Le N° Parquet 922/86
938/86.
-Représentée par Ahmad Cheikh Lematt.
-Les prévenus : Djigo Tafsirou, Saïdou Kane, Ly Djibril Hamet, Ibrahima Abou Sall, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Diallo Aboubacar, Guèye Oumar Mamadou, Abdoullahy Barry, Sarr Ibrahima, Sy Mamadou Oumar, Sarr Abdoullah, Sy Mamadou Youssouf, Idrissa Bâ, Ten Youssouf Guèye, Bâ Mamadou Saïdou, Kane Mamadou Yéro, Aly Tandia, Aboubacri Khalidou Bâ, Nbini Sow, Fatimettou M’baye.
-Jugement n° 395/86 du 20, 1407 Hégire correspondant au 25/9/1986 J.C.
– Jugement contradictoire de première instance.
-Résumé du Jugement :
.Condamnation des dix premiers prévenus à 5 ans de prison ferme, une amende de cent mille ouguiyas, la privation totale des droits civiques et nationaux pour une période de 10 ans et l’interdiction de séjour durant cette même période.
. La condamnation des sept prévenus suivants à 4 ans de prison ferme, cinquante mille ouguiyas d’amende, la privation totale des droits civiques et nationaux pour une période de 3 ans et interdiction de séjour pour la même période.
.La condamnation des quatre derniers prévenus à 6 mois de prison ferme.
L’ensemble des prévenus ont été condamnés aux dépens et droits d’enregistrement.
Au nom d’Allah le Clément le Miséricordieux
REPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE
Honneur – Fraternité – Justice
MINISTERE DE LA JUSTICE ET DE L’ORIENTATION ISLAMIQUE
TRIBUNAL REGIONAL DE NOUAKCHOTT (Chambre mixte)
Au nom d’Allah le Puissant, et Suprême
(La Chambre mixte)
Dans son audience publique tenue au Palais de Justice de NKTT à la date fixée pour le Jugement, le jeudi 13 Mouharam 1487 Hégire correspondant au 25 septembre 1986 à 15 heures 14 minutes.
-Sous la présidence de M. Mohamed Lemine 0/ Moustapha, Président par intérim.
-L’assistance de MM. Dine 0/ Mohamed Lemine et Ben Amar 0/ Veten, assesseurs.
-La présence de M. Mohamed 0/ Bididi, greffier.
– Le Ministère Public était représenté par M. Ahmed Cheikhna 0/ Lematt, substitut du Procureur de la République,
a rendu le Jugement suivant relatif à l’affaire opposant le Ministère Public aux prévenus dont les noms suivent :
-Djigo Tafsirou, né en 1947 à Bokhe (Boghé), fils de Mohamed Guidado et de Djieynaba Djigo, marié, ingénieur agronome, ancien Ministre de la Santé et des Affaires Sociales et actuellement conseiller du Ministre du Développement Rural.
–Kane Saïdou, né en 1947 à Demett (Sénégal), fils de Mamadou Saïdou et de Moly Kane, marié, inspecteur général de l’enseignement secondaire (histoire, géographie), sociologue chercheur.
–Ly Djibril Hamet, né en 1946 à Loboudou (Boghé), fils de Hamet Ly et de Koudi Seck, inspecteur de l’enseignement fondamental en service à l’Institut des langues.
–Ibrahima Abou Sall, né le 19/6/1949 à flairé M’bar (Boghé), fils de Lembott Samba Sall et de Khadijatta Abdoulaye Sakho, professeur d’histoire à la Faculté des lettres et des sciences humaines à l’Université de NKTT.
– Thiam Samba, né en 1948 à Sélibaby, fils de Samba Thiam et de Diouldé Bâ, inspecteur de l’enseignement fondamental.
–Sow Amadou Moctar, né en 1958 à Kaédi, fils’de Abdoulahy Oumar Sow et de Diéynaba Samba, ingénieur du Génie Civil en service actuellement à la Direction des Bâtiments au Ministère de l’Equipement, célibataire.
–Diallo Aboubacar, né en 1946 à M’bagne, fils de Demba Ardo et de Koumba Bodé, infirmier d’Etat en service au Service de la Médecine préventive à la Direction de la Santé à Nouakchott, marié.
– Guèye Oumar Mamadou, né en 1950 à M’boyo (Boghé), fils de Mamadou Kadio et de Dabi Mamadou, agent de police révoqué, en service actuellement à la Banque Arabe Lybienne Mauritanienne, marié.
–Abdoullahy Barry, né en 1955 à Kiffa, fils de Hamidou Barry et de Fatimettou M’bareck, Conseiller au Ministère des Affaires Etrangéres, Chef du Département Europe Orientale au Ministère des Affaires Etrangéres, marié.
–Aboubacri Khalidou Bâ, né en 1933 à Monguel, fils de Khalidou
Bâ et de Fatmatou Bâ, professeur chercheur à l’Institut des langues, marié.
–Nbini Sow, née en 1964 à Kaédi, fille de Sow Samba et de Miniel Kane, sans profession, veuve.
-Fatimettou M’baye, née en 1950 à Dioudé, fille de Ibrahima M’baye et de Bintou Kane, titulaire d’une maîtrise en Droit à l’Université de Nouakchott, veuve.
LA PROCEDURE
Attendu que la Cour était saisie de l’affaire des deux dossiers n° 922-938/86 par le 3e Cabinet d’Instruction, en vertu de l’article 163 du C.PP et conformément aux articles 318 et 319 du même Code.
Attendu qu’étaient présents les avocats défenseurs mandatés
Maître Diabira Maroufa représentant les prévenus : Sarr Ibrahima, Djigo Tafsirou, Aboubacar Khalidou Ba, Sy Amadou Youssout, Aboubacar Diallo, Sy Mamadou Oumar, d’une part, et Me Bal Ahmed Tidjiane représentant les prévenus : Ly Djibril Hamet, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Kane Mamadou Yéro et Ba Idrissa, d’autre part, se sont également présentés avant la comparution des prévenus • Maîtres Yahya 0/ Abdel Khahar, Adama Diop, Mohamdi 0/ Sabah, Ali Cama, Diagana Mamadou et Mahfoud 0/ Bettah en tant que défenseurs bénévoles de tous les prévenus et ont demandé la traduction de toutes les interventions qui auront lieu au cours de l’audience. La Cour avait satisfait cette demande. L’intervention de Maître Diagana Mamadou se résume ainsi : « J’ai assisté à plusieurs audiences au service de l’intérêt de la défense et de l’État mauritanien, par conséquent notre Justice ne doit pas enfermer mes clients dans des cellules » (l’entre-crochets est illisible et truffé de fautes de frappe, c’est une traduction approximative).
Maître Bal a demandé le renvoi de l’affaire pour avoir le temps d’examiner le dossier.
Attendu que la Cour a satisfait les demandes de la défense saut celle relative au renvoi de l’affaire à propos de laquelle elle avait laissé les dossiers à la disposition des avocats pour les examiner quand ils le veulent.
Attendu que la Cour a demandé la comparution des prévenus, et qu’au moment où le premier prévenu se présente à la barre, les avocats se sont retirés de la salle.
Attendu que la Cour, après avoir vérifié l’identité des prévenus, a demandé à chacun d’eux d’écouter avec attention et l’avait informé qu’il était accusé de complicité dans des réunions non autorisées, de publication et de diffusion de tracts touchant l’intérêt public et de propagande à caractère raciste (actes prévus et sanctionnés par l’article 9 de la loi 008173 du 23/01/1973 relative aux réunions publiques et les articles 16 et 17 de la loi 109/63 relative à l’organisation et diffusion du dépôt légal, l’article 22 de la même loi modifiée par la loi n° 138/66 du 13/07/1966, l’avait informé qu’il avait la liberté de se défendre soi-même ou de mandater pour sa défense qui, parmi les présents, venait à son aide. Il a été informé que la présence d’un défenseur de l’ordre des Avocats n’est pas exigé par la loi dans un cas pareil.
Attendu que les prévenus ont refusé de mandater aucun défenseur, conditionnant leur réponse par la présence des avocats retirés et refusant de choisir d’autres défenseurs.
Attendu que la Cour s’est adressée au Ministère Public qui avait demandé l’application de l’article 9 de la loi n° 008/73 du 23/01/1973 et des articles 16 et 17 de la loi n° 109/63 et de l’article 22 de la même loi modifiée par la loi n° 138/66 du 13/07/1966.
Attendu que la Cour avait demandé à chacun des prévenus s’il lui reste quelque chose à dire et qu’ils s’étaient refusés à parler.
Attendu que l’affaire était mise en délibéré et renvoyée pour vider le délibéré le 25/09/1986.
LES MOTIFS
Attendu que la défense s’était retirée do con propre gré, violant ainsi les dispositions de l’article ler du décret 114/83 du 28/04/1983 modifiant les articles 1 et 20 du décret, 076/80 créant l’Ordre National des Avocats, article qui stipule que l’avocat doit respecter tout ce qui se rapporte aux tribunaux ou à l’intérêt des parties à juger.
Attendu que les prévenus avaient refusé de répondre, et que le refus à une réponse est considéré comme la reconnaissance légale de leur accusation conformément aux textes de Cheikh Khalil (en stage) (s’il refuse de répondre, la prison, la correction et puis un jugement sans l’obliger à jurer) et aux explications de
cet auteur dans la « Touhfa » où il est dit : « qui refuse la reconnaissance ou la négation etc… »),
Attendu que toutes sortes de preuves, de la reconnaissance expresse à la connaissance tacite et aux présomptions claires, ont confirmé que les prévenus étaient bien coupables de l’accusation adressée contre eux et qui signifiait la complicité dans les réunions non autorisées, la publication et la diffusion de tracts touchant l’intérêt public à la propagande à caractère raciste.
Attendu en outre que cette culpabilité a suscité des manifestations visant l’anarchie et la destruction illégale de biens privés.
Attendu que l’obéissance à l’Imam est obligatoire et que sa désobéissance qui entraîne la dissidence à l’Islam, la division de toutes les parties légitimement unies, est interdite par Allah et son prophète, prière et bénédiction sur lui, avait dit à ce sujet (hadith très sommaire et non compris).
Attendu qu’il est reconnu que toute personne réputée pour son anarchisme et sa criminalité doit être longuement emprisonnée et enchaînée et ne doit jamais être libérée.
Cette peine servira son intérêt propre, celui des siens et de l’ensemble des musulmans, comme le stipule la « Tabsira » d’Ibn Farhoun à la page 121 tome TI en plus de ce qui a été stipulé par « Al Miyar » aux pages 148 et 149 du tome XI au sujet de la désobéissance de l’Imam. Mais la peine par correction (Taazir) n’est pas limitée, elle est en fonction du degré de gravité de l’infraction ou du crime, du degré de faiblesse, de ténacité et de résistance physique et morale du coupable. Sans oublier que l’Imam 1alick a autorisé d’infliger des corrections (Taazir)
plus fortes que la peine des « Hadoudas ».
Attendu que les conditions de ce jugement étaient réunies pour corriger par Taazir ces prévenus. Et qu’il est obligatoire de prononcer immédiatement tous jugements dont les conditions étaient réunies.
Pour ces motifs et après délibération légale sur tous les aspects de’l’affaire, et à l’appui et en application des textes cités plus haut et des textes suivants:
LES TEXTES
Khalil : « toute personne majeure jouissant de sa liberté totale est condamnée sur son aveu, etc. … ». Khalil encore : « la Baghiya est un groupe de gens rebelles à l’ordre de l’Imam, etc. … » Al Mawaq : dans ce texte, page 277 tome 6, Ibn Alarabi a dit ne pas contester le pouvoir de celui qui l’a désigné et celui qui le détient et non celui qui en a le droit, etc.
Khalii encore : « L’imam est sanctionné par Taazir pour désobéissance à Allah, etc. … et encore s’il refuse de répondre, la prison, la correction et un jugement sang l’obliger à jurer, etc. » Al Firdaws : « Les jugements dont les conditions sont réunies doivent être rendus immédiatement, etc.Les articles 9 de la loi n° 008/73 du 23/01/1973 et 16 – 17 de la loi n° 109/63 et l’article 22 de la même loi modifiée par la loi 138/66 du 13/07/1966 et les articles 5, 36, 37, 38 et 449 de la loi n° 162/8 portant organisation du Code pénal mau-
LE JUGEMENT
La Cour a condamné par jugement contradictoire de premier ressort les prévenus dont les noms suivent :
Djigo Tafsirou, Saïdou Kane, Ly Djibril Hamet, Ibrahima Sall, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Diallo Aboubacar, Guèye Oumar Mamadou, Abdoullahy Barry, Sarr Ibrahima,
à la prison ferme pour une période de 5 ans, 100000 UM d’amende et privation totale des droits civiques pour une durée de 10 ans et l’interdiction de séjour durant la même période dans les régions suivantes : Tiris Zémour, Dakkhlet NDB, District de NKTT, Trarza, Gorgol, Guidimakha.
Sy Mamadou Oumar, Sarr Abdoullah, Sy Mamadou Youssouf, Ten Youssouf Guèye, Bâ Mamadou Saïdou, Kane Mamadou Yéro,
à la prison ferme pour une durée de 4 ans, 50000 UM d’amende, la privation totale des droits civiques durant 5 ans et l’interdiction de séjour pour cette même période dans les régions ci-dessus citées.
Aly Tandia, Aboubacri Khalidou Bd, Nbini Sow, Fatimettou M’baye,
à la prison ferme pour une période de 6 mois.
L’ensemble des prévenus sont condamnés aux dépens.
Le Greffier Le Président
(signé illisible) (signature et cachet illisibles)
Traduction conforme, sous réserve de mauvaise transcription de noms propres, de passages non compris à la suite d’erreurs de frappe ou d’abréviations ou textes incomplets.