directeur des Affaires indigènes du Sénégal, cette politique se souciait de « (…) Sauvegarder tous les intérêts tout en maintenant les principes humanitaires »  Quelques pratiques qui illustrent cette politique.

*A propos du fameux décret d’émancipation du 27 avril 1848 dont la France se targue tant. Dans ce décret, l’article 7 touchait particulièrement la colonie du Sénégal. « Le principe que le sol de la France affranchit l’esclave qui le touche est appliqué aux colonies et possessions de la République ». C’est en raison de la situation de l’Algérie et du Sénégal, environnés de pays où la traite et l’esclavage étaient pratiqués aussi qu’on avait demandé l’insertion de cette clause.

 

Dans une pétition (270 signataires) signée le 15 février 1849 et envoyée au Ministre des Colonies, Victor SCHOELCHER, propriétaires d’esclaves et négriers de Saint-Louis, appuyés par le gouverneur de la Colonie BAUDIN, réclamèrent la suspension pure et simple de l’article 7. Rappelons aussi que quelques membres (dont le directeur des colonies MESTRO) de la commission chargée de rédiger le fameux décret s’étaient opposés aussi à cette clause sous le prétexte des dangers de réactions que pourraient avoir des chefs et des maîtres qui seraient frappés par des invasions rendues possibles par l’application de l’article 7. Autour de la colonie du Sénégal : Waalo Barak, Fuuta Tooro, les Etats du Haut Sénégal, les émirats et confédérations tribales bidan qui intéressent l’espace mauritanien actuel.

 

La solution : « Ne seraient admis que les anciens esclaves des établissements français, vendus frauduleusement à l’extérieur entre la promulgation du décret de 1848 et son application effective, et ceux dont la situation s’avérait particulièrement dure et pénible. C’était le cas chez les maures. Mais les réfugiés venus des pays situés au sud du fleuve se trouvaient dans des conditions généralement assez douces et pourraient donc être renvoyés »[15]

 

Cette procédure fut entérinée à Paris, et de nouvelles directives complétèrent les précédentes au cours des années à suivre en déterminant les conditions d’acceptation et de refus de l’asile.

 

La nomination de FAIDHERBE (1er novembre 1854) à la tête de la colonie du Sénégal permet aux propriétaires d’esclaves d’appliquer le décret sans trop désavantager leurs intérêts. Il faut préciser que ce gouverneur était contre son application intégrale dans la colonie du Sénégal. Il fut à l’origine de l’arrêté du 18 octobre 1855 qui distinguait d’une part « (…) les Européens et gens de Saint-Louis » qui restaient seuls soumis aux dispositions du décret d’émancipation, d’autre part « (…) les populations qui viendront s’établir dans les postes français autres que Saint-Louis”. Celles-ci avaient le droit de conserver leurs captifs et le décret de 1848 ne leur était applicable dans aucune de ses dispositions. Les personnes de la première catégorie avaient « (…) la possibilité de louer des captifs à ceux de la seconde pour les employer soit dans leurs maisons de commerce, soit à la culture, à la condition de n’exercer sur eux que les droits qu’un maître a sur des travailleurs libres à ses gages. »[16]. Les esclaves fugitifs n’étaient « (…).reçus et affranchis » que s’ils « (…) provenaient des pays ennemis » ou « (…) expulsés comme vagabonds hors des limites du territoire français s’ils provenaient de pays amis”[17]

 

En 1893, pendant la campagne du Soudan, des officiers français nourris des idéaux humanistes de la Révolution française de 1789 voulurent jouer le beau rôle de libérateurs des esclaves et de protecteurs des femmes captives. Mais Le Colonel ARCHINARD dut « stigmatiser » cette « sensiblerie » pour ne pas aliéner les intérêts de la France auprès de certains souverains et certaines populations dont les activités économiques (agriculture) dépendaient de la main d’oeuvre servile. « (…) Ne vous mêlez pas du trafic des captifs pour vous y opposer. Ce n’est pas encore le moment.  » a-t-il écrit en affirmant ensuite  qu’il y avait « (…) toujours moyen d’être humain sans léser les intérêts de nos administrés (…) »[18] Le premier Gouverneur civil de cette colonie, Albert GRODET, (novembre 1893-Juillet 1895) systématisa la fondation de villages de liberté sur les routes de ravitaillement. Chacune de ses nombreuses circulaires sur la traite prévoyait l’installation des captifs confisqués sur les routes de ravitaillement, et en particulier sur la route Bamako-Kita pour laquelle un nouveau tracé venait d’être adopté.

 

Mais la politique libératrice au Soudan était loin d’être une manifestation réellement humaniste. C’est ce que souligne d’ailleurs Denise BOUCHE dans son livre « Les villages de liberté en Afrique noire française. 1887-1910 » quand elle écrit « (…) En résumé, les villages de liberté furent crées au moment de la conquête de Soudan sous l’impulsion des Commandants supérieurs et des Gouverneurs de cette colonie, dans les endroits où ils étaient capables de rendre le plus de services à l’administration. Particulièrement adaptés au besoin du Soudan, ils n’existèrent dans les autres colonies qu’à l’état de tentatives isolées et le plus souvent imitées du Soudan »[19]

 

Les applications des directives vont déterminer les types de relations entre les Français et les pays de conquête. L’esclavage va désormais s’inscrire dans des enjeux politiques et économiques entre une administration coloniale (tiraillée entre l’application d’un principe et la sauvegarde de ses intérêts) et les aristocraties locales soucieuses de préserver leurs intérêts économiques.

 

En Mauritanie, on créa des villages de liberté exclusivement et successivement dans la vallée du Sénégal : A NJaago (1856, en faveur d’esclaves fuyant leurs maîtres au Trarza), Selibaabi (1905, ceux fuyant leurs maîtres sooninko), Voggee (1905, ceux fuyant leurs maîtres fulve du Fuuta Tooro et bidhân du Brakna), Kayhayzi (1906, ceux fuyant leurs maîtres fulve et sooninko du Fuuta Tooro et bîdân du Brakna et du Tagant). Les affranchis qui s’étaient réfugiés à Kayhaydi quittèrent leur village de liberté à partir de 1908 pour s’installer certains à Siiwe, d’autres à Guray puis à Bakel (Sénégal), d’autres à Kaay au Soudan. Entre cette soif de liberté d’une part et les menaces de révolte des maîtres et les risques de ruines des cultures suite aux fuites et à la dispersion de la main d’oeuvre servile[20] annoncées par de nombreux administrateurs d’autre part, le Gouvernement Général choisit plutôt le maintien des esclaves sur place, en proposant la transformation de leur condition de servilité en métayers payant des redevances quatre à cinq fois plus fortes, à la satisfaction d’ailleurs des anciens maîtres. Cette politique réussit bien au Fuuta Jallon dans le pays sooninko du Haut-Fleuve et dans la Moyenne vallée du Sénégal.

 

C’est en pays bidan que l’administration découragea le plus les fuites des esclaves. Cette politique fut initiée dès les débuts de la conquête des pays maures par Xavier Coppolani qui fit tout pour ne pas mécontenter les tribus alliées, presque exclusivement les tribus zwâya qui possédaient l’essentiel de la population servile. C’est pourquoi les fugitifs étaient immédiatement recherchés et rendus à leurs maîtres. (alors que quelques années auparavant, tous les Abîd fugitifs étaient accueillis dans les postes du Fleuve). C’était là un des engagements importants pris par le Commissaire du Gouvernement Général avec le chef des Awlâd E’Bieri, Shaykh Sidiya Bâbe.

 

Mais la création de la Mauritanie et l’intégration de la rive droite du Sénégal à cette nouvelle colonie vont compliquer la politique de la nouvelle administration mauritanienne sur l’esclavage en pays bidan à cause de l’application dans les pays des Noirs du décret du 12 décembre 1905 punissant « (…) de deux à cinq ans de prison et de 500 à 1000 francs d’amende toute personne coupable, en A.O.F. ou au Congo français, d’avoir conclu une convention ayant pour but d’aliéner la liberté d’une tierce personne »[21]. De nombreux Abîd vont profiter de ce décret pour se réfugier et se fondre à la population noire dans la région de Luga et dans la presqu’île du Cap-vert, loin des territoires maures. Mais face aux menaces des tribus bidan, marabouts comme guerriers de reprendre la lutte contre les Français « (…) qui n’auraient pas respecté leurs engagements (…) » en favorisant les départs de leurs esclaves, des instructions furent données à toute l’administration du Sud d’interdire aux Abîd de venir se réfugier parmi les populations de la vallée et de leur interdire de traverser le fleuve. Les fugitifs arrêtés par les gardes de cercle étaient rendus à leurs maîtres. En 1907 le commissaire du Gouvernement général, le colonel Montané CAPDEBOSC, pour fixer les Abîd de la tribu des Zmârig, fit attribuer à leurs maîtres des terres de culture au nord-ouest de Voggee, dans le territoire des Halayve. Afin de nourrir leurs maîtres, les Abîd devaient remettre à ceux-ci, après chaque récolte, les deux tiers de leurs productions agricoles.

 

Ces conditions pénibles des esclaves noirs dans le Trab el Bîdân suscitèrent l’indignation et les vives protestations du Dahoméen Louis HUNKANRIN (1886-1964)[22]. Dans la préface de son livre intitulé « L’esclavage en Mauritanie« , celui-ci a écrit « (…) En dénonçant dans ce petit livre les forfaits qui se commettent au préjudice des Noirs en Mauritanie, je n’ai d’autre but que de faire rayonner, sur ce territoire où flotte le drapeau français emblème de paix, de liberté et de justice, le vrai visage de la France : La France des Droits de l’Homme, la France maternelle, bonne, généreuse et juste qui est, selon le mot de Edouart HERRIOT « (…) la plus haute personne morale qui soit au monde et que tout bon français doit servir comme telle »[23]. Ce livre renferme une longue lettre de protestation contre la pratique de l’esclavage et le traitement inhumain des esclaves adressée le 1er mai 1933 au Gouverneur de la Mauritanie, CHAZAL, en tournée à Kiffa, cercle de l’Assaba. Entre 1930 et 1933, il aida de nombreuses familles esclaves de Kiffa et de Tamchakett à adresser des plaintes au Procureur de la République près du tribunal de Première Instance de Saint-Louis, chargé du contrôle de la Justice en Mauritanie. Mais les protestations de HUNKANRIN et les plaintes des esclaves demeurèrent sans lendemain à cause des complicités entre les propriétaires d’esclaves et la plupart des administrateurs[24]

 

Dans la Vallée du Sénégal aussi, sur les deux rives du fleuve, les propriétaires d’esclaves ne furent plus inquiétés par l’administration après la période 1904-1907 au cours de laquelle de nombreux esclaves vinrent se réfugier auprès des postes militaires et administratifs pour bénéficier de la protection française et obtenir leur liberté. Les grandes familles aristocratiques alliées, notamment celles des chefs de canton, gardèrent leurs esclaves bien après 1960.

 

Voilà les raisons pour lesquelles nous parlions tout à l’heure de « politique opportuniste » de la France quand il s’est agi de gérer la question de l’esclavage dans ses colonies en Afrique.

 

4/Réponse à  M. Gaston :

Je voudrais faire quelques mises au point après la communication de M. Gaston.

a/Un éclaircissement

*Contrairement à une affirmation de M. Gaston qui a parlé de « classe supérieure des Toorobbe », ceux-ci ne sont ni supérieurs aux Sevve, ni aux pasteurs nomades dont un groupe important s’était sédentarisé par la conquête du pouvoir en 1510-1512. Au cours de leur longue domination politique à la tête de la République théocratique du Fuuta Tooro (1775-1890), leur aristocratie politico-religieuse réussit à faire prévaloir une idéologie et des valeurs propres mettant cette « caste » au dessus de toutes les autres. Ce que n’ont jamais accepté les deux premières qui avaient été chassées du pouvoir pendant la Révolution des marabouts en 1775. Chacune considère l’autre avec mépris, malgré les alliances matrimoniales et politiques nouées entre elles. La formation de la « caste » des Toorovve remonterait au début de l’islamisation des pays de la vallée du Sénégal, entre le Xème et le XIème siècle de l’ère chrétienne. Elle a été formée essentiellement à partir de familles qui étaient des Fulve pasteurs nomades (Fulve Aynaave) qui s’étaient sédentarisés et de Sevve qui avaient consacré désormais l’essentiel de leurs activités à l’islam.

 

b/Mises au point

*Le processus de l’occupation des territoires actuelles de la Mauritanie et la question de la frontière du « Sud » :

 

Dans l’histoire de la colonisation de la Mauritanie, la thèse généralement admise veut que la conquête se caractérise d’abord par un mouvement « (…) en hauteur vers le Maroc (…) qui a poussé ensuite (…) en largeur, vers l’est, gagnant chaque année une province sur le Sahel soudanais »[25].Cette vision réduit donc la conquête coloniale de la Mauritanie à celle des territoires habités exclusivement par les populations bidan. Il faut toutefois relever une ambiguïté ou une imprécision chez les auteurs de cette thèse. Certains intègrent totalement le « Sud » dans ce qu’ils appellent « l’unité territoriale maure » (COPPOLANI, GOURAUD, MARTY, et cetera). D’autres le rattachent au Sénégal. Encore MARTY. D’où la difficulté pour celui-ci de préciser son « espace unitaire maure » Pour nous il est incontestable que le contexte de la conquête du Waalo Barak, du Fuuta Tooro et des pays du Haut Fleuve est celui de « La Marche vers l’Est » subdivisée en deux étapes:

 

Celle appelée « La Marche au Niger » correspond à la période d’expansion entamée pendant les deux mandats de Faidherbe (entre 1854 et 1864), consolidée par le Gouverneur PINET-LAPRADE et suivie par une longue période de pause qui correspond au mandat de VALIERE (1869-1876).

 

Puis ce fut l’étape de « La Grande Conquête », celle du Soudan dont la conquête était devenue l’objectif majeur depuis la reprise à partir de 1877 de la politique d’expansion coloniale. Elle s’acheva en 1899 après les défaites de Laamzo Juulve Aamadu TAAL et de l’Almaami Samori TUURE. Kayhayzi et Selibaabi  furent conquis dans le cadre de cette campagne. A cette dernière date déjà l’ensemble des territoires situés au nord du fleuve et rattachés plus tard à la colonie de Mauritanie étaient déjà organisés au sein de la colonie du Sénégal, formant avec ceux de la rive gauche, d’est en ouest, les cercles de Bakkel, de Kayhayzi, de Podoor, de Dagana et de Saint-Louis.

 

« La Marche vers le Nord » se situe, quant à elle, après la période de consolidation des positions au Soudan français, et au moment où les intérêts économiques et stratégiques de la France étaient menacés plus sérieusement par ses rivales européennes, à savoir l’Allemagne, l’Espagne et l’Angleterre. C’est la raison de la création de la Mauritanie à laquelle COPPOLANI songea restituer son « (…) caractère essentiel (…) « , « (…) sa mission historique (…) », à savoir « (…) être le trait d’union entre le Sénégal et l’Afrique du Nord (…) ». Elle avait aussi pour mission de « (…) protéger la vieille colonie du Sénégal (…) »[26] Cette marche vers le Nord et sa conquête se situent bien entre novembre 1902 (début de la conquête du Trab el Bîdân et mars 1933 (date de la mort de l’émir de l’Adrar Ahmed Wul Ayde, dernier chef résistant bîdân contre l’occupation française de ces territoires du Nord.)

 

En conclusion nous disons que « La Marche vers l’Est » et « La Marche vers le Nord » sont les deux étapes de la conquête coloniale de la Mauritanie, si on entend par Mauritanie l’ensemble des territoires qui constituent actuellement ce pays.

 

Sur la question concernant le rattachement de la rive droite, nous sommes arrivés à la conclusion que les raisons économiques avaient déterminé la décision de rattachement, car les fondateurs (COPPOLANI principalement) de la colonie ne pouvaient concevoir la Mauritanie sans lui donner les moyens économiques devant justifier son existence auprès de Paris. Cet aspect apparaît à l’évidence lorsqu’on étudie la situation économique de la nouvelle colonie au moment de sa création. D’ailleurs, cette argumentation est demeurée valable bien après la Seconde Guerre Mondiale, jusqu’à la mise en exploitation des richesses minières du Tiris Zemûr (fer) et de l’Inchiri (cuivre) dans le nord-ouest.

 

L’accent doit donc être mis sur cette corrélation entre le rattachement de la rive droite et son rôle économique pour expliquer les raisons de l’intégration de la rive droite à la colonie de Mauritanie.

 

La bande de territoire appelée « zone utile » de la nouvelle colonie, était la seule région où l’on produisait des céréales (mil, maïs), de l’arachide, du coton, du tabac, etc. On exploitait aussi du bois de chauffe et du bois de construction. Elle était aussi son unique zone de transactions entre le commerce caravanier maure et les grandes maisons de traite de Saint-Louis. Créer une frontière au nord du fleuve qui isolerait le commerce maure de ses centres de transactions (escales) équivaudrait à le disjoindre d’un système d’échanges économiques établi par les Français depuis les guerres de la gomme au XVIIIème siècle. D’ailleurs, dès la fin de la Première Guerre mondiale, pour renforcer cette vocation, l’administration centrale y concentra plus d' »efforts » afin de « (…) rentabiliser cette région utile de la colonie (…) ». En plus de cette vocation de « (…) zone de transactions commerciales (…) », Saint-Louis chercha à y développer l’arachide, le tabac, mais surtout le coton dans le cadre de la campagne de relance de la production cotonnière en A.O.F.

 

L’une des conséquences de cette délimitation est évidemment l’écartèlement des unités villageoises entre deux administrations qui, bien que régies par la même puissance coloniale, n’hésitèrent pas à se présenter aux yeux des populations indigènes en rivales défendant chacune les « intérêts de sa colonie ». La création d’une frontière au milieu d’une unité géographique homogène favorisa le disfonctionnement d’un mode d’organisation socio-économique que des agriculteurs et des pasteurs avaient mis des siècles à élaborer. Les crises parfois graves et désormais permanentes entre les deux administrations du Soudan français et du Sénégal d’une part, celle de la Mauritanie de l’autre, les conflits entre les populations elles-mêmes engendrés par la question de la propriété des terre de culture mobilisèrent le Gouvernement général de l’A.O.F. en vue de trouver une solution définitive. Jusqu’en 1945, aucune des solutions envisagées ne fut retenue. En 1911, on était allé jusqu’à envisager la création d’un protectorat peuplé exclusivement de Bidan, après la restitution de la rive droite au Sénégal.

 

Par contre, l’argumentation sur « l’unité ethnique et géographique » ne semble pas avoir été assez déterminant dans la promulgation de l’arrêté du 10 avril 1904 prononçant l’éclatement du cercle de Kayhayzi et le rattachement de sa rive droite au nouveau « Protectorat des Pays Maures ». Mais à y réfléchir on se rend compte que les théoriciens de la première génération (COPPOLANI, ARNAUD, MARTY, et cetera) et ceux des années quarante (LAIGRET en particulier) l’avaient évoquée chacun à son époque pour justifier le projet de création de ce qu’ils dénommaient « ensemble mauritanien ». Paul MARTY considérait la rive droite comme « (…) la tranche des pays maures insoumis » qui avait été donnée à la colonie du Sénégal sous forme d’hinterland. Selon lui, il a fallu, après, « (…) opérer le divorce entre le Sénégal et les pays maures qui lui étaient annexés pour créer la Mauritanie dont les principes de fondements devaient reposer sur des facteurs de l’unité naturelle maures et sahariens »[27]. C’était donc l’idée d’un commandement spécial pour les nomades et en particulier d’un commandement unique pour les « Maures de l’Est » et les « Maures de l’Ouest ». La préoccupation était d’étendre très loin vers l’Est la nouvelle limite de la Mauritanie et d’englober à l’intérieur de celle-ci « le plus grand nombre possible de Maures nomades » En somme, créer une « colonie ethnique ».

 

En 1943, Christian LAIGRET gouverneur en Mauritanie reprend cette thèse de « l’unité géographique regroupant l’ensemble des territoires maures » Il se sert cette fois-ci de l’argument économique pour revendiquer l’intégration de la rive gauche à cette colonie. Selon lui la vallée était un ensemble économique homogène qui ne pouvait être divisée entre les deux colonies. Ceci pour résoudre le grave problème des transferts des importantes récoltes saisonnières sur la rive sénégalaise, au désavantage des populations bidan, particulièrement celles du nord qui étaient de grandes consommatrices de mil et totalement dépendantes de l’agriculture de la vallée. Selon LAIGRET, cette solution était la meilleure pour résoudre aussi l’épineux problème des terres de culture et des déplacements des populations d’une rive à l’autre et qui empoisonnait souvent les relations entre les deux colonies de la Mauritanie et du Sénégal depuis l’application de l’arrêté du 10 avril 1904. Puisque l’inverse était impossible pour ne pas remettre en cause l’existence de la colonie de Mauritanie.

 

Soulignons que c’est dans le cadre de ce « programme d’unification » que le Gouverneur LAIGRET avait réussi à faire détacher du Soudan le cercle d’Aïoun el Atrouss et à l’intégrer à la Mauritanie en juillet 1944. Par contre, vers le Sud et toujours sous l’emprise de cette idée, le Gouvernement général avait fait tracer une ligne de séparation nette entre sédentaires et nomades. Ce projet se révéla rapidement irréalisable dans la pratique. LAIGRET était lui-même arrivé à la conclusion que de telles délimitations étaient absurdes. A propos de la délimitation au sud entre la Mauritanie et le Soudan, il écrivait en 1945: »On peut penser aujourd’hui, après une année d’expérience que la plupart des difficultés que connaissent à l’heure actuelle les cercles d’Aïoun el Atrouss et Nioro proviennent de cette fixation arbitraire du parallèle 15°30′ de la limite sud de la nomadisation »[28] De l’aveu même de ce Lieutenant-gouverneur, la raison fondamentale du rattachement du cercle du Hodh à la Mauritanie était le mouvement « hammalliste« . Or pour contrôler ce mouvement l’administration était obligée d’intégrer ensemble les deux régions soit au Soudan soit en Mauritanie, car la séparation des deux n’aurait aucune efficacité contre les Hamallistes. Il ne semblait pas approuver le principe de séparation d’une même communauté ethnique ou religieuse entre deux administrations.

 

Cette idée de « regroupement homogène » des ensembles fut largement admise pendant la Première Guerre Mondiale. A cette époque la solution fut envisagée successivement par les Gouverneurs généraux ANGOULVANT et CLOZEL. La question de la frontière entre les deux colonies du Sénégal et de la Mauritanie était devenue un enjeu où s’affrontaient les « intérêts sénégalais » et les partisans du maintien d’une Mauritanie renforcée par l’ensemble des territoires des deux rives compris entre le Haut-Sénégal et la Basse Vallée. Mais la réalisation d’un tel projet dépendait des importantes modifications des frontières au détriment du Sénégal, du Soudan, mais aussi de la Gambie anglaise qui allait être annexée au Sénégal pour former une nouvelle colonie dénommée « Sénégambie », et enfin de la Guinée portugaise annexée à la Guinée française. Le refus de Londres d’échanger une Gambie riche en arachides indispensables aux huileries anglaises fit donc échouer ce projet.

 

Ainsi, la question de la frontière ne trouva jamais une solution acceptable pour les deux colonies. Après l’échec de la dernière tentative de mars 1933, il ne fut plus question de suppression de la Mauritanie, mais de lui octroyer encore des terres et des populations pour la « (…) rendre plus viable et plus justifiable (…) » aux yeux des économistes de Paris[29]

 

En mars 1933, dans le cadre d’une politique de « (…) réorganisation plus rationnelle et plus rentable (…) » des colonies composant l’A.O.F., le Gouvernement général suggéra la suppression de la colonie de Mauritanie par intégration au Sénégal. Il trouvait son maintien coûteux par rapport à son faible intérêt économique, et son existence inutile puisque toute son administration centrale se trouvait en dehors de son territoire, à Saint-Louis. Mais un influent lobby constitué d’anciens militaires et administrateurs civils qui avaient servi dans cette colonie et les membres de l’administration en place qui entrevoyaient dans cette suppression une menace de leurs intérêts particuliers (certains administrateurs craignaient de rester dans l’inactivité, à l’ombre de leurs homologues « sénégalais », et de perdre des avantages matériels) firent échouer le projet. Ils demandèrent au Gouvernement général de tenir compte d’un argument important selon eux, à savoir « Le refus et la crainte des Maures d’être dominés par des Noirs »[30]. Une argumentation qui était prise sérieusement en considération à chaque fois qu’on évoquait l’idée de suppression de la colonie pour la rattacher au Sénégal.

 

Cette question sur la frontière continue d’envenimer les relations entre les gouvernements des deux pays avec un fond plus ou moins ambigu de rattachisme dans le discours des intellectuels et hommes politiques sénégalais originaires du Fleuve. Leurs arguments historiques sont rejetés par un discours pan-arabiste des Bîdân qui veut que la vallée du Sénégal fasse partie curieusement de la nation arabe.

 

Mais, si nous revenons à notre propos purement historique, nous affirmons que les territoires de la vallée du Sénégal compris entre le Delta et le Haut Fleuve forment une unité géographique et socioculturelle issue de cet ensemble “tekuurien”  dans lequel furent crées les Etats précoloniaux du Waalo Barak, du Fuuta Tooro, du NGalam et du Gidimaxa actuellement partagés entre les trois républiques de Mauritanie, du Mali et du Sénégal.

 

*La conscience collective nationalitaire.

  1. GASTON parle de « Toucouleurs de Kaédi et de Sénégalais habitant en face sur l’autre rive ». Nous voudrons tout d’abord dire que le mot “Toucouleur” n’existe pas dans notre langue, le pulaar. Notre pays s’appelle le Fuuta Tooro où cohabitent deux nationalités. La plus importante s’appelle les Haal pulaar’en (ou Haalpulaareeve)[31]. La minoritaire est représentée par des Sooninko[32] que l’administration coloniale désignait sous le vocable de « Sarakollé » (Saracollé, Saracollais), vocable qui n’existe pas aussi dans la langue sooninke[33]. Egalement le mot « maure » alors que cette nationalité se désigne sous le vocable « Bidhân' »

 

La seconde chose sur laquelle nous voudrions attirer votre attention est l’appartenance des populations riveraines du fleuve Sénégal aux mêmes nationalités respectives des Fulbe ou Haal pulaar’en, des Wolof et des Sooninko. Certains le savent aussi bien que moi puisqu’ils ont séjourné dans cette vallée du Sénégal comme administrateurs de la colonie de Mauritanie. Je ne conteste pas l’entité géographique de ce pays qu’il faut préserver par souci de paix dans notre sous région, comme du reste dans les autres parties de l’Afrique. Je suis d’accord pour l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Mais cela ne veut pas dire que je dois faire table rase de mon histoire, de ma culture par lesquelles je m’identifie en tant qu’être humain. J’ai hérité cette culture et cette histoire de par mes ancêtres dans un espace géographique qui s’appelle Fuuta Tooro, et qui est écartelé actuellement en deux parties administratives. La partie sud est au Sénégal, la partie nord en Mauritanie par la volonté d’une puissance coloniale, qui, pour organiser les territoires qu’elle a conquis a séparé mon pays, celui de mes ancêtres. Les informations les plus anciennes que nous possédons actuellement le font remonter au Vème siècle de l’ère chrétienne. Au XIème siècle, dans le cadre du mouvement réformiste islamique, certains de ses dirigeants participèrent à l’épopée des Almurâbitun avec les Sooninko de Ganna. Comment une colonie créée il n’y a pas encore un siècle et devenue pays indépendant il y a 35 ans peut-il mettre entre parenthèse pour l’effacer de la mémoire collective un pays millénaire dont les institutions furent détruites par la puissance coloniale française seulement en 1890? Certes ses institutions politiques ont été détruites, mais la conscience collective identitaire continue de survivre au sein de la population malgré l’écartèlement de ses territoires entre la Mauritanie et le Sénégal.

 

La destruction de ce pays dont l’existence gênait les Européens fut programmée depuis l’occupation anglaise. Les Français héritèrent de cette idée après la réoccupation de Saint-Louis grâce au traité de Paris de 1815. Nous donnons ici quelques passages de correspondances. Le Gouverneur de la colonie du Sénégal BOUËT-WILLAUMEZ exprimait déjà ces ressentiments dans une lettre adressée en 1844 au Ministre des Colonies. Il jugeait qu’il fallait « (…) travailler au démembrement du Fouta qui devient inquiétant par son esprit de domination, par le fanatisme de sa population et par l’étendue de son territoire ; ne lui laisser commettre aucun acte de violence sans le châtier vigoureusement (…) » et chez ces (…) zélés musulmans du fleuve, le double titre du fanatisme et de l’indépendance nationale est d’autant plus prompt à vibrer qu’ils sont les seuls du fleuve à être dotés d’institutions libres »[34].Tous les gouverneurs qui se sont succédé à Saint-Louis après BOUËT-WILLAUMEZ  entre 1844 et 1891 vont avoir le même jugement très négatif sur le Fuuta Tooro. Nous citons les gouverneurs assez représentatifs. Faidherbe parlera « (…) de faire le plus de mal possible au Fouta (…) », qu’il faut « (…) traiter, impitoyablement (…) ». Son successeur, Jauréguiberry avait pris, quant à lui, la décision définitive « (…) d’établir sur des bases solides » la suprématie et l’influence française dans le Fuuta central (Reedu Fuuta). A cette fin, il jugea qu’il ne fallait pas se contenter « (…) de traverser le pays en vainqueur. ». « (…) Après la défaite des forces ennemies, il faut y laisser les traces les plus funestes de notre passage », écrira-t-il, en transformant le pays en « (…) un désert momentané »[35]. Enfin le gouverneur BRIERE de l’ISLE, en 1876, pendant l’ultime phase de la campagne de démembrement du pays avait écrit qu’il fallait absolument empêcher la reconstitution de « (…) cette redoutable fédération qui (…), fanatisée par les prêcheurs de guerre sainte et les faux prophètes dont elle est le berceau habituel, avait paru à juste titre devoir être détruite comme étant un danger permanent et sérieux pour notre domination dans le fleuve ». Les arguments pour justifier leur conquête étaient : « (…).influence politique néfaste sur les autres pays (…) », « (…) fanatisme religieux (…) », « (…) esprit d’indépendance (…) », « (…).intérêts commerciaux des Français menacés (…) », « (…) mission civilisatrice de la France (…) », etc.

 

Un Fuuta Tooraqnke (habitant du Fuuta Tooro, qui peut-être donc Sénégalais ou Mauritanien), quel que soit son niveau d’instruction vit intimement avec cette conscience identitaire très forte. Nous nous définissons d’abord chacun par rapport à nos espaces historiques et culturels identitaires, nos espaces économiques puis ensuite seulement aux pays où nous avons été « administrativement » intégrés (Sénégal, Mauritanie, Mali, et cetera), pays qui, il faut le rappeler, ne sont pas des oeuvres de constructions internes des nationalités qui les composent actuellement. Ces pays résultent de constructions exogènes. C’est la France qui a fait de nous des « Mauritaniens », des « Sénégalais », des « Nigériens », des « Centrafricains », etc.

 

Pour illustrer cette réalité, nous donnons l’exemple de cet animateur des émissions en Pulaar de Radio Mauritanie dans les années 60-70, Al  Hajji NGAYDE.

 

En 1979, le Président de la République du Sénégal, M. Léopold Sédar SENGHOR, s’apprêtait à effectuer une visite officielle dans la région du Fleuve dont Saint-Louis est la capitale administrative. Le Fuuta Tooro (rive gauche) compose la majeure partie des territoires de cette région administrative. A cette occasion, l’animateur en question lança un appel à tous « les enfants du Fuuta » pour leur demander d’accueillir chaleureusement leur illustre hôte. Il termina son appel en ces termes que nous citons in extenso : « Oh Enfants du Fuuta Tooro, encore une fois nous allons prouver à l’opinion qui nous écoute, qui nous regarde que les enfants de notre Fuuta savent bien accueillir leurs illustres hôtes. J’invite chaque village de la rive droite [mauritanien] à aider son vis-à-vis de la rive gauche [sénégalaise] à organiser son accueil ».

 

Précisons que cet animateur ne s’exprimait plus en tant que « mauritanien », mais en tant que Fuuta Tooraqnke utilisant un instrument d’information de l’Etat mauritanien pour véhiculer un message réveillant leur conscience collective identitaire qui allait mettre entre parenthèse pendant quelques heures les intégrités administratives de la Mauritanie et du Sénégal.

 

L’inverse est également valable. Lorsque les présidents de Mauritanie visitent la région du fleuve, ce sont tous les villages de la rive gauche qui viennent renforcer en nombre leurs familles de la rive mauritanienne, afin de rendre la foule plus dense pendant l’accueil. Car dans ces circonstances, c’est l’honneur de la province[36] et du pays (Fuuta Tooro), et sa réputation de terre d’hospitalité (teddungal) qui doit être défendue. Paradoxalement, on l’a vu récemment à l’occasion de la visite de Wul TAYA dans les provinces des Halayve, du Laaw et du Yiirlaave (région administrative du Brakna).

 

Autre exemple qui illustre la complexité de la relation entre nos identités spatiales historiques et culturelles et l’entité étatique artificielle (Mali, Mauritanie et Sénégal pour les cas qui concernent notre propos) imposée par l’ancienne puissance coloniale. En 1989, en pleine crise entre les deux Etats du Sénégal et la Mauritanie, et à l’occasion d’une de ses tournées dans la vallée du Sénégal, le ministre mauritanien de l’Intérieur, le Colonel Gabriel CIMPER alias Djibril Wul ABDALLAH tint une réunion avec le Conseil des Anciens des Halayve de la rive droite à Voggee. Ce ministre, avec son arrogance et racisme primaire qui ont toujours caractérisé ses rapports avec les Noirs, s’adressa avec son insolence habituelle à cette assemblée de vieillards pour leur reprocher d’entretenir des « liens coupables » avec leurs familles de la rive sénégalaise (rive gauche) contre les intérêts de la Mauritanie. Feu Hammaat NGAYDE, (qui fut préfet puis gouverneur de région administrative), au nom de ses pairs lui répondit : « (….) Monsieur le Ministre, les habitants de la rive sénégalaise et nous appartenons aux mêmes familles. Le fleuve Sénégal fait partie intégrante de notre pays, le Fuuta. La relation qui existe entre ce pays et ce fleuve est comparable à celle qui existe entre le cavalier et son cheval qu’il monte éternellement. Le Fuuta représente le cavalier, le fleuve Sénégal, son cheval. Le flanc gauche du cheval et la jambe gauche du cavalier sont la rive sénégalaise. Le flanc droit du cheval et la jambe droite du cavalier sont la rive mauritanienne. Vous ne réussirez jamais à détruire cette réalité ».

 

Sur la rive mauritanienne du Fuuta, quand quelqu’un quitte son village pour aller à Nouakchott, Atar, Kiffa ou Aïoun el-Atrouss, il dit le plus naturellement du monde « qu’il va en Mauritanie ». Sur l’autre rive, un Fuuta Tooraqnke qui quitte Maatam ou Podoor pour aller à Dakar ou Luga, dira aussi le plus naturellement du monde « qu’il va au Sénégal ». « (…) Prendre son petit-déjeuner au Fuuta et aller déjeuner au Sénégal le même jour, c’est bien grâce à Senghor que nous pouvons le faire aujourd’hui (…) » dit une célèbre chanson en pulaar que l’on entend sur les ondes de Radio Sénégal.

 

Toutes ces illustrations visent à démontrer les difficultés que nous rencontrons psychologiquement par rapport à ces constructions artificielles (Mauritanie, Sénégal, Guinée, et cetera) qu’on cherche à nous faire assimiler dans notre subconscient collectif, de nos réalités socioculturelles, historiques qui sont nos repères sur lesquels nous fonctionnons. Vouloir les détruire ou les nier, c’est chercher à détruire notre « moi« . C’est alors que ce « moi » que l’on cherche à mettre entre parenthèse pour permettre à l’autre (perçu désormais comme adverse) de mieux s’épanouir se métamorphose en un nationalisme militant, un instrument de lutte contre les forces politiques et culturelles qui cherchent à détruire son identité. En Afrique, les nations qui auraient pu être dans un futur certes lointain des synthèses culturelles harmonieuses de l’ensemble des individualités ethniques qui composent chacun des pays actuels, tendent, en réalité, vers la formation d’Etats-ethniques résultant de la volonté d’un chauvinisme (dans le sens français du terme) ethnique de contrôler chacun des pays par le moyen des trois pouvoirs essentiels : le politico-militaro-administratif, l’économique et le culturel. C’est le jacobinisme qui va détruire inévitablement les pays qui n’auront pas la volonté politique de se construire avec les matériaux apportés volontairement par chacune de ses composantes ethniques.

 

Il est difficile de parler de « construction de la nation mauritanienne » comme certains le suggèrent avec la radicalisation actuelle du nationalisme qui a pris sa très forte orientation dès le début de l’indépendance du pays. En Mauritanie, le nationalisme est redevenu le principal courant idéologique de toutes les ethnies, après la brève parenthèse de 1970-1974.

 

Ma dernière intervention répond à l’affirmation de M. le Premier Ministre qui dit qu' »(…) il n’y avait pas d’Etat en Mauritanie avant la colonisation » et, pour cette raison « (…).la question de frontière ne pouvait se poser » pendant la période précoloniale. Nous rappelons que les trois pays du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie furent crées sur les ruines d’Etats précoloniaux dont certains remontaient au XIIème siècle. Lorsque les Européens (Portugais, Hollandais, Anglais, Français, Espagnols) sont arrivés sur les côtes occidentales de l’Afrique ils ont trouvé des pays politiquement structurés avec des institutions très élaborées qui régissaient la vie sociopolitique, économique et culturelle de leurs populations.

 

Contrairement à ce qu’il a affirmé, la question de frontière s’est posée dans la vallée du Sénégal comme une des conséquences de la descente des Beni Hassan dans les territoires actuels du Sahara occidental et de la Mauritanie à la fin du XVIème siècle. La formation des émirats guerriers du Trarza et du Brakna au XVIIème siècle et de celui du Tagant au début du XVIIIème siècle va donner à la question des frontières nord du Royaume du Waalo Barak (Bas-Sénégal), du Royaume du Fuuta Tooro qui deviendra en 1775 une République théocratique (Moyenne Vallée), du Royaume du NGalam et de la province libre du Gidimaxa (Haut Sénégal) une question cruciale que la puissance coloniale française héritera et léguera après les indépendances aux républiques du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. Je renvoie M. le Premier Ministre, s’il a bien le temps, à la partie de l’historiographie qui traite de la période comprise entre le XVIème et le XIXème pour comprendre que ce n’est pas le colonialisme français qui a crée la question de la frontière dans cette région de l’Afrique, mais il l’a exacerbée.

 

  1. le Premier Ministre, nous vous apprenons que le Fuuta Tooro a fait sa révolution démocratique avant la France. En 1775, le parti des Seeremmve (religieux) renversa la dynastie des Deeniyankoove au pouvoir depuis 1510-1512[37].A la place de la monarchie, le parti des marabouts « (…) dirigé à la fois contre le régime coutumier des Satigi[38] et contre l’oppression des maures (…) » instaura une république qui gouverna le Fuuta Tooro jusqu’en 1890, date de la destruction de l’Etat théocratique par le colonialisme français. Le chef suprême du pays était l’Almaami (le commandeur des croyants). Il était élu par le Grand Conseil des Electeurs (Batu Mawve) représentant les huit provinces du Fuuta Tooro[39]. Le Batu Mawve formait un contre-pouvoir qui s’opposait à toute forme de dictature personnelle ou de confiscation du pouvoir par un Almaami au profit de sa lignée. Tout grand Electeur (Jaagorgal) était inéligible à la fonction d’Almaami. La République théocratique connut entre 1775 et 1890 trente cinq (35) Almaameeve dont certains eurent plusieurs mandats.

 

 

[1] Pierre MESSMER : Commandant le cercle de l’Adrar (1950-1952), Gouverneur de la Mauritanie (1952-1954), Haut commissaire Général de l’AOF (1958-1960) ; En France, Ministre des Forces armées (1960-1969),  Premier Ministre (1972-1974).

[2]  LE BORGNE, Claude (Général) : Méhariste au Groupe Nomade (1942-1946 et 1947-1950) ; Atar et Fort Gouraud (1957-1959).

[3]  CHEVANCE, Jean : Adjoint au gouverneur Est Mauritanie (1957) ; Résident Tamchakett (1960) ; Conseiller du Ministre de l’Intérieur, Chef de la sûreté de Mauritanie (1960).

[4]  Adjoint au Commandant de cercle du Trarza (1944) ; Chef de subdivision Méderdra (1945-1946) ; Commandant de cercle par intérim du Brakna (1946-1947) ; Commandant de cercle du Gorgol-Kayhayzi (1948-1950) ; Commandant de cercle du Trarza-Boutilimit, Rooso (1950-1952).

[5] DUFOUR, Gaston (Capitaine d’infanterie coloniale) : « Historique des opérations militaires entreprises en Mauritanie de la fin du XVII è siècle à 1920« , Dakar, 1924.

-GILLIER (commandant) : « La pénétration en Mauritanie. » Paris, Geuthner, 1926.

-GOURAUD (général) : « Mauritanie. Adrar. Souvenirs d’un Africain« . Paris, Plon, 1945.

[6] GOURAUD : op. cit., pp. : 280 -281..

[7] GILLIER (commandant breveté) : « La pénétration coloniale« . Paris, Geuthner, 1926, pp. : 114 – 115.

[8]  Appelé «Assaba » par les Bîdân

[9] ANS 1G 331. Pièce 2.

ANS 13G 156. Pièce 117. Saint-Louis, le 20 avril 1897. Lettre du Directeur des indigènes au Gouverneur général de l’AOF. « Au sujet de l’assassinat de Radi Ousmane à Balel ».

[10] Souligné par nous.

[11] Souligné par nous.

[12] Archives Nationales du Sénégal (ANS). 2G16/6. Mauritanie. Rapport politique. 1er trimestre. 1916. Mauritanie à AOF. Saint-Louis, le 2 juin 1916.

« Pourogne » est un vocable utilisé par les Wolof pour désigner les Hrâtîn

[13] SY, Hamat : « La Mauritanie dans la première guerre mondiale« . Mémoire de fin d’études. Ecole normale supérieure. Nouakchott, 1980.

[14] 20 mai 1802. (30 Floréal An X). Rétablissement, par BONAPARTE, Premier Consul, de l’esclavage et de la traite, « (…) conformément aux lois et règlements en vigueur avant 1789 ». Ce même Napoléon fait abolir en 1815 la traite négrière en application du premier traité de Paris imposé par l’Angleterre. Rappelons que le Parlement britannique avait aboli la traite depuis 1807.

[15] Correspondance du gouverneur BAUDIN au ministre des colonies : lettes des 2 et 20 mars, 24 mai 1849. Ibis : XIV/15  notes prises dans l’article de François REGNAULT  « L’abolition de l’esclavage au Sénégal. L’attitude de l’administration française (1848-1905). Revue française d’Histoire d’outre mer. T. LVIII. 1971. n° 210. 1er trimestre. pp : 5-81.

[16] Arrêté du 18 octobre 1855. Bulletin administratif des actes du gouvernement du Sénégal, années 1853-1855. pp.207.

[17] A l’époque de l’arrêté, les pays ennemis étaient le Fuuta Tooro et le Trarza, le pays ami, le Kajoor.

[18] ANS. 1D137. Instructions d’Archinard au commandant de cercle de Djenné. 20 mai 1893.

[19] BOUCHE, Denise : « Les villages de liberté en Afrique noire française. 1887-1910 ». Edition Mouton et Co. Paris. 1968. p. 89.

[20] Comme au Fuuta Tooro entre 1882 et 1887 lorsque les Français encouragèrent la fuite des esclaves vers les territoires qu’ils occupent.

[21] Journal Officiel de La République française. Décembre 1905. pp. 7293-7294.

[22] Instituteur originaire du Dahomey (actuel Bénin). Exilé à Tamchakett et à Tidjikja en Mauritanie orientale et centrale entre 1923 et 1933. Il était tombé sous le coup de la loi de 1911 qui permettait à une administration coloniale d’exiler dans une colonie lointaine un ressortissant d’une autre colonie « (…) pour avoir contesté la domination française (…) ». En 1979, les dirigeants du mouvement politique des Hrâtîn EL HOR avaient décidé de faire de Louis HUNKARIN le parrain de leur parti. Nous ignorons les raisons pour lesquelles ils avaient fini par préférer Mohamed Wul MSEYK.

[23] HUNKANRIN, Louis : « L’Esclavage en Mauritanie » in « La vie et l’oeuvre de Louis HUNKANRIN ». pp. 207-230.

[24] « A Tamchakett (cercle de l’Assaba), durant le mois d’août 1930, une convention fut passée à la Résidence même qui céda pour mille francs (1000 francs) à un chef Beidane du nom de Mokhtar Hatra dix captifs et captives (les noms sont cités dans le document), dont les maîtres décédèrent et qui, croyant à l’institution des travaux du premier et deuxième degré, demandèrent en vain leur libération du joug de l’esclavage ». ( passage tiré du livre. p. 223).

[25]  MARTY, Paul: « Considérations sur l’unité des pays maures de l’Afrique occidentale française » Annuaires et Mémoires du  CEHS/AOF. Série B. 1916. pp. 262-270.

[26] GOURAUD, (colonel), Henri Joseph Eugène : « La pacification de la Mauritanie. » Paris, Ed du Comité de l’Afrique Française, 1911, 286 pages.

[27] MARTY, Paul: « L’Emirat du Trarza. » Revue du Monde Musulman. Paris, Leroux. 1919, in 8°. 438 p.

[28] CARAN. 200MI; 1863 (ANS. 2G 45/15): Mauritanie.  Rapport politique annuel, 1945.

[29] ANSOM. Carton 2516. Dossier 2. Assemblées et Conseils. Rapports, lois et projets. Lettre du ministre des colonies au gouverneur général de l’AOF. Dakar. Paris, le 14 janvier 1932.

[30] TERRIER, Auguste et MOUREY, Charles: « L’expansion française et la formation territoriale » Gouvernement Général de l’AOF. Paris. Leroux. 1910. p.  301.

[31] Au singulier, Haal Pulaar

[32]  Le pluriel de Sooninke

[33] C’est comme le vocable de « Tubaab » ou « Tuubaak » ou « Tubaabu » utilisé respectivement par les Wolof, les Fulve et les Mannde pour désigner les Français en particulier, les Européens en général. Au Fuuta Jalon, les Fulve désignent les Européens sous le vocable générique de « Portoove » (qui vient du mot « Portugais », premiers Européens avec qui ils sont entrés en relations au XVIème siècle)

[34] BOUËT-WILLAUMEZ (capitaine de vaisseau) : « Commerce de traite des Noirs aux côtes occidentales d’Afrique » 1er janvier 1848. Paris Imprimerie Nationale. MBCC ; XL VII. Sur le Fuuta Tooro, voir pp. 34 – 35.

[35] ANS. 1D 23. Pièce 5. 17 décembre 1862. Rapport de Ribell.

[36] Le Fuuta Tooro est subdivisé en neuf (9) diwe  (sing. diwal, provinces) qui sont d’ouest en est : Dimat, Tooro, Halayve, Laaw, Yiirlaave, Hebbiyaave, Booseya, NGenaar, Damnga.

Voir l’article de Oumar KANE: « Les unités territoriales du Futa Toro.” Bulletin de l’IFAN. T. XXXV, série B. n° 3. 1973. Il présente les différentes provinces du Fuuta Tooro, avec leurs limites traditionnelles approximatives, et l’organisation politique, administrative et sociale, sur les régimes des Deeniyankoove et  des Almaameeve (pl. de Almaami)

[37] Sur ce sujet, voir :

-Kane, Oumar : « Les Maures et le Futa Toro au XVIII siècle». Cahiers d’Etudes Africaines. n° 54, volume XIVMCMLXXIV, 2ème cahier, Mouton & CO, 1974, pp. : 237-252

-Barry, Boubakar : « Le Royaume du Waalo: Le Sénégal avant la conquête« . Paris. Karthala. 1985. 421 pages. Sur le Fuuta Tooro: voir pp: 193-195, 205-208.

-Kane, Oumar : “Le Fuuta-Tooro, des Satigi aux Almami (1512 – 1807”. Thèse de doctorat d’Etat, Université de Dakar 1986, 1124 pages, 3 tomes.

[38] Titre que portaient les souverains deeniyankooße

[39]  Kane, Oumar : “Les unités territoriales du Futa Toro. ». op. cit.

 

 

 

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