Le 4 septembre 1986, le régime raciste mauritanien procéda à une série d’arrestations d’intellectuels et de cadres noirs mauritaniens qui avaient publié en juin de la même année, un document intitulé «Le Manifeste du Négro mauritanien opprimé. De la guerre civile à la lutte de libération nationale». Un document dans lequel ils dénonçaient la politique de discrimination raciale et culturelle en faveur de l’arabisation, la politique d’exclusion ethnique dont la Communauté noire (Bamana, Fulbe, Sooninko et Wolof) fait l’objet depuis l’indépendance de la Mauritanie en 1960.
Transférés dans un premier temps à l’école de police de Nouakchott où ils subiront toutes sortes de tortures physiques et morales de la part du commissaire-tortionnaire Deddahi et de ses hommes, ils seront par la suite incarcérés à la prison civile de Nouakchott en attendant leur procès qui devait débuter le 14 septembre 1986. A l’issue d’une parodie de justice et comme on pouvait s’y attendre, ces hommes et ces femmes sont condamnés à de lourdes peines (4 à 5 ans de prison ferme avec amende, déchéance des droits civiques et politiques et interdiction de séjour dans toutes les régions administratives, sauf dans le sud, et ceci pendant 10 ans, etc.)
A la prison civile de Nouakchott, leurs conditions de détention se durciront (ils furent soumis à un régime de réclusion totale pendant 13mois) après les arrestations de militaires noirs accusés d’avoir organisé «un complot contre la sûreté de l’Etat.» Trois peines capitales furent prononcées le 3 décembre 1987 contre les lieutenants Seydi BAH, Amadou SARR et Saydou SIH. La sentence fut exécutée le 6. Trente-sept officiers, sous-officiers et hommes de troupes furent condamnés à des peines allant de 5 ans à la perpétuité. Plus de mille militaires, gendarmes et gardes nationaux furent renvoyés de leurs corps respectifs et assignés à résidence dans leurs villages d’origine.
Accusés d’être la conscience politique et les instigateurs de cette prétendue tentative de putsch, les prisonniers civils furent transférés avec les nouveaux condamnés militaires à Oualata (dans un ancien fort colonial situé en plein désert, dans l’Est de la Mauritanie, à mille cent kilomètres de Nouakchott). Cette localité reste et restera dans la conscience collective de tous les Mauritaniens épris de justice et de tolérance comme une marque indélébile : Oualata fut un mouroir et un centre d’expérimentation de tortures collectives contre la classe politique négro-africaine de Mauritanie.
Les conditions alimentaires défectueuses, les tortures, les travaux forcés, les mauvaises conditions d’hygiène, les maladies (dysenterie, scorbut, gale, béribéri), les tortures psychologiques furent les facteurs conjugués qui ont favorisé, en l’espace de 32 jours (26 août-28 septembre 1988), les décès du maréchal de logis chef Alassane Oumar BA, de l’écrivain Teen Youssouf GUEYE (membre de la délégation de la Mauritanie à l’ONU en 1963), du lieutenant de génie Abdul Qhouddous BAH et de l’ingénieur agronome Tafsirou DJIGGO .